
Johnny Hallyday – Mon Pays C’est l’Amour
Quelques jours après la parution d’un album aussi controversé qu’attendu puisqu’il s’agit du dernier enregistré en tant que tel par l’idole des plus très jeunes, nous tâcherons de répondre à la seule question qui vaille la peine d’être posée : ça s’écoute ou pas ?
On peut s’amuser à diviser les français en deux catégories de nombreuses manières, de droite ou de gauche, végétariens ou auvergnats, en marche ou en voiture, etc. Mais il est une distinction qui reste un peu plus floue lorsqu’on en vient à parler de Johnny Hallyday parce qu’en France, particulièrement si l’on est né avant 1980, on peut être fan de Johnny ou bien… aimer Johnny !
C’est comme ça. Même le plus cynique des bonnets de nuit qui clame à la cantonade qu’il déteste le chanteur ou mieux, qu’il s’en fiche éperdument, va secrètement verser une petite larme en écoutant Quelque chose de Tennessee ou taper du pied sur La musique que j’aime. Tout comme il aura un petit sourire en coin en apprenant que l’équipe de France a remporté une coupe du monde même si, officiellement, il n’aime pas le football…
On ne peut même pas appeler ça un plaisir coupable, ça fait partie de notre ADN ! À l’instar des chansons de Jean-Jacques Goldman ou de Michel Berger (qui ont chacun écrit pour Johnny Hallyday par pure coïncidence), nous avons grandi avec ces titres et cette voix, c’est un peu comme la tour Eiffel pour les parisiens ou la Bonne Mère pour les Marseillais, qu’on le veuille ou pas, c’est là !
Votre serviteur l’affirme avec d’autant plus de conviction que s’il n’a jamais écouté un album studio du « taulier » en entier, il pourrait vous chanter par cœur une bonne trentaine de ses chansons ! Du coup, l’écoute de Mon pays c’est l’amour a quelque chose d’étrange, de presque surréaliste. Le musée va fermer ses portes, dernière visite avant dispersion de la collection.

Johnny et Yarol Poupaud
L’ami Johnny n’ayant jamais rien composé tout seul, il est intéressant de voir à qui il faisait confiance pour perpétuer sa légende et tenter de rester au goût du jour. Depuis quelques années, c’est le tandem Yarol Poupaud/ Yodelice qui s’y collait, mariage un peu contre nature entre le furieux guitariste de FFF et l’ancien pygmalion de Jenifer (juste le prénom sans doute par crainte de salir le nom de famille et avec un seul « f » parce que c’est plus facile à écrire par SMS).
Le résultat de ce mélange des genres est assez inégal, entre variété poussive (J’en parlerai au diable, Pardonne-moi, Tomber encore) et rock’n’roll pour le coup très convainquant (Mon pays c’est l’amour fortement inspiré par un certain Little Richard, l’entêtant Back In LA écrit par Miossec), le tout bénéficiant d’une production millimétrée. Deux titres retiennent cependant l’attention et sortent clairement du lot.
L’Amérique de William en premier lieu, seule incursion country music de l’album, qui rend hommage au photographe William Eggleston. Musicalement très réussie, la chanson nous emmène dans l’Amérique fantasmée de Johnny Hallyday, le Sud profond entre Tennessee et Mississippi parfaitement capturé par les clichés d’Eggleston (qui servirent à illustrer de nombreuses pochettes d’albums, de Primal Scream à Big Star en passant par Derek Trucks).

Un petit air de famille?
Et c’est assez émouvant parce qu’on peut y entendre une certaine vérité sur l’homme, le petit Jean-Philippe Smet né à Paris de parents belges, abandonné par son père, qui va se forger une nouvelle identité avec un père américain imaginaire nommé Hallyday… Dix contre un que s’il avait eu le choix de recommencer sa vie, il aurait préféré être l’un des personnages illustrant les photos d’Eggleston plutôt que le chanteur abandonné, malgré la fortune et la gloire.
De fortune et de gloire, on en parle de manière assez ironique dans Made In Rock‘n’roll, à mon humble avis le meilleur morceau de l’album pour plusieurs raisons. La rumeur raconte que Johnny Hallyday voulait donner ce titre à l’album mais au regard des paroles, on comprend très vite pourquoi Madame L. y a mis son veto ! « C’est pas l’argent qui me fera tenir en place, l’argent il s’épuisera bien avant moi, te marre pas tu verras… » En effet, on a vu !
Adaptation française d’un titre de JD McPherson (Let the Good Times Roll– 2015) que n’aurait pas renié Eddie Cochran en son temps, Made In Rock‘n’roll raconte « l’autre » vérité de Johnny, celle d’un personnage à la fois égoïste et généreux, justifiant tous ses excès par la seule musique qui se veut aussi être une façon de vivre sa vie…
Alors au final, Mon pays c’est l’amour, ça s’écoute ou pas ? Définitivement oui, en hommage à une carrière hors du commun, à un monument de notre culture populaire. Mais il y a fort à parier que lorsque les dernières générations de fans auront rejoint leur idole dans la tombe, cet album comme tout le reste de l’œuvre de Johnny Hallyday tombera dans l’oubli, comme ce fut le cas pour Luis Mariano ou Maurice Chevalier. Pardon ? Maurice qui ?
Mon pays c’est l’amour
Interprété par Johnny Hallyday
Produit par Warner Music France
Sortie le 19 octobre 2018
Bon en lisant cet article, je me suis dit que j’allais jeter une oreille distraite à l’album, pour ne pas mourir bête (et surtout parce que j’ai été touché par l’intro de cet article, bien vu au rédacteur).
Et bien, franchement bof. Il faut dire que j’étais en train d’écouter ZZ Top quand je me suis mis sur ce machin, et le contraste et très en défaveur de notre Johnny.
Un dernier album très dispensable, qui n’apportera rien à la légende. Je vais rester sur « Je te promets », chanson sensuelle et cynique, probablement ma favorite de l’artiste, « Quelque chose de Tennessee », qui aurait pu être sa chanson d’adieu, et « Que je t’aime », qui est finalement assez loin du cliché Hallyday le faux rocker / biker / américain et qui est pourtant est un des sommets de sa carrière.
Mais bon, Johnny, je n’aime pas (oui, j’ai souri quand l’équipe de France a gagné la coupe du monde de foot, mais je pense que personne ne l’a vu)…