Iron Maiden, Somewhere Back in Time (4ème Partie)

Iron Maiden, Somewhere Back in Time (4ème Partie)

Pour célébrer les 35 ans de la sortie de l’album Iron Maiden et les 40 ans de la création du groupe, le Daily Mars vous propose, cet été, ce petit cahier de vacances pour réviser vos classiques avant la sortie de leur seizième album, The Book of Souls, le 4 septembre prochain.

Le retour de l’enfant prodigue résume le sentiment qui anime la planète métal quand Steve Harris annonce que Bruce Dickinson reprend son poste de chanteur au sein du groupe. Et il ne revient pas les mains vides puisque Adrian Smith l’accompagne. Se pose alors la question de Janick Gers. Allait-on lui montrer la sortie comme le bassiste l’a fait avec Blaze Bayley ? Non, dans une configuration inédite, Iron Maiden jouera désormais avec trois guitaristes. De quoi donner le vertige à des fans revigorés par ces changements.

Pour officialiser ce line up, la vierge de fer entame le Ed Hunter Tour, promotion entourant également la sortie du jeu vidéo (voir encadré) et la compilation qui l’accompagne. L’utilisation des trois guitares est encore sommaire mais développe certains motifs intéressants, ajoutant de la texture et quelques technicités supplémentaires que l’on retrouvera dans les albums suivants. Difficile effectivement, de repenser une écriture prévue pour deux six cordes pour les besoins du live. La tournée s’achève le 1er octobre 1999 en Grèce.

iron-maiden-ed-hunterLe Jeu-Vidéo

En 1999, Iron Maiden sort un jeu vidéo inspiré par le groupe : Ed Hunter. Rail Shooter (Shoot them up dont le parcours est imposé, comme sur des rails) où l’on parcourt l’univers visuel de la vierge de fer afin de sauver Eddie, le jeu est une catastrophe.

Annoncé dès 1996 sous le nom de Melt lors de la sortie du Best of the Beast, sa gestation fut chaotique passant par l’annulation du projet Melt pour sa renaissance en Ed Hunter. C’est à Synthetic Dimension (Gauntlet, Terminator 2: Judgement Day) que relève la tâche d’adapter la musique des Anglais dans une exploitation vidéo-ludique. Si la promesse est belle de traverser la discographie du groupe, des rues de Iron Maiden et Killers à l’hôpital psychiatrique de Piece of Mind, de l’enfer de The Number of the Beast au futuriste Somewhere in Time, en pratique, le jeu ne procure pas une once de plaisir. Des graphismes archaïques et une jouabilité étriquée font un jeu démodé avant même sa sortie et une curiosité bonne à satisfaire le fan complétiste.

 

iron-maiden-brave-new-world

Brave New World est enregistré en France, au studio Guillaume Tell. Le groupe accueille un nouveau producteur, Kevin Shirley. L’homme s’imposera en parfait remplaçant de Martin Birch puisqu’il occupera ce poste sur tous les albums suivants. Un choix pas tout à fait anodin quand on sait qu’il travaille régulièrement au mixage des disques de Dream Theater. Comme pour célébrer la nouvelle union, le groupe décide, pour la première fois, d’enregistrer en live, pratique renouvelée par la suite. Le Maiden des années 2000 entend changer ses habitudes et imposer de nouvelles traditions, sans doute pour mieux repartir sur des bases saines et pérennes.

Les séances d’écriture ont eu lieu en amont du Ed Hunter Tour. Certains titres datent même des sessions de Virtual XI. Guère surprenant à l’écoute de Dream of Mirrors (dont certaines paroles auraient été écrites par l’ancien chanteur, non crédité pour autant) qui sonne énormément comme un titre de l’ère Bayley, de même que The Mercenary, sorte de Trooper pour nouveau chanteur (à l’époque). On pourra s’étonner davantage de The Nomad, l’une des pièces maîtresses du disque, sans doute la parenté avec The Clansman était trop proche. Ce dernier est un titre important pour prendre en compte la nouvelle orientation du groupe. En effet, il impose un modèle d’écriture que l’on retrouvera tout au long des futures compositions, au point parfois, d’être accusé de rigidité.

Brave New World incarne le renouveau et une forme de sérénité retrouvée. L’album se dévoile par un premier single magistral : The Wicker Man. Ecrit par le trio Harris, Dickinson, Smith, il célèbre l’enterrement de la hache de guerre et entend démontrer à tout le monde que Maiden est prêt à reconquérir son trône. On y retrouve tout le talent du guitariste pour des titres accrocheurs, directs, saupoudrés de riffs diaboliques. The Wicker Man rassure les fans déçus des deux précédents disques, la suite de l’album confirmera cette impression. Ghost of the Navigator, Brave New World, The Nomad, The Thin Line between Love and Hate placent le groupe sur les terres du métal progressif, aidés par une production limpide et cristalline. Les compositions sont complexes mais placées selon le modèle cité plus haut : une introduction calme puis arrivée de la distorsion et de la batterie, plusieurs couplets / refrains, un pont, des soli, retour du couplet / refrain et conclusion sous la forme d’une reprise de l’intro. Tout le talent du groupe tient dans sa capacité à faire vivre ce modèle sans (trop) ressentir le phénomène de répétition.

Comme à l’accoutumée, le groupe entame une tournée monstrueuse, immortalisée en CD et DVD (Rock in Rio). L’occasion de démontrer que le nouvel album se défend parfaitement sur scène et la légère évolution du groupe vers des chansons moins énergiques et plus techniques s’associent parfaitement avec d’anciens titres. Tout juste peut-on s’étonner de la composition de la set-list où Sign of the Cross (The X Factor) et Blood Brothers (Brave New World) sont enchaînés, faisant légèrement tomber l’intensité malgré la force émotionnelle de ce dernier.

L’influence

Beckett est un groupe anglais éphémère, auteur d’un unique album. Composé, entre autre, de Terry Wilson-Slesser au chant et du guitariste Paul Kossof (Free), il pratique un rock progressif très doux qui s’avérera une influence pour Steve Harris et particulièrement le titre Life’s Shadow. Certaines strophes de Hallowed Be Thy Name reprendront directement les paroles de Life’s Shadow, et côté musique, le long pont de The Nomad est également une référence directe.

Steve Harris n’a jamais caché être fan de cet obscur groupe. Une reprise du titre Rainbow’s Gold se trouve sur le single 2 Minutes to Midnight.

 

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Le 08 Septembre 2003, Dance of Death sort dans les bacs et prouve au monde que Maiden se conjugue désormais au présent. Si Brave New World contenait encore des artefacts du passé, le treizième album de la vierge de fer entend introduire le groupe dans une nouvelle ère, une ère moderne. Avec ce disque, enregistré en live, en studio et produit par Kevin Shirley, les anglais assument l’évolution vers le progressif et délaisse le Heavy Metal au sens traditionnel du terme. Avec des titres comme Dance of Death, Paschendale ou Journeyman, le doute n’est plus permis.

Dance of Death est un album qui célèbre les premières fois : Nicko McBrain signe le texte d’une chanson (New Frontier) et y exprime, en bon chrétien qu’il est, la peur d’une science qui dérive, animée par un complexe de dieu ; l’apparition d’un titre acoustique (Journeyman). Petite curiosité qui a fait saliver les fans et qui s’avère sympathique sans être particulièrement renversant. Finalement, c’est le titre éponyme, inspiration de Gers après avoir vu Le Septième Sceau de Ingmar Bergman et surtout la monstrueuse pièce de Adrian Smith, Paschendale, qui remporteront les suffrages. Dance of Death et sa construction gigogne aligne les huit minutes avec une facilité insolente, se permettant d’être terriblement efficace malgré la longueur ; Paschendale, qui aurait eu sa place sur A Matter of Life and Death pour la noirceur de ses textes (les tranchées pendant la Première Guerre Mondiale) et la puissance de sa musique, aidée par une excellente production de Kevin Shirley, où, pour la première fois, on sent les vibrations des cordes classiques.

L’album demeure néanmoins un peu inégal où des titres plus anecdotiques remplissent un disque jusqu’à la lie. Un single très faible (Wildest Dreams), le (trop) Hard FM Gates of Tomorrow, n’auraient manqué à personne. Rainmaker et Face in the Sand restent des titres solides, de même que No More Lies (malgré un refrain trop répétitif) ou New Frontier. Le groupe part défendre le disque sur scène pour leur plus courte tournée mais également la plus complexe en termes de scénographie et performance.

Le Ciron-maiden-dance-of-death-patchettas Dance of Death

Les Anglais ont toujours soigné leur identité visuelle. Mise en place par Derek Riggs qui quitta l’aventure Maiden après No Prayer for the Dying, les albums suivants, dans des styles légèrement différents, ont montré des prétentions similaires. Une seule exception : Dance of Death. Bien que celle de The X Factor ait posé problème à certains fans, la cover du treizième album de la vierge de fer a soulevé des haut-le-cœur.

Non crédité pour l’occasion, c’est (en partie) à David Patchett que l’on doit ce nouveau travail. Habitué des albums du groupe de Doom Metal Cathedrale, il accepta la commande et réalisa une première version où l’on peut voir Eddie, grimé en Faucheuse et des moines en robe de bure en arrière-plan. Rod Smallwood la jugeant trop épurée, il demanda à un membre du site internet officiel du groupe, d’ajouter grossièrement avec le logiciel Poser, d’autres personnages avant d’envoyer les rushs à Patchett. Ce dernier, n’avalisant pas le résultat, préféra se retirer du projet et demanda le retrait de son nom. Finalement, l’album sortira ainsi, avec un résultat qui sent l’amateurisme.

 

iron-maiden-a-matter-of-life-and-deathLa tournure que prennent certains disques résulte d’une longue démarche, faite de recherches, d’évolutions, de digressions, associés à des thèmes précis. Lorsque l’on se trouve face à un tel disque, le résultat nous saute aux oreilles avec évidence, comme si tout destinait, à l’instant T, à cette conclusion. C’est un peu le sentiment qui anime l’auditeur quand il écoute pour la première fois A Matter of Life and Death. Le quatorzième album des Anglais est axiomatique. Il résulte, comme le terme d’une expérience longue d’une dizaine d’années et ne laisse place à aucun doute.

A Matter of Life and Death est le disque le plus lourd, sombre, complexe, progressif, dense (et équilibré avec Seventh Son of a Seventh Son), de la longue discographie des Anglais. Sa technicité explose littéralement au service de structures complexes qui sacrifient parfois l’aspect mélodique. L’album nécessite de nombreuses écoutes pour apprécier toute sa richesse, ses riffs vertigineux et l’ambiance suffocante de certaines chansons. Steve Harris évoquera Dream Theater pour qualifier A Matter of Life and Death, la comparaison n’aura jamais été aussi pertinente. Mais un Dream Theater revenu du champ de bataille, couvert de sang, de sueur et de boue. Cette texture particulière résulte d’une envie de Kevin Shirley, de supprimer l’étape du mastering afin que l’auditeur savoure le son tel qu’il est sorti des amplis. Le résultat est impressionnant de précision, d’équilibre tout en conservant un petit côté sale et informe.

L’album exploite les thèmes familiers de la guerre, de la place de l’homme, de dieu et de la religion dans une mise en scène sonore qui laisse peu de place à la respiration. L’illustration de Tim Bradstreet (dessinateur de comics, cover artist réputé) joue parfaitement de ces thèmes où des soldats morts-vivants semblent condamnés à l’errance sur les champs de bataille. On devine l’être humain réduit à l’état de chair à canon dans un style semi-réaliste, figuration des thèmes exploités dans l’album où l’Homme semble engranger sa propre destruction. Les longues compositions n’exploitent pas un sentiment épique mais servent un propos pessimiste en un caractère implacable, des montées crescendo dramatiques où l’horreur explose sans guère de rémission possible.

Lors de la tournée, le groupe décide de jouer l’intégralité du disque, dans l’ordre. Un choix qui bouscule les fans dans leurs habitudes puisque la nouvelle set list empiète sur les traditionnels titres joués depuis des décennies. Cette volonté traduit une confiance absolue dans leur nouvel opus mais surtout montre combien ce dernier, sans être un concept album, possède un rare degré de cohérence qui force les Anglais à ne pas l’entailler, le morceler et le délivrer tel qu’il a été pensé. L’expérience s’avère une réussite tant tous les morceaux passent sans problème le cap du live et permet de revivre des sentiments éprouvés chez soi. Une façon de mesurer l’incroyable puissance du disque et d’entendre des morceaux qui n’auraient pas été privilégiés.

iron-maiden-benjamin-breeg L’étrange et mystérieux Benjamin Breeg

Le premier single de A Matter of Life and Death a beaucoup fait parlé de lui. Pas pour sa qualité mais pour percer le mystère de qui se cache derrière ce Benjamin Breeg. Les théories les plus obscures sont nées sur la toile cherchant à trouver la signification derrière cet étrange patronyme.

Un site est apparu peu de temps avant la sortie du single. On peut y lire une brève biographie :

« Jeune orphelin, souffrant de problème d’intégration, il passa son enfance à l’orphelinat malgré quelques passages dans des familles d’accueil. Il est la cible de violents cauchemars qu’il immortalise dans des peintures dérangeantes causant le trouble chez ceux qui les voyaient. Les toiles ont toutes disparues aujourd’hui, sûrement de la main même de son auteur.

Benjamin Breeg était obsédé par la Bible, au point de vouloir rejoindre le clergé. Finalement, il s’abstiendra mais pas sa fascination pour le livre. Il parcourut le monde (Haïti, Europe de l’Est) avant de retourner en Angleterre où il intégra l’Institut Internationale de Recherche Paranormale. Breeg écrit quatre livres non publiés sur les pratiques occultes des différentes cultures qu’il a pu visiter.

Benjamin Breeg disparut le 18 Juin 1978, sans laisser de traces. »

Quelques curieux ont pu soulever des incohérences entre cette biographie succincte et l’illustration du single (par un habitué Melvyn Grant) : l’absence de date de naissance sur la pierre tombale et la présence de cette dernière où l’épitaphe en roumain semble dire : « Ci-gît, un homme dont on ne sait plus rien », alors qu’il est censé avoir disparu.

benjamin-breeg-tableauPremière hypothèse, Benjamin Breeg est Eddie de son vivant, ce dernier faisant sa première apparition en 1978, l’année où le mystérieux homme a disparu. Chose que semble confirmer l’unique peinture de Breeg disponible où l’on devine les traits communs de Eddie.¹

Seconde hypothèse, Benjamin Breeg est Derek Riggs. La destruction des toiles correspondrait au divorce entre l’illustrateur et le groupe. Riggs avait même supprimé ses travaux pour la vierge de fer de son site… avant de les remettre approximativement au moment de la sortie du disque, figurant une réincarnation.¹

Finalement, Bruce Dickinson révélera une vérité bien moins romantique et séduisante : Benjamin Breeg est une pure création de Steve Harris et son exploitation, un outil marketing.

 

iron-maiden-the-final-frontierL’annonce d’un nouvel album d’Iron Maiden est toujours une source d’excitation. Pourtant, celui-ci se teinte d’une aura lugubre. Son titre ? The Final Frontier. Et un groupe dont les membres commencent à accuser le poids des années. En lisant un peu entre les lignes, on devine le mot fin se dessiner, le dernier tour de piste des héros de la New Wave of British Heavy Metal. Rien d’officiel n’est annoncé, évidemment, mais le sentiment devient de plus en plus fort quand on apprend avec quelle facilité l’album fut écrit et enregistré et combien The Final Frontier sonne parfois comme un grand best of.

Un disque rassurant. C’est la première impression qui nous cueille lorsque l’on découvre le quinzième album studio du groupe. Passée la longue introduction de Satellite 15… The Final Frontier quelque peu déstabilisant où l’on se demande ce qui est passé par la tête de Adrian Smith (il est arrivé avec cette démo qui a fini telle quelle sur le disque), le titre éponyme demeure un classique immédiatement identifiable à sa touche Hard Rock. La suite pioche un peu à droite, à gauche, mélangeant les époques (de l’ère classique à l’ère moderne), sans pour autant virer à l’auto-plagiat et la facilité. Le disque possède un côté fin de thèse où l’on célèbre la quille, en se lâchant sans perdre son sérieux. Cela donne des résurgences de Seventh Son of a Seventh Son et Somewhere in Time sur Starblind et Isle of Avalon ; la power ballad Coming Home (encore un indice pour un adieu possible) rappelle Out of the Shadows (A Matter of Life and Death) ; When the Wild Wind Blows est typique des productions épiques de Steve Harris ; The Talisman achève un triptyque maritime entamé sur Rime of the Ancient Mariner (Powerslave) et poursuivi avec Ghost of the Navigator (Brave New World) ; Mother of Mercy aborde des thèmes que l’on peut retrouver sur Afraid to Shoot Stranger (Fear of the Dark) ou These Colours Don’t Run (A Matter of Life and Death).

Le groupe démentira toute volonté de conclure leur carrière sur cette frontière finale, rassurant une horde de fans en apoplexie. Bien que l’album porte encore haut les couleurs de la réussite, il s’avère légèrement en deçà du précédent. Plus volage, où l’on imagine les musiciens se faisant plaisir avant tout, The Final Frontier accuse quelques coups de mou et fait peut-être ressortir les tics d’écriture à un niveau handicapant. Cela n’empêchera pas l’album de se défendre très bien sur scène où un titre comme Coming Home prend une ampleur particulière, créant un jeu d’émotion entre le groupe et son public.

Le 4 Septembre, The Book of Souls atterrira dans les bacs. Premier double album du groupe, comprenant notamment le titre le plus long de l’histoire des Anglais et, bien que teinté de l’annonce (et la rémission) du cancer de Bruce Dickinson, s’avère source d’un plaisir intact depuis plus de trois décennies. C’est ainsi que s’achève notre cahier de vacances. Vous avez déjà pu lire les premières impressions d’Aymeric Barbary sur ce livre des âmes, avant de pouvoir découvrir une critique plus complète dans les prochains jours.

L’histoire d’Iron Maiden n’est pas encore finie.

Up the Irons!

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¹ source : Iron Maiden France

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