
L’image dans le Temps
Notre dossier La Série par l’Image cherche à mettre l’image ou la réalisation dans les séries au premier plan. Nous essayons également de voir comment l’image, seule, peut avoir une fonction, un rôle. Nous poursuivons notre suite d’articles. Après CSI (Les Experts) et l’image capturée, Ally McBeal et l’image fantasme, comment aborde-t-elle l’épreuve du temps ?
La série, l’art d’user le temps. De son existence marathonienne, elle développe l’impression d’écoulement. A une échelle capable de rivaliser avec nos existences. La série nous accompagne. Elle nous suit. Et avec elle, son image. Et avec nous, ces corps qui vieillissent. Subissent le poids de l’âge, des saisons. La série est capable de sculpter le temps, sans le figer.
Dans les soap operas, la texture est lisse, le cadre souvent immobile et pourtant, le mouvement temporel y est le plus flagrant. Sa gestion du temps se modèle sur la perpétuité. Le récit est un feu que les scénaristes alimentent en permanence. Un brasier qui se consume jusqu’à la déraison mais laissant intacts les personnages. Ils sont au centre. Seuls éléments mouvants d’une formalité paralysée.
Le corps devient la mesure du temps. Les rides apparaissent, les cheveux se grisent ou se dégarnissent. L’image est un tombeau. Elle accompagne la chair vers sa propre fin. Et nous, de mesurer ses effets. L’image devient miroir. Reflet de notre propre déclin. On jauge, on estime à l’échelle de la saison. Sept ans, dix ans, l’importance tient dans le temps partagé. Et le mimétisme entre l’acteur et nous. Vieillir, c’est accompagner. C’est aussi soutenir.
Vieillir, c’est grandir. Devenir mature. C’est John Carter pendant 15 ans. Don Draper pendant 8 saisons. Jack Bauer pendant 10. Ils sont devenus modèles, familiers. Leur existence sur la surface de l’écran a développé une sorte de promiscuité. Visuelle parce qu’on les regarde. Théorique parce que leur chaire fictionnelle nous a grandi. On ne passe pas dix ans sans évoluer. L’image et les corps dans les séries nous disent la même chose. À la différence du cinéma, on ne suit pas l’acteur mais le personnage. La composition ne risque pas les ruptures de ton. La proximité est sans égale.
Le corps vieillissant est une image. La réflexion d’une fuite du temps. C’est le visage de Kiefer Sutherland marqué par les rides. Signe du caractère immuable du poids de l’âge. Preuve de notre mortalité. Ces héros que l’on imaginait éternels ne pourront rester figer que par la grâce de l’image. Ces séries « coureur de fond » sont le portrait de Dorian Gray, les corps vieillissent parce que l’on voudrait voir le nôtre immarcescible.
C’est assez paradoxal qu’un personnage comme celui de Jack Bauer qui est une espèce de super-héros invincible vieillisse en même temps que l’acteur qui l’incarne. Surtout qu’une saison est censée se dérouler en une journée. Il Vieillit vite le gars en 9 jours – 9 saisons. Mais il faut dire qu’il a une pu**** de vie stressante 🙂
Les meilleures séries pour étayer ton article sont à mon sens ces séries marathon qu’on cite par dérision : Les feux de l’amour ou Plus belle la vie où l’on voit les personnages vieillir tous les jours. Pour les gens qui regardent ces séries, les personnages/acteurs de l’autre côté du miroir deviennent des sortes de reflets.
Ce vieillissement des personnages fonctionne aussi avec des séries comme Urgences ou X-files. Non seulement à l’intérieur de ces séries mêmes mais aussi en suivant les acteurs à travers d’autres séries. David Duchovny, Gillian Anderson ou encore Julianna Margulies resteront marqués toute leur vie et toute la nôtre par les personnages qui leur ont permis d’accéder à la notoriété. Dans The good Wife, c’est Carol Hattaway qui continue de vieillir.
Sinon, j’ai appris un mot que je ne connaissais pas : immarcescible.
🙂