
INTERVIEW : Robert Zemeckis : « Un Retour vers le futur 4 ? Jamais ! »
Vous l’avez peut-être déjà lu ailleurs et notamment chez nos camarades de Capture Mag, mais Robert Zemeckis n’est pas un réalisateur aisé à interviewer. Du moins ne l’était-il pas sur la promotion de Flight. Réponses lapidaires, tendance à « banaliser » sa fonction et ne pas développer le propos… Difficile d’approcher le coeur du sujet, à plus forte raison en 20 minutes et en compagnie de trois autres journalistes : on commence à peine à se chauffer que l’interview est déjà terminée. En l’état, l’entretien qui suit est moins centré sur le film que sur le statut actuel de Zemeckis comme réalisateur dans l’industrie hollywoodienne, dont on devine qu’il ne goûte vraiment guère l’évolution. Dernière précision : les astérisques précèdent des questions posées par les trois autres journalistes durant ce « roundtable ». La critique de Flight dans le post suivant.
SYNOPSIS FLIGHT (dossier de presse)
Whip Whitaker, pilote de ligne chevronné, réussit miraculeusement à faire atterrir son avion en catastrophe après un accident en plein ciel… L’enquête qui suit fait naître de nombreuses interrogations… Que s’est-il réellement passé à bord du vol 227 ? Salué comme un héros après le crash, Whip va soudain voir sa vie entière être exposée en pleine lumière.

Robert Zemeckis durant notre roundtable, le 16 janvier dernier à Paris.
DAILY MARS : Flight est votre premier film classé “R” depuis La Grosse Magouille. Vous êtes en colère contre le système ou quoi ?
ROBERT ZEMECKIS : Non, la crudité de Flight était simplement ce qu’exigeait le scénario, ce n’était pas une volonté délibérée. Mais de toute façon, personnellement je hais le système de classification des films aux Etats-Unis, il devrait être aboli. Il est arbitraire, corrompu et la seule chose qui obsède vraiment ces gens, c’est la nudité, particulièrement les organes sexuels féminins et, pire que tout, la représentation d’une femme recevant du plaisir sexuel. Ils détestent ça ! Et les gens responsables de ce conseil n’ont pour moi aucune crédibilité. Ils devraient faire un classement moina arbitraire et des interdictions graduelles pour chaque âge de 13 à 17 ans ou pas de classement du tout ! Pour les studios, éviter à tout prix un classement R est devenu très important pour une seule raison : l’argent, le box-office. C’est pour ça que nous sommes ravis du succès de Flight malgré sa classification pour adultes, mais il y a des parties entières des Etats-Unis qui n’iront jamais voir ce film juste parce qu’il est classé R, par principe.

Robert Zemeckis
*Le film pose la question de la définition d’un héros : qu’est ce qui est le plus héroïque à propos de Whip Whitaker ? Le fait qu’il ait sauvé des vies ou qu’il essaie d’arrêter de boire ?
Tout dépend de votre point de vue ! Si on avait fait de Whip un pilote qui ne fait “que” sauver des vies sur un avion, vous auriez eu un film de sauvetage avec un personnage central qui est un pur héros de cinéma. Mais on a rajouté à cela cette décision qu’il prend de se sauver lui-même, ce qui en fait du coup un héros de la vie réelle. Le choix du métier de pilote était capital parce qu’il fallait que le personnage soit responsable de la vie d’autres personnes. Avec un comédien, ou un avocat, l’histoire aurait eu moins d’impact. Et c’est ce qui m’a attiré : c’est une histoire captivante, qui vous aggripe par le fait que le script de Gatins vous pousse sans cesse à vous questionner sur vos propres sentiments : dans le fond, souhaitez vous que Whip s’en sorte ou qu’il soit puni pour ses actes ? Je trouve que les personnages les plus fascinant sont encore ses défenseurs, qui cherchent par tous les moyens de lui faire échapper à la punition.
« Je serais ravi de me lancer dans l’expérience séries sur Netflix »
L’ambiguité morale extrême de Whip est une denrée désormais rare au cinéma mais fréquente dans les séries du câble. Certaines vous ont-elles influencé dans le choix de faire ce film ?
Bien sûr que je regarde ces séries, j’adore notamment Breaking Bad, Mad Men. Mais c’est surtout un certain cinéma américain des années 70 que j’avais en tête, y compris dans la mise en scène. Et oui, c’est triste mais la télé est devenue le nouveau cinéma adulte et le cinéma est devenu l’endroit de cette pop culture un peu débile, les places se sont inversées. Et d’ailleurs, si le bon sujet se présente, surtout pas sur un network mais plutot sur le câble ou Netflix, je serais ravi de tenter l’expérience.

Whip Whitaker (Denzel Washington) en pleine tempête.
Dans les années 80, vous étiez pourtant un symbole de cette pop culture que vous dénoncez aujourd’hui
Oui mais à l’époque, les blockbusters coûtaient moins cher et ils étaient plus intéressants à faire. Le probleme aujourd’hui, c’est le coût de ces films. Quand un studio fait un film à 150 millions dollars, il doit en rapporter 300 net pour que l’affaire soit rentable. Et pour cela, il doit faire 600 millions dans le monde entier. Ca veut dire que vous devez faire venir dans les salles de toute la planète absolument tous les spectateurs un tant soi peu intéressés au cinéma. Par définition, votre film ne peut se permettre d’avoir un propos quelconque. Avec son scénario, il aurait été impossible de faire Flight pour 150 millions. Il a couté 31 millions de dollars, parce qu’on l’a produit de façon responsable. Denzel et moi n’avons touché aucun salaire pour le faire, mais nous touchons un pourcentage sur les recettes.
*Mais Flight est-il pour vous un film adulte ou un divertissement ?
Mais bien sûr que Flight est un divertissement. TOUS les films doivent etre du divertissement ! Un film peut parfaitement être dramatique, profond… et divertissant.
Je me doute de la réponse mais je suis obligé de vous poser la question en ces temps de reboot/remakes/résurrections de franchises des années 80 : un Back to the future 4, un jour, vous l’envisageriez ?
Bien sur que non, c’est fini ! Les acteurs sont trop vieux ! Et faire un remake, ou un reboot, non je n’y crois pas, à quoi ca servirait ? J’aime l’idée qu’un film soit aussi le témoignage de son époque, le reflet du point de vue de son réalisateur cette année-là. D’un point de vue artistique, ça n’a pour moi aucun intérêt de refaire un truc existant déjà, ce serait comme reproduire un tableau.
Remerciements à Muriel Kitzinger.
FLIGHT, de Robert Zemeckis (scénario : John Gatins). Avec : Denzel Washington, Kelly Reilly, Bruce Greenwood. En salles (durée : 2h18).
Merci pour cette interview qui contrairement à ce que votre premier paragraphe me l’avait laissé penser est très interessante ! Mon film préféré étant « Forrest Gump » vous ne douterez pas de mon interet pour ce grand monsieur.
Soit dit en passant, il est plutot habile de ses mots. Il aura réussis à me convaincre qu’un « Back to the Future 4 » ou un remake quelconque serait inninteressant. Grand monssieur j’ai dit ! 🙂
Merci pour ton comm’ Mr White ! Suis pas super fan de Forrest Gump mais je reconnais l’immense savoir faire du bonhomme et en effet, il a un vrai point de vue bien tranché qui fait du bien à entendre.
Je partage avec John Plissken une certaine circonspection pour Forrest Gump (non en vrai je n’aime pas du tout) et je partage avec White le plaisir d’une interview ou Zemeckis semble sincère et avec des questions pertinentes ! Bravo les gars !