
Kingdom Hearts HD 1.5 + 2.5 ReMIX: Le Voyage du Héros
Cross-over improbable entre Disney et Final Fantasy, les Kingdom Hearts sont des jeux d’Action-RPG proposant une histoire à la fois riche, complexe et avec de grands moments d’émotions. À l’origine destinée à la Playstation 2, la licence s’est rapidement éparpillée et a multiplié les supports : Gameboy Advance, DS, 3DS, PSP, mobile, et même un jeu web. Seul petit bémol, tous les épisodes sont nécessaires à la bonne compréhension de l’intrigue. En vue de la future sortie de Kingdom Hearts III, Square Enix propose désormais toute la série sur PS4 grâce aux deux compilations Kingdom Hearts HD 2.8 Final Chapter Prologue et Kingdom Hearts HD 1.5 + 2.5 Remix.
La Genèse d’un ovni vidéoludique
Avec ses J-RPG légendaires tel que la série Final Fantasy ou les mythiques Vagrant Story et Xenogears, Squaresoft dominait sans partage le petit monde du jeu vidéo tout au long des années 1990. Mais le virage des années 2000 fut extrêmement difficile pour l’éditeur nippon qui enchaîna plusieurs échecs commerciaux, dont le terrible flop au box-office du film Final Fantasy. Squaresoft était en panne et savait pertinemment que le succès de Final Fantasy X seul ne pourrait pas sauver la compagnie d’un funeste destin.
Tetsuya Nomura, l’un des plus brillants character designer de Square, proposa à ses supérieurs l’idée d’un jeu plateforme en 3 D. Mais l’absence de personnage emblématique pour rivaliser avec le plombier moustachu de Nintendo était un problème et la proposition du jeune Nomura fut dans un premier temps rejetée.
Le hasard faisant bien les choses, les bureaux de Disney Japon et Squaresoft se trouvaient à l’époque dans le même immeuble. Ce fut dans l’ascenseur les conduisant à leur travail que Shinji Hashimoto, aujourd’hui devenu vice-président de l’entreprise, discuta avec l’un des responsables de chez Disney de l’idée d’une collaboration.
Hashimoto réussit ensuite à convaincre l’un des créateurs de Final Fantasy et big boss chez Square, Hironobu Sakaguchi. Ce dernier n’hésita pas une seconde à faire appel à ses meilleurs lieutenants pour dessiner les contours de ce projet encore flou, mais déjà ambitieux. Yoshinori Kitase, ancien directeur sur Chrono Trigger et nombreux Final Fantasy, était l’un d’entre eux et rejoignit l’équipe en tant que coproducteur. Mais c’est bel et bien Tetsuya Nomura qui prit les commandes. Avec l’aide des talentueux scénaristes Kazushige Nojima et Daisuke Watanabe, ils commencèrent immédiatement à écrire les premières lignes d’un tout nouvel univers.
Fusionner la galaxie Disney avec Final Fantasy n’était pas une chose aisée. La série vidéoludique avait un ton mature et des thèmes adultes difficilement conciliables avec l’esprit enfantin des dessins animés. Un premier problème se posa rapidement à Nomura et son équipe d’environ cent développeurs, venant à la fois de Square, mais aussi Disney Interactive. Le choix du héros principal fut le sujet d’un vif débat entre Squaresoft qui ne voulait que Mickey Mouse et Disney qui préférait plutôt mettre en avant Dingo ou Donald. Nomura proposa au final une solution alternative, la création d’un tout nouveau personnage. C’est ainsi que naquit Sora, jeune adolescent qui ferait symboliquement le lien entre les philosophies des deux entreprises.
Mis à part ce souci, The Walt Disney Company laissa de façon surprenante carte blanche (ou presque) à Nomura pour piocher dans ses licences tout ce qu’il souhaitait. Du côté des Final Fantasy, Nomura fit surtout appel aux personnages qu’il avait créés sur les opus VII et VIII sonnant ainsi le grand retour de Cloud et Sephiroth dans un jeu vidéo.
Au début du projet, le scénario était relativement simple puisque l’objectif était avant tout de plaire aux fans de Disney. Cependant l’intervention de Hironobu Sakaguchi pendant la préproduction changea en profondeur la nature même du jeu, puisqu’il exigea une histoire au moins aussi complexe et riche qu’un Final Fantasy. Tetsuya Nomura prit visiblement les critiques de son boss très à cœur puisqu’il a livré, au fur et à mesure des épisodes, l’une des histoires les plus complexes jamais vues dans un jeu vidéo.
Au niveau du gameplay, le studio abandonna rapidement l’idée d’un plateformer 3D. Nomura et Kitase voulaient proposer quelque chose de nouveau tout en respectant les codes établis par Final Fantasy. Plutôt qu’un J-RPG classique au tour par tour, le jeu prit alors des allures d’Action-RPG en 3 D. Genre peu en vogue à l’époque, mais devenu ultra populaire aujourd’hui avec des licences comme Dark Souls, l’action en temps réel apporta un dynamisme important avec pour résultat une expérience proche d’un dessin animé Disney. Le succès inattendu sauva finalement Squaresoft de la catastrophe et permit même la fusion avec son concurrent Enix (responsable des Dragon Quest).
Depuis peu, je fais des rêves étranges…
C’est en novembre 2002 que Kingdom Hearts débarque enfin dans nos contrées sur Playstation 2. Si le premier épisode inaugure comme prévu les aventures de Sora, le joueur va rapidement faire la connaissance de tout un casting de personnages attachants et hauts en couleur. Au début du jeu, notre futur héros vit paisiblement sur une curieuse île appelée « Destiny Island » en compagnie de ses amis Riku et Kairi. Les jeunes adolescents rêvent alors d’explorer de nouveaux mondes en naviguant sur un radeau construit de leurs petites mains. Dès les premiers moments, on comprend que l’amitié les unissant est plus complexe qu’il n’y paraît. Sora et Riku sont des éternels rivaux et semblent tous deux avoir un faible pour Kairi. Une rivalité et jalousie qui seront lourdes de conséquences tout au long de la série.
La veille du grand départ, une terrible tempête se déchaîne sur l’île. Inquiet pour le radeau, Sora sort de chez lui pour en vérifier l’état. Mais l’île est soudainement attaquée par d’énigmatiques créatures noires, les fameux Sans-Cœurs. Armé uniquement de son épée en bois, Sora est impuissant face à la horde des ténèbres. Dépassé par les événements, il réussit quand même à retrouver Riku. Curieusement, son rival ne paraît pas surpris par l’attaque des Sans-Cœurs. Il murmure que « la porte est ouverte » et que le temps est enfin venu de partir de l’île. Dans un dernier geste, Riku tend la main vers son ami de toujours puis disparaît englouti par les ténèbres. Tels des sables mouvants, Sora s’enfonce lui aussi dans l’obscurité. Mais au dernier moment, une lumière jaillit de nulle part lui conférant la légendaire Keyblade, la seule arme capable de vaincre les Sans-Cœurs.
Plantée devant une mystérieuse porte au milieu d’une grotte, Kairi a le regard triste et tend elle aussi la main vers nous avant de s’évaporer à son tour. Malgré sa résistance acharnée, Sora est finalement aspiré par un puissant vortex en même temps que le reste de l’île. Peu de temps après, une cinématique nous envoie sur un autre monde, et plus précisément le Château Disney. Le Roi Mickey est également porté disparu, laissant derrière lui une lettre inquiétante à la destination de Donald et Dingo. Le Roi enquêterait sur plusieurs mondes ayant récemment sombré dans les ténèbres et demande à ses fidèles compagnons de trouver au plus vite « le porteur de la clé ».
Sans savoir comment il s’est retrouvé là bas, Sora se réveille au détour d’une ruelle dans l’étrange Ville de Traverse. Il y fait la rencontre de plusieurs personnages issus des Final Fantasy dont Léon, alias Squall Leonheart, Aérith et Yuffie. Le joueur apprend que Sora serait l’élu de la Keyblade et que lui seul peut arrêter les Sans-Cœurs en scellant les serrures de chaque monde. Pour y arriver, Sora doit également mettre la main sur les rapports d’un certain Ansem le Sage qui détiendrait la clé pour défaire les Sans-Cœurs.
C’est à ce moment-là que Sora tombe enfin sur Donald et Dingo. Ensemble, ils vont unir leurs forces et partent à la recherche de Riku, Kairi et Mickey. Tout en protégeant les mondes des ténèbres, le trio de choc va au fil des aventures tisser des liens d’amitié très forts. Le périple ne fait que commencer pour Sora et le joueur est loin de s’imaginer toute la machination se déroulant en coulisses. Très bien écrit, le scénario imaginé par Nomura gagne en complexité à chaque épisode et ne cesse de surprendre. Pour ne pas vous gâcher le plaisir, je vais m’arrêter là pour ce qui est des spoilers. Sachez toutefois qu’il est important de jouer à tous les opus de la série si on veut vraiment avoir toutes les pièces du puzzle.
Les développeurs ont réussi avec brio à capturer l’essence magique des Disney et la dimension épique d’un Final Fantasy. Grâce à une solide réalisation technique, chaque monde qu’on visite dégage une personnalité et ambiance qui lui sont propres, à tel point qu’on se croirait parfois dans le dessin animé en question. Revisiter ces univers est un pur délice pour ceux qui comme moi ont grandi avec les cassettes VHS Disney. Et croyez-moi, vous allez en voir du pays puisque ce n’est pas moins de quinze mondes uniques qui s’offrent à vous (en comptant tous les épisodes). Certains s’inspirent bien sûr des anciens classiques de chez Disney comme Alice au Pays des Merveilles ou Cendrillon et d’autres sont plus modernes comme le Roi Lion, Tarzan ou Mulan. Mais les plus impressionnants restent les mondes vraiment atypiques issus des films Pirates des Caraïbes et Tron. La direction artistique est d’ailleurs toujours remarquable et respecte à fond les codes et couleurs des films ou dessins animés Disney, pour un résultat magnifique encore aujourd’hui.
Malgré des soucis importants en termes d’ergonomie et notamment une gestion désastreuse de la caméra, Kingdom Hearts avait posé les bases du genre Action RPG tel que nous le connaissons aujourd’hui. À la fois simple et riche, le gameplay met en scène des combats en temps réel qui demandent davantage de réflexes que de stratégie. Toutefois à la manière de The Witcher 3, les Kingdom Hearts révèlent véritablement tout leur potentiel dans les difficultés plus élevées. Autant vous le dire tout de suite, la série Kingdom Hearts est loin d’être facile surtout si on la compare à des titres récents comme Final Fantasy XV. L’utilisation des objets ou de la magie étant aussi en temps réel, il est tout simplement impossible de mettre en pause les combats. Les invocations – élément classique des Final Fantasy – de personnages emblématiques de Disney tels que Mushu de Mulan ou le Génie d’Aladin sont évidemment présentes. Sora ne sera d’ailleurs que rarement seul au cours de l’aventure, puisque vous serez presque toujours accompagné par deux autres compagnons gérés par une IA pas trop bête. Kingdom Hearts II et surtout Kingdom Hearts: Birth By Sleep reprendront les bases déjà solides du premier opus tout en les améliorant considérablement, avec par exemple l’ajout de coups spéciaux spectaculaires.
Apprenant de ses erreurs sur Final Fantasy X, Square avait cette fois-ci mis le paquet dans le doublage avec une excellente localisation sur les deux premiers épisodes. La version française était particulièrement réussie et reprenait des voix bien connues de chez Disney. Malheureusement, les voix françaises sont tout simplement absentes de cette compilation. Le doublage anglais ne plaira pas à tout le monde, mais il faut bien avouer qu’avec les voix de Mark Hamil ou Christopher Lee, le casting a quand même une sacrée classe. La musique composée par Yoko Shimomura m’avait à l’époque déjà profondément marqué. En alternant des morceaux tragiques, joyeux, mélancoliques ou épiques, Shimomura s’était posé en digne héritière de Nobuo Uematsu. Les mélodies de Kingdom Hearts sont depuis une référence absolue et ont donné une véritable identité sonore à la série.
Une compilation de qualité
Pour le plus grand bonheur des fans, Square Enix a eu la brillante idée de regrouper Kingdom Hearts HD 1.5 ReMIX et Kingdom Hearts HD 2.5 ReMIX déjà sortis sur PS3 sur un seul et même disque. Cette compilation PS4 permet aux nouveaux venus de découvrir la série dans les meilleures conditions possible. La grande majorité des textures a été lissée et retravaillée en HD pour un rendu superbe. PS4 oblige, les 60 fps et les temps de chargement fortement réduits apportent aussi un confort de jeu non négligeable.
Jusque là confinés au Pays du Soleil Levant, Kingdom Hearts et Kingdom Hearts II nous sont ici livrés dans leurs versions Final Mix. Ces éditions largement enrichies rajoutent de nouvelles quêtes, armes, boss cachés et surtout des scènes inédites. Kingdom Hearts II : Final Mix+ s’était même permis le luxe d’intégrer un remake en 3D du sympathique Kingdom Hearts : Chain of Memories. Sorti en 2003 sur Gameboy Advance, cet épisode est juste indispensable à l’histoire puisqu’il fait le lien entre les deux premiers opus. Renommé Kingdom Hearts Re : Chain of Memories, cet excellent remake est donc enfin jouable en occident. Kingdom Hearts : Birth By Sleep, lui aussi présent dans sa version Final Mix, était sorti sur PSP en 2010 et faisait office de prequel. Sans aucun doute le meilleur de la série au niveau du gameplay, Birth By Sleep apporte également de nombreuses réponses à l’intrigue et développe encore plus en profondeur toute la mythologie autour des Keyblades.
Les épisodes sortis sur Nintendo DS, c’est à dire Kingdom Hearts 358/2 Days et Re:coded, sont aussi présents, mais non jouables. Probablement dû à la limitation de la console portable, SquareEnix n’a pas voulu rééditer la partie jeu et a privilégié un mode théâtre. Réalisées sous le moteur de Kingdom Hearts 2 et entièrement doublées pour l’occasion, le joueur pourra désormais regarder comme dans un film toutes les cinématiques (en HD évidemment) et autres passages importants de l’histoire.
Si vous êtes déjà l’heureux propriétaire des versions PS3 de Kingdom Hearts HD 1.5 ReMIX et Kingdom Hearts HD 2.5 ReMIX, cette compilation n’aura que très peu d’intérêt (sauf pour les fans hardcores). Ce portage s’adressera évidemment aux nouveaux venus, mais surtout à tous les joueurs ayant découvert la série soit sur Playstation 2 soit sur consoles portables et qui voudraient enfin vivre l’aventure dans son intégralité. Sorti la même année, Kingdom Hearts HD 2.8 Final Chapter Prologue recroise enfin les destins des différents personnages principaux avant la sortie du très attendu Kingdom Hearts III censé conclure la saga.
Dearly Beloved
Kingdom Hearts tient une place à part dans mon cœur de joueur. Le jeu était pourtant arrivé entre mes mains presque par hasard. C’était ma grand-mère, alors motivée par les personnages de Disney sur la magnifique jaquette, qui me l’avait acheté pour Noël peu de temps après sa sortie. Je me vois encore parfaitement déballer le papier cadeau, impatient de mettre enfin sur mon étagère Tekken 4 ou Medal of Honor. Autant dire que j’étais plutôt déçu et perplexe quand j’ai vu la bande à Mickey sur la boîte. Assis confortablement sur le canapé avec mes pépitos, j’ai inséré sans conviction la galette dans ma regrettée PS2. Et ce fut la claque ! Après seulement une heure de jeu, j’étais littéralement hypnotisé par l’histoire et ses personnages. Pendant tout le reste de mes vacances, mes jours furent rythmés par une seule activité : jouer à Kingdom Hearts. Revisiter les mondes de Disney qui avaient bercé mon enfance était un pur bonheur, mieux j’avais retrouvé mon âme d’enfant. Je savais pertinemment que le titre de Square avait des défauts ; la caméra était par exemple terriblement frustrante. Mais quelque chose de magique était en train de se passer, un lien indescriptible s’était tissé entre moi et le jeu, et plus précisément entre moi et Sora. C’est seulement bien des années après que j’ai enfin pu mettre les mots sur que je ressentais.
Courageux, spontané, et toujours loyal, Sora n’hésite jamais à aider son prochain. C’est un jeune adolescent qui veut avant tout partager de bons moments avec ses amis et voyager aux quatre coins du monde. Plus que n’importe quel autre héros de jeu vidéo, c’est un personnage vraiment attachant. Mieux, c’est un personnage auquel tout le monde peut d’une manière ou d’une autre s’identifier. Kingdom Hearts reprend des valeurs universelles telles que l’amitié, l’esprit d’équipe, le sens du sacrifice et la persévérance que nous retrouvons traditionnellement dans les mangas populaires. Bien que différent sur la forme, Sora partage beaucoup de points communs avec tous les célèbres héros shônens que sont San Goku, Naruto ou Luffy. Dans le monde entier, ces personnages emblématiques ont tous eu un énorme impact sur plusieurs générations d’adolescents (et pas seulement). C’est en lisant les œuvres de Joseph Campbell que j’ai enfin eu le déclic et fait le rapprochement avec Sora. Ils représentent tous un archétype qui résonne énormément dans notre subconscient, le héros aux mille et un visages. Le voyage de Sora n’est pas un conte pour enfants, c’est un récit initiatique du héros intemporel (et non celui de l’antihéros plus à la mode ces derniers temps). Ce ne fut donc pas une surprise quand j’ai appris que Tetsuya Nomura s’était largement inspiré pour Kingdom Hearts de la saga Star Wars.
Conclusion
Derrière son titre farfelu, Kingdom Hearts HD 1.5 + 2.5 Remix est LA compilation ultime de la série à remettre entre toutes les mains. Après le succès de Final Fantasy X/X-2 HD, Square Enix a remis le couvert avec encore une remastérisation de très bonne qualité. Quinze ans après la sortie du premier opus, Kingdom Hearts est devenue une série mythique qui déchaîne les passions, une expérience unique que je conseille à tout le monde. Si vous avez toujours hésité à franchir le pas à cause du côté Disney, rappelez-vous qu’il ne faut jamais juger un livre à sa couverture. Avec les deux compilations Kingdom Hearts HD 1.5 + 2.5 Remix et Kingdom Hearts HD 2.8 Final Chapter Prologue, c’est une aventure épique avec des centaines d’heures de jeu qui vous attend. Foncez !
Kingdom Hearts HD 1.5 + 2.5 ReMIX
Développeur : SquareEnix
Éditeur : SquareEnix
Prix : 50 euros