#Interview Iris Brey, Les Femmes dans Twin Peaks

#Interview Iris Brey, Les Femmes dans Twin Peaks

Est-il besoin de présenter une nouvelle fois Iris Brey ? Auteure du livre Sex & the Series (Soap Edition), réalisatrice de la série documentaire Sex & the Series (OCS), nous avons voulu connaître sa lecture de Twin Peaks par le prisme de son récent travail.

(Toutes les illustrations sont issues de la relecture photographique de Twin Peaks par Sébastien Gerber)

Twin Peaks

©Sebastien Gerber

Daily Mars : Votre travail, sans le raccourcir, tourne autour de la représentation du corps de la femme, de son désir, de sa sexualité, de la géométrie des couples, comment Twin Peaks, de la série au film, peut-il s’inscrire dans ce travail ?

Iris Brey : Ce qui est passionnant dans Twin Peaks c’est que la série aborde le désir d’inceste. Or l’inceste entre un père (ou une figure paternelle) et une fille est le plus répandu dans notre société et pourtant le moins représenté dans les séries télé américaines. On multiplie les incestes adelphiques (entre frère et sœur) consommés dans Game of Thrones, évoqué même dans Dix pour cent en France ! On voit des mères qui aiment leurs fils (Bates Motel, Boardwalk Empire). Mais l’inceste père-fille est un point d’aveuglement dans notre société. Le fait que Lynch ose s’intéresser au désir incestueux d’un père en fait une série extraordinaire dans le paysage sériel.

Est-ce que Twin Peaks disait quelque chose de son époque au sujet de la femme et de son corps ?

I. B. : Déjà il n’y pas qu’une femme dans Twin Peaks, elles sont multiples et même elles se dédoublent puisque Laura Palmer et Maddy Ferguson sont jouées par la même actrice, Sheryl Lee, qui passe de blonde en brune selon le rôle. Et dans la première saison, le policier Dale Cooper découvre que Laura Palmer menait une double vie. Cette fascination pour la dualité d’un personnage féminin ne date du début des années 90, au contraire Lynch explore des tropes très fertiles d’un imaginaire commun. Le personnage de Laura Palmer est une juxtaposition des mythes de la vierge et de la putain. Quant à son corps retrouvé mort au bord de la mer, c’est une image qui peuplera les séries, avec ce visage frigorifié et sa beauté qui restera à tout jamais figée. Ce visage paisible rappelle celui de l’héroïne tragique shakespearienne Ophélie et son spleen. De découvrir son visage lisse alors qu’elle a été assassinée reprend encore une fois la notion de dualité, la violence que le corps a endurée se juxtapose à ce visage de Vierge. Grâce à ce plan, Laura Palmer atteint le rang d’icône.

Twin Peaks

©Sebastien Gerber

Et qu’attendre de sa prochaine saison ?

I. B. : J’espère qu’on retrouvera une certaine mélancolie. Et j’espère que la nostalgie que l’on partage ne sera pas niée par ce reboot. Il y a une forme de violence avec cette troisième saison, comme si on ne pouvait pas laisser les morts en paix. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, pour reprendre le titre du livre de Signoret. Mais Lynch va sûrement créer une nouvelle mythologie avec cette prochaine saison et on y plongera avec délice en espérant y retrouver le goût acidulé de la cherry pie.

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