
La Maison des oubliés : un roman vite lu, vite oublié
Inoffensif, cet énième avatar du motif de la maison hantée ne laissera pas un souvenir impérissable. Malgré quelques qualités, le roman de Peter James ne va jamais au bout de ses idées. Et ne transgresse rien.
L’histoire : Un beau manoir qui se désagrège lentement en haut d’une colline. Quand les Harcourt y emménagent, ils savent qu’ils en ont pour plusieurs mois de travaux. C’est un pari financier. Un pari qui va devenir impossible de relever, en raison des nombreux fantômes qui occupent déjà la demeure.
Mon avis : Nouvel avatar du thème de la maison hantée. Le risque, évidemment, est de ne rien apporter de nouveau. Et c’est bien le problème avec ce roman du Britannique Peter James : il n’ajoute pas un poil, un clou ou un croc au bon vieux motif du manoir-aux-spectres. Tout est annoncé dès le titre anglais : The House on Cold Hill. James s’inscrit d’emblée dans une filiation qui remonte notamment au The Haunting of Hill House séminal de Shirley Jackson, et à toute sa litanie de successeurs (notamment des films jouant sur l’agencement des mots, The Haunting, The House on Haunted Hill, la série The Haunting of Hill House, etc.).
Autant dire que titrer sur The House on Cold Hill laisse craindre le pire en termes de banalité. Le premier tiers du livre n’est pas désagréable. On lui laisse sa chance, espérant qu’une fois le décor posé et les personnages installés, James attaquera les choses sérieuses. La première apparition, d’ailleurs, ne traîne guère, puisqu’elle se manifeste dès la 33e page (si l’on ne tient pas compte de la petite intro lapidaire et tranchante de rigueur).
L’intérêt s’arrête là, malheureusement. L’auteur ne va jamais au bout de sa logique narrative. Par exemple, lorsque l’ado Jade Harcourt skype avec sa copine Phoebe depuis sa chambre à coucher, et que Phoebe aperçoit une vieille femme à l’air courroucé dans son dos, on en reste quasiment là. Quand Jade se retourne, elle ne voit rien. La vieille femme semble avoir disparu. Mais Phoebe n’évoque jamais directement cette capacité à s’évanouir dans l’éther en une nanoseconde. Étrange, non ? Cela sent l’effet narratif gratuit à plein nez.
D’autres passages sont un peu plus réussis, tel ce chapitre où Oliver Harcourt revit mot pour mot une discussion qu’il vient d’avoir avec le pasteur du coin. Sauf que ce dernier n’a pas du tout conscience de repasser les plats. Ceci étant dit, James ne maîtrise pas complètement les enjeux qu’il installe dans son récit. Une mécanique telle que ce dialogue dédoublé exige du doigté et de la finesse ; l’écrivain a quelque peu bâclé le boulot, se contentant de multiplier les questionnements intérieurs d’Oliver. Il alourdit ainsi son procédé. Et se tire une balle dans le pied, alors qu’il tenait là un moment potentiellement très fort de son histoire. Il en va de même avec cette fenêtre qui ne se voit que de l’extérieur de la maison… et qui contient quelque chose qui, en définitive, ne mène à rien.
Tout ceci est assez significatif du pétard mouillé que représente cette Maison des oubliés. Un roman contenant plusieurs idées intéressantes (le fantôme comme expression d’un rapport tordu au temps et à l’espace) mais qui ne les exploite jamais (ou jamais complètement). Un roman plutôt sympathique au demeurant, écrit dans un style globalement agréable. Mais un livre jamais original, dérangeant, troublant, subversif. Pas de vrai frisson, pas de vrai danger, pas de vertige. Un roman inoffensif, au final. Le comble pour une littérature résolument de genre.
La multiplication des “morts étranges” pouvait fonctionner dans un film comme The Omen, grâce à l’ambiance vicelarde du métrage. Ici, elle dessert totalement l’avancée narrative : on sait en permanence qui va y passer et quand. Seuls les personnages paraissent s’en étonner. À 20 pages de la fin, Oliver Harcourt semble encore s’étonner du fait que les gens qui pourraient les aider claquent les uns après les autres.
Bref, un roman très lisible dans l’ensemble, mais dont il ne faut pas attendre davantage qu’un divertissement vite oublié.
L’extrait : « Soudain, il repensa à ce que Bruce Kaplan lui avait confié après leur match, la veille.
Peut-être que les fantômes ne sont pas du tout des fantômes, et que tout ça a à voir avec notre compréhension du temps… Et si tout ce qui a été existait encore, le passé, le présent et l’avenir, et si nous étions prisonniers d’une minuscule partie de l’espace-temps ? Et si parfois, en soulevant légèrement le rideau, nous avions accès au passé, et parfois à l’avenir ?
Mais, là, ils étaient bien dans le présent, n’est-ce pas ?
Le pasteur croqua de nouveau dans le biscuit. Ollie regarda en direction de la porte. L’ombre était toujours là, comme si quelqu’un se trouvait dans l’entrée.
– Qui est-ce, Oliver ? Quelqu’un veut se joindre à nous ?
– Il n’y a personne.
Les deux hommes se levèrent et passèrent la porte. Fortinbrass d’abord, puis Ollie. Le couloir était vide. Ils retournèrent s’asseoir.
– Voilà ce pour quoi je vous ai appelé, expliqua Ollie, espérant que Caro ne reviendrait pas avant qu’ils aient terminé cette conversation. »
La Maison des oubliés
Écrit par Peter James
Édité par Fleuve Éditions