
Jonathan Barré : « Avec La Folle histoire de Max et Léon, on voulait faire une bonne comédie française »
Devant la caméra du Palmashow, il y a Grégoire Ludig et David Marsais. Derrière, il y a Jonathan Barré. Réalisateur des sketches et des primes du duo, le metteur en scène s’est emparé du grand écran avec La Folle Histoire de Max et Léon, avec laquelle il montre non seulement une maîtrise folle… mais aussi une inventivité de tous les plans.
Le comique dans La Folle Histoire de Max et Léon n’est jamais expliqué…
JONATHAN BARRE : Je n’ai jamais aimé surligner les gags. Le spectateur est de toute façon assez malin pour les comprendre. Et puis s’il ne les comprend pas, ce n’est pas bien grave : il y en a beaucoup dans le film, il a le droit de passer à côté de certains. Et si on explique tout, cela donne beaucoup moins envie de revoir.
En parlant de références, Les Nuls avaient cette capacité à dissimuler des détails, cacher des choses à l’intérieur même d’un gag, donnant ainsi envie de revoir pour découvrir ou comprendre…
J. B. : Dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, au bout du 10ème visionnage, il y avait encore des trucs que je n’avais pas captés. On a essayé de faire de même avec Max et Léon. Certaines personnes qui ont déjà vu notre film 2 ou 3 fois, dans mon équipe ou parmi mes amis, me disent qu’ils n’avaient pas tout vu, pas forcément tout compris non plus parce que cela va hyper vite, parce qu’ils avaient ri à la blague d’avant et manqué celle d’après. Cela marche aussi à propos des références. Je pense notamment à celle concernant Bruno Vandelli et Quadricolor (ndlr : un ex juré de l’émission Popstars). Tout le monde ne connaissait pas cette référence…
Max et Léon transpire la générosité. Il y a une vraie envie de proposer une comédie d’aventures, un spectacle.
J. B. : Grégoire Ludig, David Marsais et moi-même sommes vraiment amoureux du cinéma depuis notre jeunesse. On voulait tous les trois en faire. On est passé par la case télé parce qu’on ne nous connaissait pas ! On s’est vraiment mis la pression pour faire un film de cinéma. On a choisi cette période parce qu’on voulait faire quelque chose de très cinématographique et parce qu’on est fans de plein de films se déroulant durant cette période. J’ai voulu faire ce métier avec Indiana Jones et la dernière croisade ! Faire un film avec des nazis et un side-car, c’est donc fait ! On avait vraiment envie que les gens voient qu’on ne s’est pas foutus d’eux, qu’on n’avait pas fait un long sketch, qu’on proposait quelque chose d’inédit par rapport à ce qu’on avait fait avant.
Dès la première scène, on sait que le film va être hyper référencé. On pense tout de suite à Inglorious Basterds de Quentin Tarantino…
J. B. : Parce que j’ai filmé les pieds !
Comment justement intègre-t-on à la mise en scène une référence externe ?
J. B. : À force de faire les primes et les sketches, j’ai une technique simple : je fais des captures d’écran de tout ce que j’aime. Je partage un dossier à mon équipe afin qu’ils essaient de coller au maximum à cette image. Pour le film, j’ai agi de la même manière, d’autant que je ne connaissais pas le chef opérateur avant de le recruter. À la fin de la préparation, on en était à quelque chose comme 500 captures partagées. Je cherchais des références de films sur cette période qui n’étaient pas fades et ternes, ce qui est souvent le cas pour les films de guerre. Inglorious Basterds est marqué par la couleur.
Y avait-il justement un risque à être « trop » dans la référence, et notamment dans la référence au Palmashow ?
J. B. : On a surtout voulu le faire sous forme de clins d’œil. C’est pour cette raison qu’il y a Gaspard et Balthazar (ndlr : deux personnages du Palmashow) placardés dans un avis de recherche par exemple. C’est une petite référence. Mais je n’ai pas le sentiment qu’on ait fait tant de référence au Palmashow. Mais on s’est posé la question en effet. Et la meilleure manière pour nous d’y répondre, cela a été de reprendre quasiment tout le casting des sketches dans le film. Les gens allaient retrouver ainsi la petite famille des sketches, cela amenait pour les fans ces références. Avec ce film, on a voulu que les fans aiment bien évidemment, mais on voulait aussi plaire au reste du public.
Une des grandes références de Max et Léon, selon moi, c’est La Grande Vadrouille. D’une certaine manière, votre film c’est La Grande Vadrouille version 2016…
J. B. : Oui, c’est exactement ça, avec un rythme contemporain. Et cela vient aussi du fait que l’on voulait faire un film très français, faire une bonne comédie française sans que cela soit péjoratif. C’est ce que j’avais adoré dans leur scénario dès le début : les méchants sont les Français. C’est hyper cohérent avec ce que l’on faisait déjà dans les sketches, dans lesquels on satire beaucoup le Français, comme faisaient aussi Les Inconnus. Le voisin dénonce sa voisine juive, le collabo très zélé… Ce sont des Français comme il y en avait plein.
Vous avez mis en ligne juste avant la sortie du film une nouvelle vidéo intitulée La bande-annonce. Ce qui est amusant avec ce sketch, c’est que c’est à la fois un super outil de promotion et qu’il montre que vous connaissez parfaitement les codes cinématographiques.
J. B. : La première parodie que j’ai faite avec Grégoire et David, c’était une parodie du Seigneur des anneaux. À force d’explorer ce genre, j’ai ces codes, quasiment dans mon inconscient. Et en quelques plans, on peut ainsi identifier un genre ou un film.
Connaître ces codes, c’est un avantage ou un frein quand on fait un film justement ?
J. B. : Pour un premier film, c’est bien. Si j’en fais d’autres, il va falloir que je m’en détache un peu en effet. Mais c’est toujours mieux de connaître les règles pour les enfreindre, non ? Pour Max et Léon, j’avais justement envie d’éviter le piège du premier film. Je ne voulais pas partir dans un délire, y mettre trop de trucs, vouloir être trop original. Par exemple, je ne suis pas un méga fan de Garden State de Zach Braff notamment parce que dans la mise en scène, il a presque voulu être trop original. Sur Max et Léon, je voulais peut-être que tout soit trop cohérent, j’étais très arrêté sur le style du film. Pour le prochain, je serai sans doute plus relax.
À mon sens, une des plus belles réussites de Max et Léon, c’est votre manière de jouer avec la narration. Vous vous permettez l’avance rapide, il y a du récit parlé…
J. B. : La séquence en avance rapide, c’est un peu du Benny Hill ! (rires) Il y a un petit côté méta aussi dans le film. Mais c’est aussi ce qui fonctionne avec le Palmashow. Cette référence peut vous parler, mais une autre évoquera quelque chose pour un autre spectateur. Il y en a pour tous les goûts. Et c’est aussi parce qu’on se répartit un peu les rôles au sein du Palmashow. Moi je suis un peu plus sur les sketches un peu plus métas, barrés ou décalés.
C’est quoi les films les plus « métas » justement ?
J. B. : De manière générale, le méta doit venir avec un propos. Le dernier que j’ai en tête, c’est Creed. Le film parle de « se faire un nom ». Au départ, le personnage ne veut pas qu’on sache qu’il est le fils d’Apollo Creed. Il veut se faire un nom par la boxe. C’est tout à l’image du film. La saga Rocky est de toute façon une série sur la vie de Stallone ! Pour en revenir aux films métas, je pense à Tropic Thunder de Ben Stiller.
Par ailleurs, j’ai lu que vous étiez un très grand fan de Fletch, la comédie policière avec Chevy Chase.
J. B. : Même la version française de Fletch est bien ! Le personnage est doublé par la voix française de Bill Murray dans SOS Fantômes ! J’adore Chevy Chase ! Murray lui doit d’ailleurs beaucoup, notamment dans la constitution de ce personnage avec du flegme et de la répartie. Chase aurait totalement pu être dans SOS Fantômes à la place de Murray. Je l’adore dans Fletch. Malheureusement, le film n’a pas trop fonctionné.
Le plus fascinant avec Chase, c’est qu’on ne sait jamais s’il est sérieux ou dans le second degré.
J. B. : Les comédies d’alors étaient réalisées avec beaucoup de premier degré. On a un peu perdu cela aujourd’hui.
J’ai lu que vous cherchiez à réaliser une adaptation de BD…
J. B. : Pour faire un film sans David et Grégoire, je veux partir d’une base. C’est pour cela que je lis beaucoup de romans et de bandes dessinées. Je cherche une base solide. Je suis peut-être sur quelque chose mais c’est trop ambitieux, encore un truc d’époque… J’ai par ailleurs refusé quelques propositions. Je ne suis pas pressé.
Propos recueillis par Thomas Destouches
La Folle Histoire de Max et Léon, de Jonathan Barré. Avec David Marsais, Grégoire Ludig, Bernard Farcy, Nicolas Marié…