Jones sur la bonne voie (critique de Source Code, de Duncan Jones)

Jones sur la bonne voie (critique de Source Code, de Duncan Jones)


Duncan Jones était bien évidemment attendu au tournant après la belle surprise Moon. Avec Source code, il négocie plutôt bien le virage du deuxième long, même si certains d’entre vous vont rester à quai de cette série B à base de train fou.

Vous me connaissez (en fait non, mais j’adore cette formule) : je suis un gros jambon en matière de technologie. C’est tout juste si mes doigts gourds et mon cerveau de palourde savent bidouiller télécommandes diverses, micro onde et lave linge. Mais dés qu’un micron de complication s’interpose entre moi et la machine, c’est la Bérézina. Ma nullité crasse et congénitale en tech’ a également contaminé ma compréhension des intrigues de SF un poil trop technoïdes, façon Inception, qui même narrées le plus clairement possible, me font rapidement court-circuiter. Je n’étais donc a priori pas le client idéal pour apprécier la trame tarabiscotée de Source Code, véritable festin pour les geeks-tech. Et pourtant, il m’a bien plus ce trip certes imparfait mais surprenant, à l’argument particulièrement complexe et cintré.

Jugez plutôt : le capitaine Colter Stevens (Jake Gylenhaal) se réveille en sursaut dans un train de banlieue fonçant vers Chicago. En face de lui, sa supposée petite amie, Christina, qu’il ne reconnaît pas plus qu’il ne se rappelle ce qu’il fait à bord. Pire : aux toilettes, le miroir lui renvoie le reflet d’un autre. Mais après quelques minutes de panique, Colter Stevens n’aura pas le temps d’en savoir plus : une bombe pulvérise le train, ses passagers et lui avec. Stevens ne se réveille pas au paradis, ni en enfer, mais dans un caisson obscur relié à un centre de commande d’où une jolie militaire sur un écran (Vera Farmiga) le ramène à la réalité : grâce à une technologie révolutionnaire dont il est le cobaye, Colter Stevens a en fait été projeté dans la mémoire résiduelle d’une des victimes d’un attentat qui, le matin même, a déchiqueté un train régional pour Chicago. Pas le temps de souffler : les scientifiques renvoient illico Stevens dans ce passé virtuel, où il n’a que huit minutes, avant l’explosion de l’engin, pour retrouver l’identité du terroriste avant que ce dernier, toujours vivant dans le réel, ne sévisse à nouveau. Pourquoi huit minutes ? Qui est vraiment Stevens, d’où vient-il ? Qui se cache derrière cette curieuse opération ? Qui est le poseur de bombe parmi les passagers du train ? Mais qu’est ce que c’est que cette histoire abracadabrantesque ? Et ca me fait quand même vachement penser à Un jour sans fin meets Code Quantum, c’t’affaire non ? Oui, ami lecteur, toutes ces questions tu te poseras lors de Source Code, film de commande pour Duncan Jones qui, contrairement à son premier long métrage Moon, n’en a pas signé le scénario.

Un coup d’œil au blaze du scénariste avait d’ailleurs de quoi inquiéter le geek distingué : Ben Ripley, auteur des « scripts » des piteux DTV La Mutante 3 et sa suite inédite chez nous Species : the awakening. La première bobine de Source Code, pour spectaculaire qu’elle soit, fait elle aussi craindre un recyclage au premier degré du comique de répétition d’Un jour sans fin (à chaque « retour » de Stevens dans le « passé », les mêmes détails : le contrôleur qui poinçonne, le café qui se renverse etc…). D’où crainte légitime d’ennui poli jusqu’à ce que cette endive de Gylenhaal mette laborieusement la main sur le vilain terroriste dans cette réalité virtuelle peu impliquante. A cette angoisse je réponds : nenni ! Comme quoi même les tâcherons peuvent se sublimer : Ben Ripley (marrant : même phonétique que le génial roman de SF Replay, qui narrait déjà une histoire de retour dans le passé en boucle, je vous le conseille veu-gra…) a imaginé une histoire qui non seulement s’émancipe rapidement de son statut de modeste série B, mais qui en plus, transcendée par son mix avec l’univers de Duncan Jones, atteint des pics d’ambitions assez vertigineux. Difficile d’aller plus loin sans déflorer les surprises du film mais les fans de Moon devraient s’y retrouver : malgré une forme radicalement différente, à savoir plus traditionnelle et musclée, Source Code développe plusieurs thèmes similaires à ceux de Moon, qu’il s’agisse du parcours de son héros ou d’un certain discours sur le cynisme des grandes organisations (les consortiums industriels dans Moon, le Pentagone dans Source Code).

Les plus rationnels déboulonneront rageusement les bases scientifiques de l’hallucinante invention décrite dans le film. Et plus encore la vraisemblance du grain de sable qui, en cours de route, va élever la portée de Source Code vers des cimes étonnantes. L’adhésion à Source Code exige clairement un « leap of faith », y compris dans son épilogue emprunt de poésie et bifurquant vers une voie où l’émotion vient prêcher naïvement, mais jamais lourdement, une leçon de vie à l’évidence désarmante. Y a pas à tortiller : il y a bien une pincée de Code Quantum dans Source Code, parenté d’autant plus criante que Scott Bakula en personne fait un petit cameo dans le film (mais vous serez obligé de bien lire le générique de fin pour le deviner). Ajoutons à cette réjouissance de l’âme une mise en scène au cordeau sachant tirer le meilleur de deux décors principaux trahissant la modestie de l’entreprise (tout est relatif : Jones passes d’un budget de 5 millions de dollars sur Moon à 30 patates sur Source Code. En clair : y a du ka-boom). Sans oublier une superbe entrée en matière rappelant la folle cinégénie de Chicago et une catastrophe ferroviaire généreusement servie à plusieurs reprises sous différents angles. A l’arrivée : pas vraiment un choc, mais une bonne surprise que cette série B atypique, imaginative, attachante et qui s’aventure là où on ne l’attendait pas forcément. De la SF engagée, avec des tripes et un coeur : Duncan Jones confirme donc les bonnes impressions de Moon et semble parti sur les bons rails, sinon d’un Kubrick en herbe, du moins d’un faiseur plus qu’estimable.

Source Code, de Duncan Jones (1h33). Sortie nationale le 20 avril.


Source Code – Bande-Annonce / Trailer [VOST|HD] par Lyricis

End of transmission….

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