La guerre des mères (critique de Mama, de Andy Muschietti)

La guerre des mères (critique de Mama, de Andy Muschietti)

Note de l'auteur

Grand Prix du dernier Festival du Film Fantastique de Gérardmer, Mama renoue avec le meilleur d’un cinéma fantastique sincère et qui s’assume à 100%, malgré un scénario parfois pataud. On ne boude pas notre plaisir devant cet acte de foi parrainé par Del Toro.

Victimes d’un coup de folie de leur père qui a tué sa femme et a pris la fuite avec elles, les petites Lily et Victoria disparaissent au fin fond d’une forêt du Maine. Elles sont retrouvées à l’état sauvage cinq ans plus tard, seules, par leur oncle Lucas (Nicolaj Coster-Waldau), qui n’a jamais cessé les recherches. Lucas et sa compagne Annabel (Jessica Chastain) obtiennent la garde des filles mais très vite, une présence malfaisante semble les surveiller jalousement. Parallèlement leur psychiatre, le docteur Dreyfuss, parvient à percer peu à peu l’identité de la mystérieuse “Mama” évoquée par Victoria dans ses entretiens…

Au générique de fin, une évidence : Andy Muschietti est désormais un réalisateur à suivre. Version XXL de son propre court métrage du même nom qui avait tapé dans l’oeil de Guillermo Del Toro en 2006, ce pur film fantastique traditionnel et mélodramatique ne peut que nous réjouir, camarades. Fuyez les pisse-froid qui font crânement la fine bouche devant ce festin généreux : enfin un vrai long métrage s’inscrivant sans complexe dans le genre surnaturel, sans trucs formels de petit malin façon found footage, sans prendre l’étrange comme alibi pour film d’auteur chiant, sans surfer sur une mode opportuniste issue de la chick lit’… Mama, c’est du fantastique pur et dur avec un coeur gros comme ça, comme on savait le fignoler dans les années 70 et 80, avec du “bouh !”, du “ah !”, du “brrrr !” et même un peu de “snif !”. Une intrigue qui, certes, s’emberlificote inutilement avec un ou deux personnages secondaires lourdingues (Muschietti le reconnait lui-même), mais qui ose embrasser la peur comme l’émotion au sein d’un récit bicéphale, à la fois grand public et terrifiant mais surtout axé sur une solide thématique jamais abandonnée (l’amour maternel) et porté par une mise en scène spectaculairement immersive.

Clairement plus intéressé par ses héroïnes que par des mâles scénaristiquement fonctionnels (le psychiatre) voire un poil concons (désolé pour les fans de Nikolaj Coster-Waldau), Muschietti se concentre sur les deux personnages féminins centraux et antagonistes du film : Annabel (Jessica Chastain) et l’ectoplasme Mama, qui au fil du film vont se disputer la maternité de Victoria et Lili. La première, immature et insouciante au début de l’intrigue, va peu à peu assumer ses responsabilités et naitre sous nos yeux en tant que mère, notamment au terme d’une magnifique scène épiphanique entre elle et la petite Lily, la plus sauvage et incontrôlable des deux filles. Quant à la seconde, mise en valeur par une mise en scène maitrisant au millimètre près le plan séquence et l’effet de surprise bien flippant, elle rejoint sans mal le bestiaire des créatures fantastiques les plus marquantes de ces vingt dernières années. Empruntant une myriade de couleurs à la palette des contes de fée, Mama se clot à ce titre sur un climax d’une audace poétique et d’une noirceur tellement foudroyantes qu’on lui pardonne aisément ses scories de scénario et un ou deux jump scares de trop. Emotion, mise en scène soignée, trouille et final en apothéose : un très beau film fantastique dans la tradition, tout simplement. Grand Prix au dernier Gérardmer entièrement mérité, n’en déplaise à ses détracteurs.

MAMA, de Andy Muschietti (1h40). En salles depuis le 15 mai.

Partager