JOUR 3 : Le journal d’une Berlinale de Jane McClane

JOUR 3 : Le journal d’une Berlinale de Jane McClane

En ce moment Berlinale

Allemagne. Année 2015. Berlin.

Un festival, un froid polaire, Jane MacClane en mission cinéma.

JOUR 3 – À Berlin, j’ai rencontré Victoria.

En me levant ce matin, j’étais loin d’imaginer ce que j’allais ressentir tout au long de la journée. Je vous « spoile » mais je ne peux pas faire autrement : je crois bien que j’ai vu le futur Ours d’Or aujourd’hui…
Je ne raconterais pas cette journée chronologiquement mais qualitativement du coup. Car avouons-le, je suis passée du tout au tout.

Jolie affiche du pas joli Journal d'une femme de chambre.

Jolie affiche du pas joli femme de chambre.

Le premier film du matin était le pire : Journal d’une femme de Chambre, qui rentre directement dans le flop 10 2015 et en prend pour l’instant la première place. Adaptation du roman du même nom et remake des films de Buñuel et Renoir, le film enchaine les fausses notes. Réalisé par Benoit Jacquot (Les Adieux à la reine), cette purge cinématographique met en scène Léa Seydoux, Vincent Lindon et Vincent Lacoste. On a du mal à définir le pire aspect du film, peut-être sa réalisation, ponctuée de zooms et de dézooms incessants qui lui donne l’air d’un vieil épisode de StripTease (et ses fondus au noir et au blanc tous moins subtiles les uns que les autres). Mais non, le pire c’est peut-être l’histoire, comme son titre l’indique, un journal d’une femme de chambre fin 19e siècle, qui tente de parler d’un certain enfer social et de la sexualité de sa protagoniste. Les scènes du livres sont choisies aléatoirement sans grand intérêt, les flash-backs n’ont pas vraiment de sens, c’est un espèce de pot-pourri mal senti. Aucune empathie pour les personnages, une musique vraiment pas terrible, un seul plan cadré avec qualité, il y a un malaise qui s’installe dans le Friedrichstadt Palast et pour une fois il n’est pas du à la qualité de ses sièges.
En fait, le pire c’est la direction des comédiens : inexistante (on l’espère) Léa Seydoux est aussi magnétique/érotique qu’un paquet de Barilla, Vincent Lindon grogne du début à la fin et le summum est atteint avec l’arrivée de Vincent Lacoste, ridicule au plus haut point dans ce rôle taillé sans aucune mesure. Oh et puis non, et si le pire c’était les dialogues ? Copié-collé du livre, il est légitime de s’interroger sur ce travail d’adaptation, la prochaine fois autant ne pas choisir le média « film » et faire un grand roman-photo, ça sera plus simple et ça coutera sûrement moins cher. Aucun point positif pour ce film donc. Ah si, les décors et les costumes étaient pas mal tiens ! Bref, en tout cas on s’est bien marrés et c’est ce qui compte.

Bon par contre c’est le seul film français en compétition, on a un peu honte de notre nationalité du coup à partir de maintenant on ne parle qu’en anglais dans les files d’attente de la Berlinale, histoire de pas se faire repérer.

Heureusement, la séance suivante était la bonne, mais je préfère garder ça pour la fin…

Petite pause météo : le temps s’est radoucit aujourd’hui, on a bien du passer de -30° à un petit -15° et ça se sent, les gens sont plus libres de leurs mouvements, leurs muscles moins contractés dans les files d’attentes. Bref c’est presque l’été quoi.

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Paul Dano qui ne subit pas trop le froid Berlinois

Ce soir, c’est au tour de Love and Mercy d’être présenté, nous avons droit à l’équipe du film, le réalisateur Bill Pohlad, Paul Dano et Elizabeth Banks, mais aussi Brian Wilson (des Beach Boys) car je vous le donne en mille c’est un biopic sur lui ! Génie musical complètement schizo, c’est un personnage intéressant qui nous est proposé et Paul Dano excelle dans son rôle. Giamatti n’a rien à se reprocher non plus, cependant la sauce ne prend pas. Pas d’émotions, pas d’empathie, pas d’intérêt, on a l’impression de survoler le sujet, de ne pas s’attarder sur les bonnes choses et on finit par se faire un peu chier (ne mâchons pas nos mots). Je me demande si je trouve ça insipide parce que je viens de voir un des films les plus fous de ma vie de spectatrice juste avant, ou si ce film n’a réellement aucun intérêt. Hélas je finis par opter pour la deuxième option. Un avis aussi engagé que la Suisse donc pour cet avant dernier film de ma Berlinale.

L'équipe de Love and Mercy, vraiment très floue.

L’équipe de Love and Mercy, vraiment très floue.

Petite pause culinaire : Le problème quand on enchaine les séances c’est de trouver le temps de manger. Bon je vous le dit, on « oublie » de manger et on s’enquille des burritos à 17h pour office de déjeuner et des kébabs à 02h du mat comme diner. MAIS aujourd’hui c’est l’heure de la spécialité locale : le Currywurst. C’est très bon et c’est pas cher, rien à rajouter, si ce n’est que ce festival me fait bouffer n’importe quoi à n’importe quelle heure.

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Bon allez j’arrête de vous faire attendre et je passe aux choses sérieuses : VICTORIA.

Alors pour tout vous dire, je n’avais presque aucun souvenirs des raisons qui m’avait poussé à choisir ce film dans le programme, si ce n’est que c’était allemand et que ça avait l’air pas mal. Un film de 2h30, juste après Journal d’une Seydoux sans expression faciale, enchainé sur une nuit de sommeil de 3h, autant vous dire que ça paraissait compliqué. Mais bon !
201505757_2_IMG_FIX_700x700Le film commence, musique électro minimale, noms des acteurs en blanc sur fond noir, aucune image pour l’instant : il se passe quelque chose d’étrange, j’ai un pressentiment très positif que je ne m’explique pas, je chuchote à ma comparse « Putain je pense que ça va être fou, je sais pas pourquoi mais j’en suis sûre. » Prémonition bizarre sûrement due au manque de sommeil.
Il y a certaines séances de cinéma dont on ressort différent, Victoria en fait parti. Il serait délicat de prétendre pouvoir expliquer ce qu’il s’est passé dans cette salle pendant ces 2h30 car je n’ai pas l’impression d’avoir assez de recul pour en parler. C’est le genre de film qui vous met K.O., auquel vous pensez nuits et jours après l’avoir vu. LA claque qu’on attend pas.
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Le plot est plutôt simple et mieux vaut n’en savoir que très peu : Victoria, une jeune espagnole, rencontre quatre garçons à sa sortie d’un club Berlinois et les suit dans la nuit.
Le film est en temps réel et le plan est unique. C’est un plan séquence de 2h30 qui suit les personnages dans leurs « aventures ». Au même rythme que la jeune fille, nous vivons des émotions fortes, la caméra nous immisce dans le groupe et nous donne l’illusion que c’est à nous qu’arrive cette histoire. Les émotions sont communicatives, le déroulé est hypnotisant, le scénario surprenant. La prouesse, en plus d’être technique, vient de ses acteurs, naturels, parfois touchant, parfois drôles. Ils incarnent leurs personnages sans qu’on ne doute jamais de leur véracité. On vibre, on tremble,on rit, on pleure et on en ressort bouleversé. Le rythme de ce film approche de la perfection, on nous laisse des temps pour respirer, on nous met sous pression, on joue avec nos nerfs. La musique est d’une grande qualité et vient amplifier une cinématographie magnifique qui aurait pu être laissée de coté à cause de son concept.
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Le réalisateur, Sebastian Schipper, est aussi à l’origine du scénario. Il utilise son expérience de comédien pour créer une relation de confiance avec son casting, fait preuve d’ingéniosité pour filmer son histoire et signe, sans aucun doute, un des meilleurs films de la Berlinale (si ce n’est le meilleur).

Je vous avoue être encore sous le choc de ce que je viens de voir, j’espère de tout mon coeur (et je pense que ça sera le cas) que ce film trouve un distributeur et arrive au plus vite dans les salles françaises.

Le froid est oublié car l’obsession Victoria l’a remplacé.

Le double-expresso en intraveineuse est dégueulasse mais efficace.

Demain c’est le dernier jour et ça donne drôlement envie de rater son avion pour rester voir d’autres films.

La Berlinale (et Victoria), je vous le répète, c’est vraiment très sympa.

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