
La Légende de Korra : une autre vision de la femme… et de l’homme
Suite d’Avatar : le Dernier Maître de l’Air, La Légende de Korra prend un malin plaisir à déconstruire les stéréotypes hommes-femmes pour offrir au jeune public de Nickelodeon un portrait pluriel et stimulant de notre humanité. Une démarche assurément féministe.
Difficile d’évoquer la thématique très transversale du féminisme dans La Légende de Korra sans spoiler massivement l’évolution des personnages… Vous êtes prévenus ! Les intrigues principales, en revanche, seront juste survolées.
Si vous n’êtes pas familiers avec l’univers, jetez un oeil à notre bilan des trois premières saisons qui commence par une remise en contexte détaillée.
Une héroïne éloignée des canons de la féminité
Le succès populaire d’Avatar : Le Dernier Maître de l’Air sur Nickelodeon a logiquement permis de mettre en place une suite : Le Légende de Korra. Le truc, c’est que la chaîne TV américaine n’était pas très emballée à l’idée de diffuser une série animée avec un personnage féminin en vedette, soi-disant parce que les garçons auraient du mal à s’identifier à un fille (l’inverse ne posant apparemment pas de problème, allez savoir pourquoi). Les auteurs Michael Dante DiMartino et Bryan Konietzko ne se sont pas démontés et ont finalement réussi à imposer leur héroïne, appuyés par des projections-tests où les gamins affirmaient qu’ils se fichaient royalement que Korra soit une fille.
Physiquement, Korra ressemble à bien peu d’héroïnes du petit écran. Elle est indiscutablement mignonne – avec ses grands yeux clairs et sa coiffure traditionnelle de la Tribu de l’Eau – mais sa musculature à la fois impressionnante et réaliste tranche avec les silhouettes sveltes que l’on croise habituellement dans les dessins animés (malgré quelques exceptions, comme la très costaude Balsa de l’anime Seirei no Moribito). Anodin ? Peut-être, mais sur une chaîne TV dédiée aux enfants et aux jeunes ados, cela illustre le fait qu’une fille peut être jolie tout en étant athlétique et que la force physique n’est pas l’apanage des garçons. Pas ailleurs, aucune sexualisation outrancière n’est à déplorer puisque Korra porte systématiquement des vêtements amples et ne se retrouve jamais dénudée. Sa poitrine de taille « raisonnable » pourra aussi surprendre les fans de japanimation.
Certains observateurs ont aussi apprécié le fait que Korra soit une héroïne « non blanche ». Elle possède en effet un teint sombre typique de la Tribu de l’Eau, qui correspond plus ou moins aux Inuits de notre monde à nous. Une bonne nouvelle pour la diversité à la télé, certes, mais comme l’univers de la série n’est peuplé que de personnages s’apparentant à des ethnies asiatiques ou arctiques (aucun caucasien à l’horizon), l’argument perd donc un peu de son poids.
Question tempérament, Korra se montre têtue et très impulsive, n’hésitant pas à foncer tête baissée vers le danger. Dans beaucoup de situations, elle ne possède pas la douceur traditionnellement associée à la féminité. Dans la vie de tous les jours, c’est par exemple une grande amatrice de coups de poing affectueux dans l’épaule. De plus, la séquence où elle improvise un concours de rots avec Bolin montre qu’elle ne sait pas toujours se tenir en société… Particulièrement butée et colérique, la Korra des débuts peut agacer. Elle évolue cependant de façon très nette dans les dernières saisons, à mesure qu’elle gagne en maturité, affronte ses angoisses et apprend à compter davantage sur les autres.
Rapidement coincée dans un triangle amoureux un peu vain concurrençant les véritables intrigues des saisons 1 et 2, Korra semble au départ la triste victime des hésitations de Mako, qui éprouve des sentiments pour elle… mais aussi pour Asami (décide-toi mec!). Le coup du beau gosse ténébreux jouant sur deux tableaux n’a rien d’original ou de réjouissant mais quand Korra et Mako finissent par se séparer définitivement d’un commun accord, notre avatar ne semble plus décidée à se caser. Elle a d’autres priorités (comme sauver le monde, ce qui est un peu son job à la base). Elle retrouve ainsi son indépendance et une certaine liberté d’esprit. Pourquoi l’héroïne d’une série TV devrait-elle forcément se définir au travers d’une romance pour exister en tant que personnage ? Hein ? Plus tard, dans l’épisode flashback Remembrances, Mako raconte le triangle amoureux de son point de vue et, d’une certaine façon, reconnait ses tords.
L’épilogue de la série jette un immense pavé dans la mare des dessins animés dits « familiaux », quand Korra propose à Asami de partir en vacances. C’est l’aboutissement d’une longue évolution, assez subtile et progressive, qui fait passer la fille de Hiroshi Sato du statut de rivale à celui d’amie puis de confidente (la lettre de la saison 4 !).
Les derniers instants de l’épisode final montrent les deux jeunes femmes – elles ont maintenant 21 et 22 ans – qui entrent dans un portail vers le monde des esprits, main dans la main, puis se tournent l’une vers l’autre en se regardant tendrement. Impossible d’être plus explicite sur une chaîne jeunesse comme Nickelodeon. Les créateurs de la séries ont ensuite confirmé sur leurs blogs que Korra et Asami formaient bien un couple à la fin de la série. Konietzko a même réalisé un artwork des deux amoureuses tiré à 100 exemplaires pour soutenir une hotline de prévention du suicide chez les membres de la communauté LGBT.
Tordre le coup aux stéréotypes
Le profil atypique de Korra n’est pas un exemple isolé. Michael Dante DiMartino et Bryan Konietzko ont de toute évidence conçu leur galerie de personnages avec la volonté de tordre le cou aux stéréotypes, notamment en qui concerne les caractéristiques supposément masculines ou féminines.
Prenons le cas de Bolin, le frère de Mako. Fort comme un bœuf, il n’en demeure pas moins l’émotif du groupe, toujours la larme à l’oeil et le câlin facile. C’est aussi un infatigable bout-en-train, l’équivalent de Sokka dans la série précédente. Côté amour, Bolin se retrouve coincé entre les griffes d’Eska, la flippante cousine de Korra. Une relation dominé/dominante qui, même si elle sert de ressort comique, met en lumière un type de rapport homme/femme peu représenté à la TV ou même dans les médias. Plus tard, sa tentative de drague ratée « bad boy style » avec Opal le pousse à redevenir lui-même, c’est-à-dire un mec drôle, maladroit et sensible. Et ça marche.
(la musique pique un peu mais c’est le meilleur montage que j’ai trouvé…)
Dans la saison 4, le prince Wu est d’abord présenté comme un ado pourri gâté, égoïste et fan de shopping. Comme quoi, le syndrome de la princesse tête à claques peut exister chez les garçons… Inapte à la bagarre, le nobliau se découvre des compétences de leader pendant l’attaque de Republic City, et gagne ainsi le respect de ses petits camarades.
Varrick, quant à lui, est un inventeur de génie qui se plaît à exploiter son infatigable assistante Zhu Li (« do the thing ! »). Finalement, elle le convainc de la considérer comme une égale puisqu’en effet, elle est aussi brillante que lui (d’ailleurs il se retrouve totalement démuni quand ils se retrouvent séparés…). Bien que la romance accompagnant ce basculement biaise un peu leurs rapports, on sent une volonté forte de rappeler que les femmes peuvent évidemment se montrer aussi douées que leurs confrères, notamment dans le monde scientifique. Être reconnue à sa juste valeur au boulot n’a donc rien d’un caprice.
Fille de bonne famille toujours bien habillée et maquillée, Asami (fun fact : elle est doublée par Seychelle Gabriel, la princesse Yue de la dispensable adaptation live d’Avatar : le Dernier Maître de l’Air par Shyamalan) n’a rien d’une la poupée écervelée, alors que sa première apparition en mode « pub de shampooing » pouvait le laisser craindre. Très à l’aise avec la technologie, elle se bat au sein de la team avatar en utilisant un puissant gant électrique, compensant ainsi son absence de « pouvoir » (bending). C’est aussi la seule du groupe sachant piloter une voiture convenablement.
Unique maître de l’air au début de la série, Tenzin (fun fact 2 : il est doublé par J.K. Simmons) devient le mentor de Korra. Au fil des épisodes, on réalise que le sage, malgré tout son savoir livresque, n’a pas toutes les réponses et qu’il n’est pas vraiment doué pour se connecter aux esprits (contrairement à son père Aang, avatar de la série précédente). Le spectateur découvre alors que c’est Jinora, sa fille aînée calme et disciplinée, qui possède les meilleures capacités spirituelles – exceptionnelles pour tout dire – et qui finira par mériter ses fameux tatouages de maîtresse de l’air. Tenzin n’en demeure pas moins un personnage incontournable et inspirant jusqu’à la fin de la série (notamment vis-à-vis de Korra), ses faiblesses le rendant finalement plus intéressant.
Le succès professionnel de Lin Beifong, la chef de la police de Republic City, souligne qu’une femme peut parfaitement décider de faire passer sa carrière au premier plan, quitte à rester célibataire (elle semble cependant en souffrir…). L’archétype inverse serait Pema, heureuse femme au foyer et épouse de Tenzin, avec qui elle a eu trois enfants. C’est elle la garante de l’harmonie familiale, un rôle qui, s’il est moins impressionnant que celui de Lin au fil des épisodes, n’est jamais présenté de manière dépréciative.
Après trois saisons où les « méchants » principaux étaient des hommes, la série propose une dernière partie avec une femme en guise d’ennemie : Kuvira (fun fact 3 : elle est doublée par Zelda Williams, la fille de feu Robin Williams). Abandonnée par ses parents, elle souhaite assurer la sécurité de ses compatriotes en instaurant empire militaire stable… à tout prix. C’est une « méchante » crédible qui ne tombe pas dans le cliché de la sorcière zinzin et démoniaque (mais elle fout un peu les jetons quand même).
En bref, tout au long des quatre saisons qui composent La Légende de Korra, jamais une fille ou une femme n’est moquée, critiquée ou jugée en fonction de son sexe par un autre personnage. Chacun et chacune semble avoir les mêmes opportunités personnelles et professionnelles. Et ça fait un bien fou.
Lire également sur le Daily Mars : test du jeu vidéo Legend of Korra
Très bel article pour ceux qui connaissent la série comme pour ceux qui ne l’auraient pas vu ! Merci d’avoir mis en avant ces qualités pour ceux qui douteraient encore que les dessins animés sont pour les enfants uniquement. Ou superficiels de manière générale. (et je ne savais pas pour le doubleur de Tenzin, woh xD)
Merci à toi pour le retour ! J’ai découvert Korra sur le tard mais c’est typiquement le genre de dessin animé que je conseillerais à des enfants ou des jeunes ados, ne serait-ce que pour sa vision moderne des rapport sociaux (paradoxal quand on sait que l’époque décrite s’inspire de nos années 20…).
Un très bel article pour une très belle série (la légende de korra) qui devrait être diffusée plus largement, y compris pour les adultes.
L’avatar devrait être chacun de nous afin de maintenir les équilibres fragiles de l’environnement dans lequel nous vivons. Il y a un détail que cet article ne relève pas: le rapport de Korra avec l’argent. En réalité, Korra n’a pas d’argent et à son arrivée en ville, elle ne peut pas s’acheter à manger et va pêcher… avant de se faire poursuivre par un policier car cela était interdit! Une belle satire de ce que sont devenues nos Sociétés « évoluées ». Au final, Korra ne compte que sur elle même et ses amis pour tout, jamais sur l’argent. Et c’est peu être cela le véritable message de la série. Si l’on veut restaurer les équilibres du monde (préservation des écosystèmes, résolution de la grave crise environnementale actuelle), il faudra changer notre rapport à l’argent et abandonner l’égoïsme exacerbée qui est actuellement majoritaire dans nos Sociétés. Cela reviendra probablement à remettre en cause le capitalisme et remettre le consumérisme à une place moins prépondérante.
Un autre point que j’apprécie beaucoup dans la série est le rapport à la technologie. Cette série démontre avec brio que cette dernière peut être utiliser à la fois pour faire le bien mais aussi et surtout pour servir des ambitions personnelles et assoir le pouvoir d’une ou plusieurs personnes. Toute ressemblance avec la réalité n’est pas fortuite. La technologie est actuellement omniprésente et trop souvent présentée comme étant la Solution à tous les problèmes… alors qu’en fait, elle en créer de nouveaux ! Être contre la technologies ne semble pas très pertinent mais il ne faut pas lui vouer un culte démesuré, cette dernière n’est qu’un outil et tout va dépendre de comment l’on va l’utiliser et pour quel dessein Asami va utiliser la technologie pour aider l’avatar Korra et au final servir l’intérêt général. Mais la série montre bien la fragilité de l’entreprise d’Asami (début de la saison 2 avec la rencontre de Varrick)) et sa dépendance à l’économie… là encore la série surprend par son réalisme. On ne peut que recommander son visionnage pour tous les enfants de 7 à 77 ans !
J’étais totalement passé à côté du volet « rapport à l’argent » de la série, merci pour ton commentaire ! (même s’il sort du cadre de l’article consacré aux stéréotypes de genre…)
Pour la technologie et ses problématiques, c’est un peu plus évident, ne serait-ce que parce que le bond techno entre l’époque d’Aang et celle de Korra ne peut pas passer inaperçu !
Ce dessin animé a en tout cas beaucoup de qualités, même si j’ai personnellement une préférence pour Avatar 🙂
J’ai adoré voir cette série, et j’ai remarqué qu’elle touchait de même des adultes, mon père suivant assidûment la série.
Comme quoi, non, que Korra soit l’héroïne ne change absolument rien ^^
Ton père a bon goût ! (merci pour le retour 🙂
Cest vrai . Korra est géniale .
Mais je préfère quand meme Avatar .
Je m’ennuie seule avec le confinement . J’en ai MARRE de TRAVAILLER.
Heureusement je peut m’enfiler toute les saisons d’Avatar et La Légende De Korra .
Salut . Comment vous portez vous . 🙂
C’est surtout une belle bouse qui ne correspond absolument pas à l’attrait du 1er Avatar le Derniers maitre de l’air pour plusieurs raison: Histoire bancale, fin délirante, Avatar totalement inutile car surpassé par trop de monde, etc … Quand à l’analyse, bof bof vous voulez bien voir ce que vous voulez et l’interpréter de la façon que vous souhaitez le faire. Et bien sur toutes les personnes qui suivent votre blog sont déjà acquises. Il serait bon d’apprendre à ce remettre en question plutôt que de rechercher à avoir une place parce qu’on est une « femme ». Cela reviens au même dérive que les cotas sous le régime de l’URSS. On finit juste pas donner le pouvoir à des personnes incompétente voir dangereuses pour la démocratie. D’ailleurs le féminisme qui me représente pas du tout remet en question de nombreuses bases qui font que la société existe et est juste(présomption d’innocence, …) Le combat est juste devenu ridicule et vous incarné ce coté ridicule en faisant de la « propagande » féministe. Si vous mettiez autant d’energie à réussir votre vie, vous n’auriez pas besoin de tout ces groupements minoritaires pour réussir. Ce combat ne peut que mal finir pour les relations hommes /femmes.