
INTERVIEW : l’équipe de Dope à Cannes 2015 (1/2)
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« Malcolm est un geek ». Ainsi s’ouvre Dope , film situé dans une banlieue défavorisée de Californie, à Inglewood, surnommée The Bottoms. Rick Famuyiwa va s’attacher à déconstruire cette notion tout au long du film, qui a clos la dernière Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Entre comédie ado potache, chronique d’années lycée bariolée, polar tarantinesque sur fond de trafic de cocaïne, Dope refuse de choisir. Ses personnages sont hors normes, et c’est tout le propos du film, plongé dans un ton mordant et une bande-son reprenant des classiques hip-hop 90’s en gardant toute leur charge émotionnelle et en refusant tout anachronisme. Le Daily Mars a pu rencontrer l’ensemble de la distribution et son réalisateur Rick Famuyiwa au cours d’une table ronde qu’on publie en 2 parties. Dans cette première partie, on parle à Shameik Moore (Malcolm), Chanel Iman (Lily), A$AP Rocky (Dom) et Quincy Brown (Jaleel).
SHAMEIK MOORE
DAILY MARS : Que pensez-vous de Dope et de votre personnage Malcolm ?
Shameik Moore : Je pense que Malcolm est un excellent personnage. Mon but à travers lui, c’est de changer l’histoire positivement, et m’exprimer à travers mes créations.
Est-ce que vous avez des affinités avec lui : son histoire, sa manière de mener sa bande… ?
Je m’identifie au personnage parce que Malcolm n’est pas un produit de son environnement. Moi non plus, j’ai grandi dans un foyer heureux comme Malcolm mais j’avais mon père et ma mère. J’ai grandi plus ou moins dans la lower middle class : on n’avait ni assez, ni trop peu. J’étais heureux. Mes camarades dans le quartier n’étaient pas comme moi, ils étaient en classe en train de parler d’armes à feu, etc. Et c’est leur truc, mais j’avais un état d’esprit différent, comme Malcolm dans le film.
Est-ce que vous avez les mêmes loisirs que lui : le vélo, le skateboard ?
Ouais, j’adore tout ça : les rollers, le vélo, le skate…
Est-ce que vous avez travaillé beaucoup avec le groupe sur les chansons d’Awreeoh (groupe fictif formé par le trio principal, ndlr) ?
Je suis musicien dans la vraie vie. On a fait 4 chansons en 2 jours, mais on ne les a pas écrites. Pharrell a tout écrit et composé, et on a juste eu à poser nos voix. C’était assez épique, et je pense que ça a rendu très bien.
Avec Pharrell à la composition, est-ce que c’était un peu comme si on faisait N*E*R*D* en karaoké ?
Je ne sais pas. Je l’espère.
À la fin du film, vous faites un discours sur 2 personnages : le premier est un quidam du quartier, et l’autre est dealer. Mais en fin de compte, on comprend qu’il n’y a pas de distinction et qu’on ne peut pas mettre Malcolm dans une catégorie. Pensez-vous que ce soit une bonne philosophie ?
Oui. Je pense que cela vaut pour n’importe quel être humain sur la planète. On voit quelqu’un et on le perçoit comme quelque chose. Comme dans la vraie vie, l’habit ne fait pas le moine. On ne peut pas juger comme ça. Après avoir appris à connaître quelqu’un, soit on l’aime, soit on ne l’aime pas. Le film établit ça vraiment bien.
Qu’est-ce que vous attendez et qu’est-ce que l’équipe attend de la projection à la Quinzaine des Réalisateurs ?
J’espère que le public appréciera le film et repartira avec une nouvelle perspective sur la communauté noire américaine, dire à leurs amis et leurs familles qu’ils l’ont aimé, et faire tourner le bouche-à-oreille. C’est ce à quoi je m’attends. Je pense que Dope a une belle énergie, qui vient de la passion et de l’implication de tous. Tout le monde s’est donné à fond sur le projet, c’est pour ça que le résultat est aussi différent. C’est un film qui te fait sentir bien. L’an dernier, au même moment, j’étais en train d’attendre de savoir si j’avais le rôle, je n’étais même pas choisi encore. J’espérais, j’attendais pouvoir être interviewé dessus. Je suis d’Atlanta, et maintenant je suis en France. Je vois mes pensées, rêves se réaliser autour de moi.
Comment s’est déroulée la scène de danse à la fin ?
On m’a dit : « on veut que tu danses, on veut que tu fasses des chorés des années 90. Je danse bien mieux que dans le film, c’était mon personnage qui dansait comme ça. »
Quels sont vos projets futurs ?
Vous pouvez espérer beaucoup de choses où mon nom apparaîtra : un album, par exemple, sur lequel je travaille pour début 2016. Je veux juste m’exprimer créativement, c’est comme ça que je me sens à l’aise.
CHANEL IMAN, A$AP ROCKY & QUINCY BROWN
Comment décririez-vous votre personnage ?
Chanel Iman : Lily est une jeune femme à l’esprit libre qui est la fille d’un magnat du hip-hop.
A$AP Rocky : C’est une chaudasse !
Chanel Iman : Non, c’est faux.
Vous vomissez sur le personnage de Shameik Moore dans le film…
Chanel Iman : C’était du gâteau de riz. Je ne veux plus en manger.
Quincy Brown : Mon personnage s’appelle Jaleel. Il a été élevé dans une famille où il avait tout. Il veut devenir une star du rap, ce qu’il n’est pas vraiment ; il veut être un gangster, ce qu’il n’est pas non plus. Tout ce qui compte, c’est qu’il essaie de l’être. À un certain moment, il va redescendre sur terre, un peu ; mais pour le moment il est vraiment droit dans ses bottes. Ce qui le motive c’est d’être un dur à cuire et de protéger sa sœur, Lily.

A$AP Rocky joue Dom, un des antagonistes de Malcolm, qui convoite sa copine. (Crédit : Sony Pictures)
A$AP Rocky (Dom) : Mon personnage a 26 ans, il est intelligent et irresponsable. Je pense qu’il se bat pour trouver une issue, et il voit une opportunité en lui-même et voit quelque chose dans cet autre gamin, Malcolm. Je pense que c’est là où commence vraiment cette histoire.
Il semble être intelligent, il faisait partie du Boys & Girls Club (organisation d’activités extrascolaires, ndlr)…
A$AP Rocky : Moi aussi, j’y allais.
Si les gens devaient se rappeler de quelque chose relatif à ce film, ce serait quoi ?
A$AP Rocky : Cette expérience [à Cannes]. C’est quelque chose qui est inestimable. Avec le public, quand ils applaudissent à la fin… c’est parce qu’ils aiment le film. Personnellement, si je ne l’aimais pas, je n’applaudirais pas.
Quincy Brown : Je crois que ça touche à tout : le sexe, les drogues, la violence… C’est drôle parce que les gens savent qu’au fond d’eux, ils peuvent s’identifier à ce qui est raconté. Là où se déroule l’histoire, on peut vouloir se sortir de mauvaises situations, mais on peut changer la donne. Tout l’important c’est de prendre les bonnes mesures pour changer la donne. Il y a des gens qui veulent dealer et ils aiment leur vie, mais ensuite ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas en sortir. On ne sait jamais, quelque chose peut changer et ensuite les décider à changer. Tout est possible.
Comment compareriez-vous Sundance et Cannes ? Le film a aussi eu une réception chaleureuse à Sundance…
A$AP Rocky : Je pense que Sundance est très ouvert à l’idée d’un film « urban » en 2015. Je suis reconnaissant qu’Hollywood ne soit pas fermé d’esprit et qu’enfin on ait un film auquel peuvent s’identifier non seulement les gens des banlieues mais aussi tous les gens de ma génération. Les gamins sur Twitter, Tumblr, Snapchat, Instagram.
Quel est votre point de vue sur l’inclusion de classiques de hip-hop 90’s dans Dope ?
A$AP Rocky : Que c’était génial, putain. Et que c’était logique : ces gamins sont des backpackers, des amateurs de hip-hop, des fans de Native Tongues, ça se traduisait bien à l’écran. Quand tu décortiques vraiment le film, on a vraiment une très bonne distribution des rôles.
Quels sont certains des films que Rick a vous donnés pour vous préparer au tournage de Dope ?
Quincy Brown : The Wood, c’est un de ses classiques. Boyz N the Hood, des films qui ont vraiment secoué une génération. Et je pense qu’il est temps d’en avoir un nouveau. Il l’a parfaitement dit, il n’y a pas de meilleur moment pour sortir Dope. Ce film va rester dans les annales, et parler au plus grand nombre.
Dope sort aujourd’hui aux États-Unis. Les droits du film ont été acquis par Sony Pictures pour la France. À venir sous peu : interview de Kiersey Clemons, Tony Revolori et le réalisateur Rick Famuyiwa. Propos recueillis à Cannes le 23 mai 2015 en présence d’un journaliste de Séance Radio.
SHAMEIK MOORE
What do you think about Dope and your character, Malcolm?
Shameik Moore : I think Malcolm is a great character. Through him, I really want to affect history in a positive way, that’s my main focus, express myself in a creative way.
Do you have a personal connection to your character : his story, the way he leads…
Shameik Moore : I definitely connect with the character because Malcolm is not a product of his environment. Neither am I, I grew up in a loving home just like Malcolm did but I had my mom and my dad. I grew up, I wanna say lower middle-class ; not too much, not too little. I was happy. The kids in my environment weren’t like me : they would come to the school and talk about hitting licks, yadda yadda… Which is their thing, but I had a different mindset, and in that movie Malcolm is the same as well.
Do you have the same hobbies as him, like skateboarding, riding bikes?
I love riding bikes, riding on my rollerskates, the whole 9.
Did you work a lot with the group on the Awreeoh songs?
I make music in real life. So we did 4 songs in 2 days, we didn’t write any of it. Pharrell wrote and produced all of that, we came in and did the vocals. So it was pretty epic, and I think it came out really great.
With Pharrell writing all the songs, is it a little like playing N*E*R*D* karaoke?
I don’t know, I hope so.
At the end of the movie, you make a speech about 2 characters : one is one average guy in this district, and another is selling drugs. But at the end of the movie, we understand there is no A or B and you can’t put Malcolm in a box. Do you think it’s a good philosophy?
Yeah. I think that goes for everybody on the entire planet. You see someone and you perceive him to be one way… Just like in real life, don’t judge a book by its cover. You can’t. After getting to know someone, you either like them or you don’t. The movie hits those points really well.
What do you expect and what does the crew expect from the screening of the movie at Directors Fortnight?
I expect the audience to love it and to leave with a new perspective on the Black community, tell their family and friends that they loved the movie, and spread the word. That’s what I expect to happen. I think Dope carries a good vibe. It’s passion and focus : everybody went in with their full heart into the project, that’s why it comes off so differently. It’s one thing to hear about the movie, and another to actually watch the movie. It’s a movie that makes you feel good. Last year at the same time, I was working on getting that role, I was not even cast in that movie. I was hoping, looking forward to being interviewed about it. I’m from Atlanta, Georgia, and now I’m in France. I’m seeing my dreams, my thoughts and my desires manifest around me.
How did the dance scene come about?
It was like : we want you to dance, we want you to do some 90s hip-hop moves. I actually dance way better than in the movie : that was in-character dancing.
What’s the future?
You can expect anything with my name on it : an album, which I’m working on at the top of next year. I just want to express myself creatively, that’s what makes me feel good.
Chanel Iman, A$AP Rocky and Quincy Brown
How would you describe your character?
Chanel Iman (Lily) : Lily is a young, free spirit who’s the daughter of a hip-hop mogul.
A$AP Rocky : She’s freaky!
Chanel Iman : She’s not.
You threw up on Shameik Moore’s character Malcolm…
Chanel Iman : It was only rice pudding. I can’t eat that anymore.
Quincy Brown : My character is named Jaleel. He was raised in a family where he was given everything. He wants to become this hip-hop star, which he’s really not ; he wants to be a gangster, which he’s not. But he’s trying, and that’s all that matters. Eventually, he will come back to earth a little bit, but for now, he’s a true believer. He believes in being tough, taking care of his sister.
A$AP Rocky : My character is a 26-year-old intelligent irresponsible kid, man. I think he battles with trying to find a way out, and some way some how he sees opportunity in himself and inside this other kid, Malcolm. I think that’s where the story begins.
He seems to be pretty smart, he used to be part of the Boys & Girls Club.
A$AP Rocky : I used to go there, too.
If people were to remember something about this movie, what would it be?
A$AP Rocky : This experience. You can’t buy that. When the audience, when they’re clapping and shit at the end, it’s because they like it. I wouldn’t clap if I didn’t like the film.
How would you compare it to Sundance, where Dope had loud applause and loud reception too?
A$AP Rocky : I think Sundance was very open to a urban film for 2015. I’m thankful that Hollywood is not being close-minded and that finally there’s a film that can relate not only to the urban community but also to all the kids in my goddamn generation, man. These kids on Twitter, Tumblr, Snapchat, Instagram.
What was your take on featuring those 90s classic hip-hop songs in Dope?
A$AP Rocky : I think that was fucking amazing. And it actually made sense : those kids were backpack, Golden Age hip-hop lovers, Native Tongues fans… It translated well. When you really break down the science of this film, it’s a crazy cast.
What was the most important thing about this movie?
Quincy Brown : It touches on every type of situation : sex, drugs, violence… It’s funny, because a lot of people may want to look at that, but in the back of their mind, they can relate. Where the story was told, you can escape from bad situations, you can flip that. It’s all about the steps you take to flip it or not. Some people want to sell drugs and love their lives, but then they realize they just can’t get out their lives. You never know, something can happen in their lives where they’ll decide to change. Anything is possible.
Was there some movies that Rick gave you to study as homework, as preparation for this movie?
Quincy Brown : You know, The Wood, that’s one of his classics. Boyz N The Hood, movies that really shook the generation, and I think it’s time for another one. He wrote it out perfectly, there couldn’t be a better point to put Dope out, it’s gonna be around for a long time. I think it’s gonna speak to the masses.