
Jade Jackson : « Je veux être Bruce Springsteen ! »
Jeune prodigue de la country, Jade Jackson a sorti un sublime deuxième album cet été : Wilderness. Nous l’avons rencontrée à cette occasion.
Daily Mars : Selon vous, existe-t-il une country de la côte est et une country de la côte ouest ?
Jade Jackson : Je ne sais pas… Je n’y ai jamais trop pensé ! C’est difficile à dire parce que je ne me tiens pas vraiment au courant de ce qui se fait en ce moment. J’écoute plutôt des classiques comme Buck Owens et Hank Williams.
Quel est votre premier souvenir musical ?
J. J. : Je ne suis pas sûre de me souvenir de mon premier souvenir musical, mais je me souviens être jeune et écouter Hank Williams en boucle. Il y avait constamment de la musique à la maison, et elle était si petite que même dans le grenier on avait l’impression d’être à côté du tourne-disques !
Savez-vous pourquoi la country vous parlait davantage que les autres genres de musique ?
J. J. : Les chansons de Hank Williams sont si poignantes… Elles sont d’une grande simplicité, mais elles sont aussi très complexes donc quand j’avais 4 ans et que je fredonnais I’m so lonesome I could cry je saisissais certaines images mais pas toutes. À 27 ans, c’est différent. Je m’identifie bien plus à ce qu’il a pu traverser. Selon moi, les classiques de la country sont intemporels et des artistes comme Hank Williams, Bruce Springsteen ou Bob Dylan ne seront jamais passés de mode.
Wilderness est bien plus personnel que votre précèdent album. Est-ce pour cela que vous avez attendu avant de le sortir ? Aviez-vous besoin de plus de temps ?
J. J. : En un sens oui, mais ça n’avait rien d’intentionnel. Je me suis endurcie après ma première tournée, et je suis devenue moins introvertie. Ce n’est pas que j’étais solitaire avant de me lancer dans la musique, mais mes journées étaient principalement dédiées à aider mes parents dans leur restaurant ou à écrire des chansons… Je ne sortais pas beaucoup ! Enchaîner les concerts m’a permis de mieux me connaître, et j’ai compris que plus j’étais honnête avec moi-même, moins je redoutais mes émotions.
Vous ne vous êtes donc pas autocensurée ?
J. J. : Pas du tout. J’ai toujours considéré la musique comme le moyen d’expression le plus honnête qui soit et les frontières n’y ont pas leur place. Par le passé, on m’a accusé de glorifier la culture du viol dans une de mes chansons mais ce n’était pas du tout le cas. Certaines personnes verront certaines choses dans mes chansons, et si elles se trompent je dois être prête à défendre mon travail. Je m’excuserai qu’ils aient été froissés, mais je leur assurerai aussi que je ne changerai pas ma manière d’écrire pour autant. Je ne me vois pas écrire pour un public en particulier, et je suis convaincue que tout peut être dit. Si on prend en compte quelqu’un d’autre que soi quand on compose, ça prive nos chansons de magie…
Craignez-vous parfois ne pas être suffisamment protégée pour affronter les hauts et les bas de votre métier ?
J. J. : Plus je progresse, mieux je me porte ! Mais je ne suis jamais satisfaite de ce que j’ai… comment le pourrais-je ? Tout ce que je sais c’est que je suis sur la bonne voie et que je vais continuer comme ça. Mon objectif, c’est d’être Bruce Springsteen !
Cela doit être parfois difficile de trouver le juste équilibre entre une chanson et son message ?
J.J. : Quand j’ai écrit Bridges, j’avais pas mal de soucis et tout coucher sur le papier m’a soulagé. Plus je chante, plus je m’expose et mieux je me sens. J’ai l’impression qu’en étant totalement honnête, je permets aux gens de s’identifier avec moi et se sentir mieux dans leur peau… sans se préoccuper d’Instagram. C’est facile de se dire qu’on voudrait toujours avoir la belle vie, mais ce n’est pas tenable !
Diriez-vous que partager vos problèmes avec votre public vous permet de vous sentir mieux ?
J. J. : Pas mal de personnes que je rencontre pensent que ma vie est parfaite, mais ils ignorent ce qui s’est passé dans ma jeunesse ou dans certaines de mes relations les plus toxiques… Ils ne peuvent pas le savoir, parce que je ne passe pas mes journées à en parler. Pourtant, ces choses se sont passées et m’ont fait souffrir. Plus j’ai l’impression que je peux être honnête, plus je me dis que ça peut faire du bien à tout le monde ! Je me souviens avoir eu une crise de panique alors que je me trouvais dans la famille de mon compagnon, et je voulais disparaître tant j’avais honte. Au final, j’ai sauté dans la piscine toute habillée ! Mais quand ma belle-mère m’a confié avoir vécu la même chose, je me suis immédiatement mieux sentie. Partager ses expériences – même les plus mauvaises – ne peut être que positif !
Votre métier est fascinant pour tant de personnes que vous devez parfois avoir l’impression de ne pas pouvoir vous plaindre ?
J. J. : En un sens, oui. Même les membres de mon groupe – qui sont tous des hommes – me disent parfois qu’ils sont un peu jaloux de ne pas être dans la lumière… Avoir du succès va de pair avec l’anxiété. Et les réseaux sociaux ne font rien pour arranger ça ! Je ne vais pas poster une photo de ma dernière crise de panique sur Instagram, mais je vais essayer de me montrer sous mon meilleur jour alors que ce n’est pas la vérité. Mais je suis toujours honnête avec les gens que je rencontre ! Je veux demeurer authentique, et si je montais sur scène en faisant comme si tout allait bien, les gens s’en rendraient compte. Reste qu’il y a une différence entre être honnête et se plaindre. Je ne crois pas que se plaindre mène à quoi que ce soit, parce qu’on doit toujours être reconnaissant de ce qu’on a.
Diriez-vous que le mouvement #MeToo a bouleversé le milieu de la musique ?
J. J. : Je n’y ai jamais vraiment prêté attention. Je ne suis pas dans le métier depuis suffisamment longtemps pour ça. Je me suis produite dans de petites salles pendant dix ans avant de signer mon premier contrat et de partir en tournée internationale. J’ai commencé à faire de la musique quand j’avais 13 ans et j’ai rencontré mon lot de mecs lourds, mais je ne crois pas que ça changera de sitôt. Je n’ai pas vraiment remarqué de changement particulier au sein du milieu de la musique parce que j’ai la chance de travailler avec une équipe qui m’a toujours bien traitée. Partir en tournée signifie souvent n’être entourée que d’hommes, et ce n’est pas toujours facile… surtout que je suis très émotive. Trouver des endroits où je pouvais pleurer en paix a parfois été difficile, et la première fois que mon équipe m’a vu dans cet état, ils m’ont regardé différemment. Du coup, j’essaye d’être toujours seule… ce qui est un peu stupide ! Mais c’est mon rôle d’être forte même quand je ne le suis pas.