
« In cloud we trust » : psychose, jeux d’immersion et complot
L’histoire : Bienvenue dans un monde où les jeux vidéo sont immersifs. Des parcs d’attractions en taille réelle, où vous pouvez contempler la fin de Pompéi, tuer des zombies, visiter l’Angleterre victorienne… Et puis, un jour, des joueurs disparaissent…
Mon avis : In Cloud We Trust, c’est une promesse. Celle d’un monde dans lequel le jeu est roi. Et brutalement, le jeu déraille. C’est une promesse, tenue aux trois quarts du livre, écrite de plusieurs points de vues. Des comptes rendus de conférence, des textes de propagandes, des lettres qui enquêtent sur les raisons de ce déraillement. Si l’histoire de certains personnage sont suivis, l’idée est plutôt de comprendre un univers, de voir les mécanismes qui se mettent en place, les psychoses, les dérives de l’industrie du jeu, des disparitions…
C’est une promesse qui se perd d’un monde à l’autre, d’un ton horrifique à celui de la réflexion plus posée d’un capitalisme perdu. Certains passages sont extrêmement violents, d’autres décrits d’une voix froide, des changements parfois assez brutaux, auxquels il faut adhérer. Un roman choral qui finit malheureusement par se répéter. Ne pas suivre un seul personnage, avoir plusieurs narrateurs et plusieurs types de récits demande une vraie tenue du roman. Et si la promesse de départ est très bonne, si le rythme est soutenu, cela s’essouffle de plus en plus. Quel est le message de ce livre ? Quelle idée Frédéric Delmeulle a voulu développer ?
Il n’y a pas vraiment de réponse à ce monde qui est le nôtre sans l’être, ancré dans le réel, l’auteur parlant par exemple de Fukushima, du développement du Cloud, de la place plus en plus forte d’Internet… C’est la description d’un monde à la dérive, d’une enquête qui se termine… Eh bien, légèrement en queue de poisson. Si certains apprécieront le final, véritable pied de nez à l’ensemble du livre, la promesse finit par se perdre, les questionnements auraient pu être plus poussés. C’est un livre qui aurait pu être une très bonne nouvelle.
Si vous aimez : World War Z rencontre Minority Report, et croise une boucle temporelle d’un grand huit.
Autour du livre : C’est le troisième roman de Frédéric Delmeulle, professeur d’histoire-géo le jour, auteur la nuit.
Extrait : » Vous l’avez deviné, mes soupçons se tournent clairement vers l’espionnage et le sabotage industriels. À l’appui de cette hypothèse, je relèverai notamment un aspect singulier dans le témoignage de M. Bedford, cet habitué de N’Awlinz dont nous n’avalons aucune raison de douter : les morts-vivants de ce parc sont en effet programmés pour une seule et unique chose, traquer les clients et leur flanquer la trouille de leur vie. Par conséquent, lorsque ces zombies restent sagement massés à l’entrée du cimetière ou qu’ils laissent fort aimablement le passage au malheureux Graham, cela m’interpelle… Et j’en viens à une conclusion toute simple : quelqu’un ou quelque chose interfère avec leur programmation. Quelqu’un sait ce qui va se produire et qui s’amuse à créer une petite mise en scène autour de l’évènement. En un mot, le responsable du problème me paraît nécessairement lié à la programmation. L’attaque vient de l’intérieur, aussi désagréable que cette conclusion puisse nous paraître. »
Sortie : mars 2015, éditions Mnémos, 270 pages, 19 euros.