Intisar en exil de Pedro Riera et Sagar

Intisar en exil de Pedro Riera et Sagar

Note de l'auteur

Un conflit au Yémen, vous êtes sûr ? L’Arabie saoudite, une guerre de religion ? Ah bon… Au fait, comment vivent les femmes de ce pays contraintes au déracinement à cause d’un conflit silencieux mais dévastateur ? Ça vous intéresse ? Alors, courez vous procurer cet album puissant, journalistique et singulier. Vous ne le regretterez pas.

L’histoire : Intisar, jeune yéménite, qui doit s’expatrier en Jordanie invente la vie avec. Ses amis, ses amours, ses emmerdes, tout y passe. Féministe à tout crin, idéaliste et moderniste, elle voit en cet exil forcé par la guerre le sas vers tous les possibles.

Mon avis : C’est un véritable documentaire graphique qui nous est donné de lire. Une forme de reportage in situ qui narre le quotidien non pas d’une femme appelée Intisar mais de plusieurs dizaines de ses congénères. Ces témoignages ont été compilés pour donner cet album. Des saynètes de la vie quotidienne qui traduisent mieux les vicissitudes du présent qu’un long et beau discours.

C’est simple à lire et on peut même piocher si le cœur nous en dit. On y évoque aussi bien les grands idéaux que les petites misères de la vie. Cela donne une photographie assez précise de la condition féminine des yéménites. De ses espérances nées du « printemps arabe » même si le terme même lui semble galvaudé et aussi de ses déceptions. Avec en filigrane, une lutte plus sourde contre l’emprise des hommes.

Et paradoxe des paradoxes, c’est la guerre et donc l’exil qui font re-aimer ce pays à ses citoyennes. Alors qu’il n’est plus que cendres et gravats suite au jeu politique initié par l’Arabie saoudite qui a besoin d’un grand terrain de manœuvre à balles et bombes réelles. Elles se redécouvrent patriotes et estiment aussi que l’exil à Amman leur offre une liberté qu’elles n’auront pas l’heur de rendre au moment du retour au pays à Sanaa.

J’ai adoré ce recueil. Il donne un grand témoignage sur la condition féminine, sur ses aspirations, sur ses désillusions. Sur son destin perturbé par les hommes et la marche du monde, c’est une totale réussite.

En accompagnement : « Nous, les enfants, on a changé« , le reportage de la réalisatrice yéménite Khadija Al-Salami pour l’émission Envoyé spécial.

Si vous aimez : La Voiture d’Intisar, le premier épisode né en 2013 et couronné par la critique également. Les deux albums peuvent se lire séparément. Avec déjà Pedro Riera au scénario et Nacho Casanova au dessin.

Autour de la BD : Télévision, publicité, cinéma, littérature et depuis 2013 bande dessinée, mais où s’arrêtera Pedro Riera, véritable chroniqueur de son temps et voyageur devant l’éternel ? Vu sur Le Syndrome de Stendhal, le Barcelonais Sagar apporte son trait fin et précis.

Extraits : « Là-bas, c’est la Palestine. »

« Quand j’ai un peu le blues, je viens ici pour voir le coucher de soleil. »

« S’il y avait un endroit ici d’où on pouvait voir le Yémen, c’est là que j’irais. »

« Curieusement, moi qui détestais mon pays, depuis que les Saoudiens s’acharnent sur lui, je l’aime de toutes mes forces. »

 

Intisar en exil
Écrit par Pedro Riera
Dessiné par Sagar
Édité par Delcourt

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