
L’Image Rémanente dans Without a Trace (FBI, Portés disparus)
Notre dossier La Série par l’Image cherche à mettre l’image ou la réalisation dans les séries au premier plan. Nous essayons également de voir comment l’image, seule, peut avoir une fonction, un rôle. Nous poursuivons notre suite d’articles. Après CSI (Les Experts) et l’image capturée, Ally McBeal et l’image fantasme, l’image dans le temps, place à celle qui persiste dans Without a Trace (FBI, Portés Disparus).
Without a Trace (FBI, Portés disparus), en utilisant le schéma narratif de The Killers (1946) de Robert Siodmak, associe l’image au souvenir. Et le souvenir au lieu. La série imagine l’individu comme laissant des traces derrière lui. Réminiscence du corps dans un espace, comme un ectoplasme prisonnier d’un cadre délimité aussi bien par l’histoire que par le plan. Dans ses séquences pré-génériques, la série illustre son procédé comme un gimmick visuel : le sujet disparaît progressivement de l’image. Fondu ciblé sur lui. Le monde continue de tourner mais il ne semble plus appartenir au monde. La série illustre aussi bien notre évanescence dans un microcosme en mouvement perpétuel que notre valeur intrinsèque à ce même univers.
Pour ses reconstitutions, la série substitue l’image à la parole. Moyen plus efficace de raconter un souvenir. De cette façon, elle développe un procédé visuel qui va prolonger l’acte théorique de la série qui est d’ordonner le présent : l’image rémanente. Ordonner le présent, c’est rendre consistance à un corps devenu soluble, lui redonner une présence physique. Tout au long de l’épisode, la victime est un reflet, une persistance rétinienne dans l’œil des témoins comme dans celui du spectateur. En recomposant le passé proche, la série développe un stimulus dont la disparition va entraîner cet effet de rémanence. Je continue de voir un corps qui n’existe plus le temps de l’épisode.
Le motif de la disparition est inscrit dans l’image et le passé que les enquêteurs tentent de recomposer, s’efface à mesure qu’ils rattrapent le temps (la ligne temporelle dessinée sur un tableau). La série n’applique pas d’échelle à la persistance. Celle-ci agit le temps de l’épisode (un temps narratif court) et brille avec le même éclat, sans effet d’atténuation. C’est la force du souvenir ou l’inscription dans notre mémoire que la série délivre comme une forme d’humanisme exacerbé. Dans une œuvre aussi mécanique (formula show, écurie Brukheimer), ce que l’image dit ou tait, possède un intérêt véritable.
Article très intéressant qui analyse la série d’une façon peu commune et très belle plume, bravo !
Merci pour ce bel article. J’appréciais beaucoup cette série, et son procédé de flashbacks / disparition progressive de la victime sur l’image me rappelle celui de Cold Case (autre série que j’aimais).
Déjà presque sept ans que « FBI… » s’est terminée. Je l’ai quasiment revue dans son intégralité il y a quelques mois. Je l’ai découverte il y a une dizaine d’années. Une série vraiment émouvante, mélancolique, qui traite de vies et de personnes ordinaires. Avec des interprètes naturels.
« A part » dans les productions Brukheimer.