Interview Matteo Garrone Tale of Tales

Interview Matteo Garrone Tale of Tales

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Matteo Garrone a pris un gros défi pour son dernier film en date : un film de fantasy adapté de trois des 50 contes de Pascal, Tale of Tales. On l’a rencontré vendredi dernier pour parler du monde très tactile qu’il a créé, les acteurs britanniques méconnus qui sont mis en avant dans le film, et ses défis techniques pour mener un gros budget à l’européenne – le film est une coproduction dont l’ambition est visible à l’écran.

C’est la première fois que vous travaillez avec un cast international : Salma Hayek, John C. Reilly, Toby Jones. Ce dernier incarne un monarque très particulier dans l’un des trois contes choisis, La Puce. Comment l’avez-vous convaincu de jouer ce rôle ?

Matteo Garrone : Le choix a été fait avec Jina Jay, qui est chargée de la distribution des rôles. L’idée était à la fois de choisir des gens sur leur aspect physique, qui correspondait au personnage, mais aussi à des caractéristiques d’acteur ; on cherchait des acteurs qui pouvaient jouer à la fois des rôles comiques et des rôles tragiques pour Toby Jones. Bien sûr, c’est son talent qui me plaisait beaucoup chez lui, mais aussi son apparence physique un peu infantile, celle d’un enfant adulte. Quand il a lu le scénario, il a compris tout de suite qu’il s’agissait d’un film différent, même dans le genre auquel il correspondait. Il a accepté tout de suite de tourner ce rôle.

FOTO00086410_Copier__01Toujours du côté du casting, il y a aussi de jeunes acteurs britanniques, des révélations. Parmi elles, il y a Bebe Cave (Viola). Avez-vous su très tôt qu’il fallait faire appel à quelqu’un qui était totalement inconnu pour jouer ce personnage féminin qui est, au final, l’un des plus forts du film ?

Bebe Cave est une révélation pour moi. Elle était très jeune quand elle a tourné le film puisqu’elle avait 16 ans. Elle avait quelques expériences au théâtre et quelques petits rôles au cinéma. Je dois l’avouer, c’est la seule que j’ai vu pour ce rôle, mais elle avait une force et une épaisseur incroyable, qui a grandi et qui a donné de la force au personnage pendant tout ce film.

En regardant Tale of Tales, j’ai été surpris de me rappeler au souvenir de films américains fantastiques des années 80, comme Legend de Ridley Scott. C’est surtout via la conception des créatures pratiques : ça m’a fait penser à un mix entre Ray Harryhausen et des créatures des années 1980. Est-ce que c’était important pour vous d’avoir de vraies créatures et de les animer sur le plateau ?

C’était un choix de départ, quand on a travaillé avec Leonardo Cruciano, il fallait qu’on travaille sur des matériaux qui étaient vrais. Bien sûr, il y a des retouches en numérique derrière. Cette idée de travailler sur des animaux fabriqués, d’une part ça donnait une plus grande crédibilité à ces scènes, et d’autre part, ça aboutissait à plus de matérialité. La composante artisanale est, pour moi, très importante, car c’est un peu revenir aux origines, à Méliès, à un cinéma qu’on pouvait voir.

Capture d’écran 2015-06-30 à 17.06.09

Vous avez dit lors de la promo à Cannes que c’était un film avec beaucoup d’effets spéciaux et que tout ce qui aurait pu mal tourner s’était produit. Quel a été le défi le plus dur pour mener à bien Tale of Tales et le présenter à Cannes ?

Je me suis mal exprimé. En fait, c’est un film qui a été très difficile, très éprouvant à faire et on a eu beaucoup de problèmes à affronter techniquement, auxquels je n’étais pas habitué. On a eu beaucoup de difficultés de tournage qui n’étaient pas celles des précédents films, qui étaient plus simples à réaliser, mais on a réussi à dépasser ça. Je ne peux pas dire que je me sois vraiment amusé en faisant ce film. Je pensais au début que j’allais prendre beaucoup de plaisir et en fait, quand j’ai vu les difficultés arriver, j’ai essayé de ne pas couler et de garder la tête hors de l’eau. Et c’était particulièrement difficile.

CASSEL00086406_Greta_De_Lazzaris___Copier_Tale of Tales est reconnu d’intérêt culturel ainsi que la quasi-intégralité des décors qui sont vraiment naturels. Avez-vous eu la tentation d’aller dans un sens ou dans un autre avec les décors : soit les magnifier en postproduction, soit les garder tels quels et ne pas les fondre dans un univers de fantasy ? Comment vous êtes-vous débrouillés pour plonger les décors naturels dans le monde de Tale of Tales ?

Pour moi, les lieux dans mes films sont comme des personnages, qui servent à raconter des conflits : par exemple, le lieu où se retrouve Viola dans La Puce, c’est un lieu isolé, un lieu de solitude. Le château de Cassel doit montrer une grosse différence de classe, car il y a vraiment l’idée qu’il regarde de haut en bas. Donc, il fallait un lieu qui puisse montrer cette distance, de haut en bas. L’idée, c’était d’avoir des lieux réels qui semblaient reconstruits. Et on a beaucoup cherché ces lieux réels. À l’inverse, avec Dimitri Capuani, le scénographe, on a cherché des décors hyper réalistes. L’idée était de créer des décors de spectacle qui donnent un sentiment d’artifice.

Propos recueillis à Paris le 26 juin 2015.

 

Tale of Tales, en salles mercredi. De Matteo Garrone. Avec Salma Hayek, John C. Reilly, Toby Jones, Vincent Cassel, Bebe Cave.


Tale of Tales, Bande-annonce VOST by DailyMars

 

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