Iron Maiden, Somewhere Back in Time (1ère Partie)

Iron Maiden, Somewhere Back in Time (1ère Partie)

Pour célébrer les 35 ans de la sortie de l’album Iron Maiden et les 40 ans de la création du groupe, le Daily Mars vous propose, cet été, ce petit cahier de vacances pour réviser vos classiques avant la sortie de leur seizième album, The Book of Souls, le 4 septembre prochain.

 

« A beginning is a very delicate time… »¹

C’est en 1975, le jour de Noël, qu’un jeune londonien de 19 ans, Stephen Percy Harris, fonde le groupe qui deviendra le fer de lance de la New Wave of British Heavy Metal² : Iron Maiden. Après avoir renoncé à une carrière de footballeur professionnel au profit de celle de musicien et avoir envisagé de devenir batteur, « Steve » opte finalement pour la basse, instrument qu’il apprendra seul, avant de faire ses premières armes dans deux groupes locaux : Gypsy’s Kiss et Smiler.

Le nom du groupe, la « vierge de fer » — un instrument de torture médiéval — viendrait, d’après Harris, du film L’Homme au masque de fer (1939) de James Whale, le réalisateur de la version de 1931 de Frankenstein avec Boris Karloff.

iron-maiden-the-soundhouse-tapesÀ la fin des années 70, le line-up du groupe connaît de nombreux changements. Parmi les nombreux appelés, retenons les noms de deux élus : le guitariste Dave Murray, toujours en poste aujourd’hui et Paul DiAnno, qui sera la première voix « officielle » du groupe. Accompagnés par Doug Sampson (transfuge du précédent groupe d’Harris, Smiler) à la batterie, Harris, Murray et DiAnno enregistrent une première démo aux studios Spaceward, à Cambridge, dans la soirée du 31 décembre 1978. Sorti l’année suivante sous le titre de Soundhouse Tapes, ce premier enregistrement attire l’attention du public et d’un homme en particulier, Rod Smallwood, qui deviendra le manager et le véritable pygmalion du groupe. En décembre 1979, ce dernier décroche au groupe un contrat avec EMI et le fait entrer dans le catalogue de la major derrière les Beatles, David Bowie et Deep Purple.

Iron Maiden entre donc en studio au début de l’année 1980 pour enregistrer son premier LP. Le groupe dispose alors d’un solide répertoire, étoffé et éprouvé sur scène dans de nombreuses salles de concert londoniennes au cours des quatre années précédentes. Enregistré en treize jours, sous la houlette du producteur Will Malone, dont le groupe ne cessera de dire pis que pendre par la suite, l’album Iron Maiden, sort en avril 1980.

Écouter cet album aujourd’hui, c’est un peu comme revoir le pilote d’une série télévisée après plusieurs saisons de diffusion. Ce disque porte déjà en germe ce qui fera le style Maiden : du morceau d’ouverture, Prowler — véritable matrice dans laquelle seront usinés la plupart des singles de la NWOBHM — à Phantom of the Opera — et ses multiples changement de tempos, annonçant le tournant progressif que prendra plus tard la musique du groupe — en passant par Running Free et sa ligne de basse entêtante.

iron-maiden-iron-maidenDeux autres personnages importants font alors leur apparition : l’illustrateur Derek Riggs, qui réalisera toutes les pochettes du groupe pendant plus de dix ans et, surtout, Eddie, alter ego heavy metal en devenir de la Martine des livres pour enfants et véritable « mascotte » du groupe qui trouve sous la plume de Riggs ses traits caractéristiques. Impossible enfin de faire l’impasse sur le dernier morceau de l’album : Iron Maiden, tout simplement. Depuis toujours ou presque, pas un concert ne se passe sans qu’il ne vous soit rappelé « qu’où que vous soyez, Iron Maiden vous aura ».
Pour la production de leur album suivant, Killers, Maiden s’offre les services de Martin Birch. À 32 ans, Birch est un producteur confirmé et reconnu à l’époque. Véritable « sage-femme du hard-rock » (après avoir aidé Deep Purple à accoucher sur l’album Machine Head et du titre Smoke on the Water, en 1972), il vient coup sur coup de sauver du naufrage deux légendes du hard-rock : Black Sabbath (grâce à l’album Heaven and Hell) et Blue Öyster Cult (avec le disque Cultösaurus Erectus). Birch deviendra le producteur attitré de Maiden et ne travaillera pratiquement plus qu’avec le groupe jusqu’à son départ à la retraite, 11 ans et 8 albums plus tard (à… 43 ans, donc).

 

iron-maiden-killersKillers marque aussi l’arrivée dans le groupe d’Adrian Smith, un ami d’enfance de Dave Murray, en tant que second guitariste. Avec le son de basse d’Harris et le travail de Birch à la console, les harmonies de guitare du tandem Murray/Smith sont l’un des éléments qui affirmeront le son si particulier du groupe à l’époque, mélange de hard-rock mâtiné d’une énergie punk (bien qu’Harris ait toujours refusé cette filiation). Killers s’inscrit dans la stricte continuité de son prédécesseur, formant avec celui-ci une sorte de diptyque. Plus qu’une « simple suite », l’album est mieux produit, plus rythmé et bourré de pépites : Wrathchild, Murders in the Rue Morgue, Another Life, Killers, Purgatory. Le disque sort, le succès est au rendez-vous. La carrière du groupe a donc atteint sa vitesse de libération et est pratiquement sur orbite quand… Paul DiAnno est renvoyé du groupe, suite à divers abus et manquements à ses obligations de front man.

Comme Deep Purple avant eux, obligés de se « réinventer » après le départ de leur chanteur iconique, Ian Gillan, Iron Maiden se retrouve en quête d’un remplaçant à DiAnno. La solution viendra, assez logiquement, d’un autre groupe de la NWOBHM, Samson, à qui Rod Smallwood, le manager d’Iron Maiden, « empruntera » leur chanteur, Bruce Dickinson. En mars 1982 sort ce que de nombreux fans de la Vierge de Fer considèrent comme leur chef d’œuvre, The Number of the Beast.

 

iron-maiden-the-number-of-the-beastIl est vrai que tout dans ce disque est iconique, à commencer par son titre et sa pochette « vache qui rit », qui feront taxer le groupe de tous les noms par les ligues de vertus américaines. Son morceau titre, ensuite : peut-être le meilleur single du groupe, avec sa mythique introduction, sa première ligne de chant, son refrain, taillé pour la scène, sa construction impeccable, il cristallise en un peu moins de cinq minutes tous les éléments constitutifs de leur musique. Le reste du disque, enfin : premier album à avoir été écrit ex nihilo, The Number of the Beast marque l’amorce d’un premier changement stylistique pour le groupe. Les chansons se font plus longues et plus amples. L’écriture se distribue (un peu) entre Harris — jusque là compositeur quasi exclusif — et les autres membres du groupe. Les influences et les sources d’inspiration se diversifient : l’histoire, le cinéma, la télévison (The Prisoner, avec la participation de Patrick McGoohan). Ajoutons à cela la présence, à la fin du disque d’un autre incontournable des concerts, Hallowed Be Thy Name et, effectivement, on comprend qu’on approche la formule d’un album « culte ».

Avec l’album suivant, Piece of Mind, se met en place ce qui deviendra la « routine Maiden », mise en place par le groupe et leur manager. Un emploi du temps bien réglé, qui prévoit, de manière cyclique pour chaque album, une phase d’écriture et de répétitions, suivi de l’enregistrement et d’une tournée pour promouvoir l’album. Le casting du groupe se complète avec l’adjonction d’une nouvelle recrue, Nicko McBrain, transfuge du groupe français Trust (« Antisocial, tu perds ton sang froid »).

 

iron-maiden-piece-of-mindLa réputation de Piece of Mind, tout comme celle de Killers, est surtout assombrie par l’ombre imposante de l’album précédent. Sorti peu de temps après The Number of the Beast, ce disque compte pourtant parmi ce que les anglais ont produit de meilleur. Fruit d’un réel effort collectif, le groupe continue à développer son style et à complexifier son écriture, avec des titres comme Where Eagles Dare ou Revelations, ainsi qu’un nouvel hymne des stades : The Trooper. Ce qui était en germe depuis le premier album, trouve ici son aboutissement avec un morceau comme To Tame A Land. Initialement baptisé Dune, et inspiré par le roman du même nom de Frank Herbert, ce dernier n’appréciera que moyennement l’hommage que souhaite lui rendre le groupe et les forcera à changer le nom de la chanson, en faisant savoir par son agent qu’il « n’aime pas les groupes de rock, […] et surtout pas Iron Maiden ».

C’est également avec cet album que Maiden se lance dans sa première tournée de concerts « pharaonesques » (une autre de leurs « marques de fabrique »), plein de sons et lumières, d’effets pyrotechniques et d’Eddies géants. Après la sortie de Piece of Mind, tout était donc en place. La formule est éprouvée. Le casting est au complet, du chanteur au batteur, du manager à l’artiste chargé de l’illustration des pochettes. Le groupe était prêt à entrer dans sa période la plus faste.

Aymeric Barbary

 

¹ Première réplique du film Dune, de David Lynch (1984), prononcée par la Princesse Irulan (Virginia Madsen).
² Littéralement « Nouvelle vague de Heavy Metal britannique » (abr. : NWHOBHM) : mouvement musical apparu en Grande-Bretagne à la fin des années 70 et qui, outre Iron Maiden, compte dans ses rangs des groupes comme Motörhead, Judas Priest, Saxon, Diamond Head, Girlschool ou Samson.

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