
On a lu… One-Punch Man (T. 1) de ONE et Yûsuke Murata
Tremblez chers lecteurs ! Nous ne sommes qu’au mois de janvier et voilà déjà que débarque LE titre le plus attendu de l’année, un véritable blockbuster made in Japan. Précédé d’un buzz hallucinant et d’une campagne de pub d’envergure de la part de l’éditeur Kurokawa, One-Punch Man débarque auréolé d’un statut quasi-messianique. Et si c’était lui qui reboostait les ventes de mangas en France et confirmait la hausse de 2015 ? Si on en croit l’éditeur, ce premier tome pourrait s’écouler à 60 000 exemplaires en 2016. Le raz-de-marée aura-t-il lieu ? Retour sur le phénomène avec un premier tome maîtrisé et réussi.
La bataille pour obtenir le droit d’éditer le titre en France fut difficile. Ils étaient tous sur les starting-blocks et c’est finalement Kurokawa, cinquième acteur sur le marché du manga en 2015 qui l’a emporté. Initialement, One-Punch Man est un webcomic édité sur le net, par un certain ONE, à partir de 2009. Le site de l’auteur se fait peu à peu connaître et la série finit par exploser, atteignant les dix millions de visites au Japon. Le puissant éditeur Shûeisha (Dragon Ball, City Hunter, Gunnm) s’empare tout naturellement du phénomène. Mais le graphisme trop basique de ONE n’étant pas vraiment publiable en l’état, l’auteur se retrouve à faire équipe avec l’excellent Yûsuke Murata (Eyeshield 21) au dessin. Alors que déjà dix tomes sont parus au Japon depuis 2012, le premier nous parvient enfin via l’éditeur français. Avec l’acquisition de ce titre providentiel, Kurokawa confirme sa grande forme après une année 2015 assez florissante grâce notamment à The Heroic Legend of Arslân (critiques ici et là) et met tous les atouts de son côté pour faire de son nouveau bébé, un événement dont même la presse généraliste parle. Mais pourquoi un tel engouement autour de ce nouveau shônen ?!
Le scénario délaisse les fioritures avec un concept des plus simples. Saitama est un jeune salary-man sans but, ni motivation jusqu’au jour où il a une épiphanie en secourant un enfant qui a un menton en forme de cul… Il décide de devenir le héros le plus puissant du monde et disparaît pour suivre un entraînement intensif. Dans un monde où cyborgs, savants fous et monstres en tout genre sont monnaie courante, la présence d’un héros est plus que nécessaire. Saitama a atteint son but, en devenant réellement le plus balèze, tant et si bien qu’il terrasse tous ses ennemis en un seul coup de poing, le fameux One-Punch Man du titre. Les victoires sans saveurs s’enchaînent et Saitama s’ennuie, ne trouvant pas d’adversaire à sa taille. C’est sur ce pitch de base que ONE développe tout son récit, tout du moins, c’est ce que sous-entend ce premier tome. Mais il ne faut pas s’y tromper, le concept aussi simple soit-il, cache plutôt bien son jeu. Derrière son apparence de shônen lambda, il dévoile une construction maligne et méta, pleine d’autodérision. Le mangaka décortique les codes narratifs et les clichés inhérents au genre et jouent avec dans un déluge de combats et d’absurdité. One-Punch Man, hyper (trop) conscient de lui-même et de son statut de phénomène instantané et postmoderne, démarre avec une assurance incroyable et prend parfois un peu trop une attitude poseuse mais on lui pardonne.
Car en dépit de ça, c’est dans cette économie totale en matière de scénario et dans sa propre analyse, que le titre parvient à trouver une justesse surprenante. Sans jamais trop forcer le trait ou rechercher absolument le gag, les chapitres défilent et le tome dévoile son potentiel. L’humour n’est pas omniprésent et n’étouffe pas le récit, ce qui rend les gags assez efficaces. Voir ce héros/loser, victime de sa propre force et en quête d’adrénaline, a quelque chose de tragi-comique. À contre-pied des canons du genre et de leurs combats sans fin, ici les affrontements n’ont même pas le temps de débuter. Dans la même mouvance, il y a le détournement de Genos, traditionnel second couteau, habituellement rival (Vegeta, Sasuke, Zorro) du héros qui devient ici un fidèle disciple épris de justice. C’est finalement grâce à cette ironie savamment dosée que le titre de ONE puise sa force. Une prise de recul salutaire qui lui donne tout son sel.
Mais il ne faut pas oublier le travail de Murata. Car One-Punch Man qui jouit d’un univers graphique très poussé, ne serait peut-être pas ce qu’il est sans l’arrivée du dessinateur. Encore plus à l’aise qu’il ne l’était à l’époque de Eyeshield 21, il passe facilement d’un style à l’autre, du minimalisme absolu aux planches ultra-travaillées et spectaculaires. Les scènes d’action sont d’autant plus percutantes qu’elles sont courtes et le mangaka ne semble avoir aucun mal à trouver ses marques dans l’univers de ONE. Son sens du détail impressionne et en met plein la tronche grâce à un découpage ultra-lisible et parfaitement fluide. Bref, dans l’ensemble, ce premier tome est une réussite et Kurokawa peut se féliciter d’avoir mis la main sur cette poule aux œufs d’or. Simple, direct, efficace et foutrement malin, One-Punch Man tente de réinventer le shônen ou tout du moins, de sauver de l’asphyxie un genre ultra-balisé. Ce début prometteur lui donne plutôt raison. Le rouleau compresseur est en marche…
One-Punch Man de ONE et Yûsuke Murata, aux éditions Kurokawa
J’ai adoré le démarrage mais le manga m’est tombé des mains vers le 80ème épisode. Le gros souci c’est l’absence d’antagoniste. C’est du shonen sans les méchants traditionnels des shonen.
Ca surprend mais là où je me suis arrêté, cela n’était qu’une succession de mini-histoires.
Par contre, graphiquement, c’est top !