
#INTERVIEW GARETH EDWARDS : « JE FILMAIS DARTH VADER ET JE NE POUVAIS RIEN DIRE » 2/2
Seconde partie de notre rencontre avec Gareth Edwards, réalisateur de Rogue One. Où il est question de Darth Vader, d’objectif Panavision vintage, d’Akira Kurosawa ou encore de… Mark Hamill.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec le génial chef op’ de Cogan – Killing Them Softly, Zero Dark Thirty ou Foxcatcher, Greig Fraser.
Gareth Edwards : J’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal de gens talentueux pour le film. Quand vous dirigez un Star Wars, même si les gens sont très occupés, ils trouvent un peu temps… Pour la photo de mon film, j’avais des idées bien arrêtées, je voulais une photo très réaliste, organique, vivante, un peu documentaire, mais aussi laisser toute la liberté aux acteurs. Quand j’ai rencontré Greg, avant que je puisse parler, il m’a dit qu’il ne voulait pas faire un gros machin hollywoodien glacé, mais une œuvre artistique, organique, très naturelle, et il m’a sorti exactement ce que je voulais lui dire. Je l’ai donc embauché et nous nous sommes très bien entendus. Il a un œil extraordinaire, un magnifique sens de la composition.
Greg a également réussi quelque chose d’extraordinaire. Panavision et ARI sont des sociétés rivales, un peu comme Coca et Pepsi, et Greg a réussi à les faire collaborer. On a un objectif anamorphique Panavision 70 mm des années 60, qui avait été utilisé pour Ben-Hur, monté sur la nouvelle caméra digitale ARI qui tourne en 65 mm, en Imax. On a obtenu une image très années 70, avec un grain, un look formidable.
Dans le film, certains vaisseaux comme les U Wings ou certains costumes des Death Troopers ont un nouveau look. Comment avez-vous concilié l’univers Star Wars et la nouveauté ? Comment avez-vous insufflé de la créativité ?
G. E. : Je suis un très gros fan de la saga. Je connais les films par cœur. Je suis allé en Tunisie dormir dans la maison de Luke Skywalker quand j’avais 30 ans. J’avais envie de prendre tous les éléments de Star Wars et les mettre dans mon film. Les producteurs se sont dits « OK, laissons le faire, il va vite revenir sur terre. » Car c’est bien sûr impossible, il faudrait réaliser un film de dix heures. Je suis donc parti des personnages en me disant, il me faut tel et tel perso. Pour les Death Troopers, je voulais des personnages vraiment effrayants, de vrais soldats d’élite. J’ai commencé par regarder les dessins originaux de Ralph McQuarrie. Je suis tombé sur une sublime esquisse et je me suis dit que l’on devait leur donner ce look très cool. Mais aussitôt, on m’a assuré qu’avec leurs armures, ils auraient l’air lourd massif, comme des joueurs de foot américain de la NFL. J’ai donc décidé de caster des mecs très grands, élancés, athlétiques. Et ça fonctionne parfaitement à l’écran. La période la plus agréable a peut-être été celle du travail sur le look du film, le design. J’avais l’impression d’être à nouveau un môme. On a bossé neuf mois sur le design des vaisseaux, on en a dessiné des milliers. Pour K-2SO ou les Death Troopers, ça a pris un an. En fait, au bout d’un mois, vous avez trouvé quelque chose de bien, mais vous passez les 11 mois suivants à changer les détails, à peaufiner. Car ces Death Troopers, je vais les revoir toute ma vie. Impossible d’avoir des regrets plus tard. Pour moi, la réussite de Rogue One, ce ne sera pas le jour de la sortie, mais dans 15 ans. Si je croise un jour un môme dans la rue avec un T-Shirt avec des Death Troopers, alors là, oui, je saurai que j’ai réussi (rires) !
Quel a été le moment le plus exaltant sur le tournage ?
G. E. : Il y en a eu tellement… Le truc compliqué, c’est que je ne pouvais rien dire de ce que je faisais, ni sur Facebook, ni à mes amis. Bon, maintenant, vous le savez, il y a Darth Vader dans le film. Le jour où vous tournez ça, vous avez juste envie de le hurler dans la rue. Et vous ne le pouvez pas ! Vous rencontrez vos potes qui vous racontent leur journée au boulot et vous brûlez de leur dire « Mais c’est rien, j’ai filmé des séquences avec Darth Vader, moi ! » Un jour, je discutais d’une scène avec Felicity Jones. Je tourne la tête et je vois arriver sur le plateau… Mark Hamill. Je n’écoutais plus rien, j’avais juste envie de rencontrer Luke Skywalker. Mark était mon héros quand j’étais enfant. J’étais nerveux, ému mais je suis allé le saluer. Il portait un T-Shirt de mon film précédent, Godzilla. Il était charmant bien sûr, drôle, sympa, cool, généreux. Mais vous savez, tous les jours, vraiment tous les jours, il se passait quelque chose d’extraordinaire. Et on s’habitue, cela devient la routine… Jusqu’au jour où je me baladais dans un centre commercial et je tombe nez à nez sur deux silhouettes en carton géantes de Death Troopers. J’ai réalisé que Disney avait commencé le merchandising du film. C’est très étrange de retrouver les figurines des personnages du film, ou des caleçons à l’effigie des héros. Nous avions travaillé en secret pendant de longs mois, et là, c’est l’invasion mondiale… Cela ne m’arrivera jamais plus.
Comment fait-on pour réussir l’alchimie entre la quête des personnages et la grande fresque dont ils font partie ?
G. E. : Hum… Il me faudrait deux ans pour répondre à cette question. Je voulais faire un film de personnages. Et il était fondamental que chaque personnage ait une histoire propre, un but, une trajectoire, qui soit différente de celle des autres personnages. Ce sont nos héros qui font avancer le récit. Quand je trouvais qu’un personnage était moins fouillé, moins intéressant, on le retravaillait. Nous sommes partis du personnage de Jyn en premier et nous avons imaginé un personnage qui représentait la croyance en la Force, car je vous rappelle qu’il n’y a pas de Force, ni de Jedi dans le film. Nous sommes également remontés aux influences de George Lucas, notamment La Forteresse cachée d’Akira Kurosawa, où l’on trouve les inspirations de R2D2 et C3P0. Nous avons décidé d’avoir deux personnages asiatiques (Baze Malbus et Chirrut Imwe), qui sont un peu le ying et le yang, qui représentent la croyance et la défiance en la Force. Il y a également un personnage qui évoque celui de Dennis Hopper dans Apocalypse Now.
Rogue One : A Star Wars Story, de Gareth Edwards
Sortie française le mercredi 14 décembre 2016
Il y avait des consignes pour ne pas parler de choses fâcheuses ?