
INTERVIEW : Hideo Nakata : « Je n’ai jamais été fan de films d’horreur ! »
Programmé en compétition au dernier festival du film fantastique de Gérardmer (et reparti bredouille), le nouveau film du réalisateur culte de Ring a déçu une partie de sa loyale fan base. On a eu effectivement beaucoup de mal à se passionner pour cette soporifique histoire d’appartement hanté et surtout pour son héroïne principale, jouée par l’horripilante Atsuko Maeda. The Complex semble bien évoquer, en creux, la douleur du deuil comme en écho à la tragédie du séisme et du tsunami de mars 2011. Mais le film soufre vraiment d’une narration laborieuse, d’effets comiques manifestement involontaires et d’un sentiment de déjà vu. Hideo Nakata lui-même ne semble pas spécialement très impliqué artistiquement dans The Complex, qu’il avoue dans l’interview qui suit avoir principalement tourné pour l’argent.
Qu’est ce qui vous a poussé à tourner The Complex ? Ce film a l’air d’un retour aux sources pour vous…
HIDEO NAKATA : Je ne voulais pourtant pas vraiment revenir au genre fantastique. Mais c’était la troisième fois que le producteur des AKB Girls 48 (un groupe de pop ultra-célèbre au Japon) me relançait pour faire un film d’horreur, spécialement conçu autour de sa chanteuse Atsuko Maeda. J’ai fini par céder parce que j’avais besoin d’argent pour financer un documentaire que je prépare sur le séisme et le tsunami de mars 2011. Le scénario était déjà écrit quand j’ai débarqué et en effet ça ressemble beaucoup à Dark Water. De plus, Atsuko Maeda n’était pas très expérimentée, nous n’avions que quatre semaines de tournage et, à cause de son groupe, elle n’était là qu’un jour sur quatre.
On a dû déjà vous le dire plusieurs fois mais The Complex entretient beaucoup de similitudes avec Dark Water.
Heu.. non en fait vous êtes le premier à me le dire et je comprends tout à fait cette remarque, je l’ai pensé moi-même à la lecture du scénario. Le postulat est similaire – un appartement, un enfant fantôme… Dark Water évoquait une réalité sociale, celle des mères célibataires qui luttent pour gagner leur vie et éduquer leurs enfants et le film ressemblait lui même à Ring, où une mère devait aussi défendre son enfant d’une puissance surnaturelle. Dans The Complex, l’héroïne est bien plus seule, elle n’a aucun voisin et recherche absolument une compagnie qu’elle va trouver dans les fantomes du petit garçon et du vieil homme. Le film aborde aussi le problème du vieillissement de la société japonaise. Un nombre croissant de personnes âgées meurent seules dans leur appartement sans que personne ne s’en aperçoive jusqu’à ce que l’odeur alerte les voisins, on peut lire ce genre d’histoire quasiment chaque jour dans les pages faits divers. Il existe des aides sociales mais chez nous, beaucoup de personnes âgées refusent l’aide d’étrangers par tradition ou peur du danger.
On vous a déjà surnommé le “John Carpenter japonais” : sentez-vous une pression particulière à chaque film ?
(il rit) Non, je refuse qu’on me catalogue comme un maitre du genre, j’essaie justement d’en sortir ! Le pire c’est que je ne suis pas un gros fan de films d’horreur ! Comme cinéphile, je ne l’ai jamais été.
« Hollywood doit changer de stratégie »
Vous venez encore d’en faire un, pourtant, de film d’horreur !
Les gens m’attendent sur ce terrain ! Ca ne me dérangeait pas de revenir à ce genre avec The Complex, mais je ne me vois vraiment pas comme un maitre. Des producteurs m’avaient approché pour faire le remake de Fog d’ailleurs, mais j’ai refusé. J’ai accepté de faire The Complex parce qu’il fallait que je gagne de l’argent et qu’il y avait une offre. Mais mon vrai but professionnel, c’est de réaliser des documentaires : si j’ai fait Ring, c’était pour pouvoir financer la post production de mon premier documentaire, Joseph Losey the man with four names. Pour The Complex c’est pareil : je l’ai fait pour pouvoir financer mon documentaire sur le tsunami de mars 2011.
Mais pourquoi ce documentaire vous tient-il tant à coeur ?
C’est… inévitable. J’ai été bouleversé par le témoignage d’un pêcheur qui a tout perdu dans la catastrophe : ses deux enfants de deux et trois ans, sa femme, ses parents… absolument toute sa famille a disparu. Je ne pouvais pas me contenter de regarder à la télé ces gens qui ont tout perdu sans rien faire. Les trois documentaires que j’ai tourné à ce jour portaient sur le cinéma, j’ai toujours préféré éviter les sujets sociaux, mais ce désastre m’a fait reconsidérer ma position. Le film s’appellera Living in the wake of 3/11, je devais le réaliser au départ pour une chaîne de télé, qui s’est finalement retirée du projet, du coup je le finance tout seul pour une sortie salles à Tokyo.
Quel sera votre prochain long métrage de fiction ? Allez vous de nouveau tourner un film d’horreur à Hollywood ?
Le problème de ce genre aux USA c’est qu’il est plus que jamais gouverné par l’argent, donc qu’il devient conventionnel. Les studios ne veulent plus explorer et de toute façon, de moins en moins de gens travaillent dans ce secteur. L’argent est leur dieu et quand j’étais là bas, j’avais vraiment l’impression de participer à un produit industriel. Nous devions nous soumettre aux projections test en plein montage du film (Nakata parle de Chatroom – ndlr). Vous savez comment ca se passe ? Les studios montrent une version non définitive du film à un groupe de 100 personnes, chargées de noter le film de 5 à 1 : excellent, très bon, bon, moyen, médiocre. Si le film recueille 80 pour cent de “4” et de “5”, tout va bien et tout est fait pour que le nombre de “4” et “5” atteigne les 95. Ce qui est absurde dans le cas d’un film d’horreur, qui par définition n’est pas fait pour plaire à tout le monde. Hollywood doit changer de stratégie pour ce genre de film, à l’évidence ça ne fonctionne pas.
Quand est-il du projet d’adaptation de The Suicide Forrest sur lequel vous étiez annoncé l’été dernier ?
L’un des producteurs de The Bay m’a approché avec un producteur japonais mais ça n’est pas pour tout de suite…
Chouette Itw et d’une sincérité surprenante. Bravo !
Rhaaaaaa ça fera plaisir à certains (décérébrés) d’avoir une n-ième idole et de surcroit un membre des AKB48 faire un film.
Film, qu’elle aura au passage bien plombé vu qu’y a de grandes chances qu’elle surjoue comme (presque) n’importe qu’elle actrice japonaise qui débute.
C’est tout de même dépitant de devoir faire des films qui puent pour financer un projet auquel on tient.
Faut le laisser tranquille ce monsieur :).
NB : je critique mais le trailer m’a quand même fait vibrer un poil la colonne vertébral. Très certainement à cause de cette enfoiré de môme-fantôme-mort qui lâche un « jouons » à la fin (ouais je me la pète grave et j’ai un souci avec les enfants décédés et/ou possédés)
Bah tu devrais te laisser tenter lorsque le film sortira, c’est quand même loin d’être une purge et il a aussi ses fans !