
La Fett à la maison (The Mandalorian S1 / Disney+)
Paré pour un lancement en grandes pompes à peine égratigné (mais quand même un peu – Disney+ a dû repousser son lancement en France au 7 avril) par un virus qui va forcer les gens à consommer du contenu, Disney lance enfin sa plate-forme Disney+ en Europe et plus particulièrement en France. Parmi son énorme catalogue, biaisé chez nous par une certaine chronologie des médias, l’un des fers de lance de ce nouveau service est sans nulle doute la série The Mandalorian, première production télévisuelle et live-action estampillée Star Wars.
Il serait malhonnête de dire que tous les français ont attendu sagement l’arrivée de la série sur une plate-forme légale. Quand le magnat aux grandes oreilles ne se prive pas pour bazarder sur les réseaux sociaux l’atout numéro un de sa série phare (une adorable créature verte qui adore boulotter des leviers de vitesse), c’est qu’il est bien conscient qu’un lancement décalé dans le monde aura quelques conséquences. Car oui, le mandalorien qui donne son nom à la série n’est pas tout seul et n’ira pas simplement chasser des primes à travers la galaxie 5 ans après la chute de l’Empire dans Le Retour du Jedi. Après une mystérieuse mission lui demandant de ramener ce bébé Yoda pour un obscur ponte de l’Empire, il va se prendre d’affection pour la bestiole et va jurer de la protéger au péril de sa vie alors que toutes les crapules du système sont à ses trousses.
Trouver quelqu’un avec les épaules suffisamment solides pour lancer un nouveau format Star Wars n’est pas chose aisé. A ce petit jeu, Jon Favreau commence à avoir un sacré pedigree, puisqu’il est à l’origine de ce qu’on connaît du MCU (Iron Man 1 & 2, c’est lui) ainsi que de la tendance mercantile à vouloir faire des remakes live de tous les dessins animés Disney (Le Livre de la Jungle et le Roi Lion, c’est lui). Accompagné d’un vétéran de la série Star Wars côté animation, Dave Filoni (Clone Wars, Star Wars Rebels et Star Wars Resistance), il est donc propulsé showrunner sur The Mandalorian. Autant le dire tout de suite: si l’on peut lui reprocher une réalisation sans éclat, Jon Favreau est un grand faiseur et sait s’entourer pour gérer l’aspect artistique. Face aux huit épisodes qui composent la saison 1, difficile de faire la fine bouche devant la débauche visuelle qui n’a pas à rougir face aux films des grands écrans. Grâce à une technique ingénieuse de projection de décors en temps réel, la production a gagné un temps fou pour maintenir l’illusion d’un univers de science-fiction sans bouger les fesses des studios de Californie.
L’exotisme de l’univers Star Wars est donc bien là, multipliant les planètes pour assouvir ses ambitions, tout en respectant les codes visuels grâce à une multitude de maquillages et de quelques décors réels. Désertiques, forestières ou rocailleuses, les mondes visités ne prônent pas l’originalité, mais sont suffisamment variés sur cette première fournée d’épisodes pour éviter une certaine redondance. Le soin apporté force le respect, comme en témoigne les concepts arts en fin d’épisode, une chouette idée qui permet de se rendre compte du travail accompli. Les créatures habituelles répondent évidemment présents, aussi bien les Jawas que les Banthas, avec probablement des références un peu partout qui ne parleront qu’aux fans hardcores. A l’écran, le dépaysement est donc total, en plus du casting de qualité. Aussi bien Pedro Pascal derrière le casque du chasseur de primes que Gina Carano, Nick Nolte, Carl Weathers voire même Werner Herzog, chacun trouve sa place dans la mythologie. Et niveau musique, la surprise est de mise: c’est Ludwig Goransson qui s’occupe de tous les morceaux, avec une sonorité assez éloigné des habitudes de la saga et des mélodies qui résonnent comme un écho aux westerns poussiéreux et aux films d’aventures d’antan.
Si le spectacle de The Mandalorian est assuré de bout en bout, il arrive même à évoquer en un plan post-générique en fin de saison certains des rêves les plus fous de l’univers étendu. Mais pour arriver au bout de l’histoire, encore faut-il accrocher à un rythme atypique dans une époque où les séries possèdent maintenant leurs propres codes de narration. Sur des formats assez aléatoires, allant de 30 à presque 45 minutes, chaque épisode de The Mandalorian trace un fil rouge assez ténu (protéger bébé Yoda) mais sans toujours faire évoluer son scénario, donnant presque la sensation que certaines étapes sont là pour faire du remplissage. Si les histoires avaient une réelle conséquence sur Mando, pourquoi pas. Mais la conclusion de certains épisodes est juste là pour nous rappeler ce que l’on savait déjà: il n’est pas qu’un chasseur de primes redoutable, c’est aussi quelqu’un prônant un minimum de justice avec ce qu’il faut de justesse. Certes, la série creuse maigrement des détails autour du peuple des mandaloriens ainsi que du visage derrière ce casque et cette personnalité affable. Mais c’est bien maigre et donne parfois l’impression de tourner en rond, voire pire, de faire du fan-service. A ce sujet, l’épisode 5 est peut-être le comeback de trop, alors même que la série s’obstinait à faire le contraire pour s’échapper d’un héritage trop collant.
Fort heureusement, certains épisodes profitent du format pour contourner les codes de Star Wars et donner un autre point de vue sur la licence, en s’amusant sur les genres. L’épisode 6 qui se déroule sur un vaisseau impérial joue allègrement avec le huis clos du décor et propose de chouettes séquences de chasse à l’homme dans des corridors que l’on connaît bien. Mais ce sont surtout les deux derniers chapitres qui vont briser la monotonie de l’ensemble en concluant l’intrigue principale de la saison tout en embrassant totalement sa légitimité vis-à-vis des trilogies cinématographiques. En quelques séquences fortes, The Mandalorian donne un aperçu de son potentiel probablement décuplée en saison 2, enchaînant des moments de bravoure digne des westerns, soutenus par les moyens nécessaires. The Mandalorian réussit à sortir de son carcan trop pesant pour enfin s’éclater et faire autre chose de Star Wars, comme ce délicieux dialogue d’ouverture entre deux Stormtroopers qui laisse entrevoir ce que peut donner un réalisateur comme Taika Waititi sur une licence aussi forte que celle-ci. Si les premiers épisodes laissent planer le doute sur l’ambition de son scénario, ces deux derniers épisodes rassurent quant à la prochaine saison.
Bref, The Mandalorian ravira clairement les fans de Star Wars, en revenant à ce que la saga sait faire de mieux: exploiter sa mythologie. On jubile à voir sur le petit écran ce foisonnement spatial multi-culturel, quitte à parfois sombrer dans le fan-service un peu facile. Mais c’est l’histoire qui en pâtit. Passée l’agréable redécouverte, on attend vainement que le scénario passe la seconde, et cela n’arrivera que dans les deux dernières étapes. Il serait malvenu de dire que le voyage fut ennuyeux, car Star Wars reste Star Wars: un imaginaire débordant que l’on voit rarement ailleurs et The Mandalorian est produit grâce à des talents indiscutables. Mais on espère sincèrement que la saison 2 proposera une intrigue principale plus dense pour profiter de tout ce que ces huit premiers chapitres ont installé et que la série s’envole de ses propres ailes pour venir offrir une alternative complète à la licence.
THE MANDALORIAN (Disney+) Saison 1 en 8 épisodes
Diffusée sur Disney+ au rythme d’un épisode par semaine
Série écrite par Jon Favreau, George Lucas, Rick Famuyiwa, Dave Filoni, Christopher L. Yost
Série réalisée par Deborah Chow, Rick Famuyiwa, Dave Filoni, Bryce Dallas Howard & Taika Waititi
Avec Pedro Pascal, Carl Weathers, Gina Carano, Werner Herzog, Nick Nolte, Taika Waititi, Giancarlo Esposito
tout à fait d’accord avec cette critique, je rajouterai que le rythme très lent en fait paradoxalement peut-être l’oeuvre la plus proche d’un nouvel espoir, par rapport aux trilogies suivantes qui trépident d’action en permanence. Et surtout elle ne commet pas l’erreur cardinale des trois fans-films de JJ, à savoir les incohérences flagrantes des règles de cet univers.
Cette news sur une série que tous les gens intéressés par Star wars ont déjà vu il y a 6 mois montre qu’il existe deux types de consommateurs de contenus désormais. Ceux qui utilisent le web comme une télévision en « streamant » des séries après avoir payé un abonnement et ceux qui utilisent internet et téléchargent du contenu. J’écris internet parce qu’il n’y a pas que le Direct Download – qui lui est sur le web -, il y a aussi le protocole Torrent.
Alors bien sûr, dans le premier cas, on va dire que les gens sont respectueux de la loi, que ce sont des bons consommateurs, ils payent pour jouir.
Et dans l’autre, d’affreux pirates qui tuent la création.
Je ne juge pas de la moralité des comportements.
Le fonctionnement d’internet nâtivement c’est de l’upload et du download. Que des intérêts commerciaux décident qu’il peuvent mettre un péage à l’entrée de leur plateforme, grand bien leur fasse. Techniquement ça n’a aucun sens sauf face à une population qui croit qu’elle regarde la télévision.
Concernant le choix de Disney d’appliquer la chronologie des media à une plateforme de VOD démontre qu’en 2020, l’une des plus grosses entreprise de divertissement transnationale est complètement à la ramasse et a une méconnaissance de ce qu’est internet.
…
Pour la série en elle-même, ses qualités et ses nombreux défauts ont déjà été discuté en long et en large à sa sortie. Je trouve pour ma part que c’est mou du genou, que ça ne raconte rien, que c’est une série qui aurait eu un intérêt il y a dix ans, avant la débâcle SOLO, que ça aurait pu être un complément à la dernière trilogie qui elle est un naufrage pur et simple tant sur le plan créatif que narratif.
C’est une expérimentation Disney qui a fonctionné surtout parce que massivement piratée. Sans quoi on en aurait pas autant parlé.