La mère des nerfs (Contre-critique de Mama, d’Andy Muschietti)

La mère des nerfs (Contre-critique de Mama, d’Andy Muschietti)

Note de l'auteur

N’ayant pas pour habitude de m’étendre plus que de raison sur des films qui ne le méritent pas, je me vois néanmoins contraint de réagir face à la critique étonnamment positive de Plissken. Trop c’est trop, la coupe est pleine, j’explose, j’exulte, cachez les enfants.

Dernier rejeton d’un cinéma d’épouvante qui refuse depuis belle lurette de remplir sa fonction première qui est celle de nous foutre les jetons, Mama représente en tout point ce qui cloche dans le film fantastique depuis un petit moment déjà. Les premiers symptômes de cette maladie étrange que nous appellerons « dédain », apparaissent juste après la scène d’ouverture, seule scène à peu près potable du film.

Peuplant son film de personnages aussi crédibles que les romans Arlequin, Andrés Muschietti, qui se fait appeler ici Andy et que j’appellerai André par respect envers tous les Andy du monde… André, donc, nous assène une juxtaposition invraisemblable de commodités scénaristiques. Si seulement c’était pour nous préparer à quelque chose d’originale, mais non. Ces commodités n’existent que pour faire entrer son histoire à grands coups de marteaux dans les carcans les plus clichtonneux du cinéma de le fantastique. A titre d’exemple, la grande maison. C’est bien connu, un film de fantôme doit se passer dans une grande maison. On entre dans la sacro sainte obligation de l’American Gothic sans laquelle un film de fantôme est impossible, surtout quand, comme André, on n’a pas trop envie non plus de se casser la nénette à faire une réalisation intelligente. Une grande maison c’est pratique, y’a des grands couloirs, on peut remplir son quota de « jumpscare » tout mou sans se creuser la tête. Je vous laisse découvrir la manière dont nos deux « misfits » de la société se retrouvent dans cette grande maison afin que vous puissiez mesurer tout le dédain qu’André a pour le spectateur plus ou moins attentif.

Aperçu d’un mâle amovible en action

Autre commodité scénaristique qui n’est malheureusement pas nouvelle et qui est faite ici avec la légèreté d’un star destroyer de l’Empire, la fameuse théorie du mâle amovible à volonté. Le mâle est toujours emmerdant dans les films de l’épouvante car il rassure. Il est grand, fort et beau, contrairement à la frêle jeune femme qui elle, se doit d’être paumée et donc plus commode pour véhiculer des moments de frousse au spectateur. André s’aperçoit donc relativement rapidement que pour entrer dans ses quotas de clichés, il va devoir se débarrasser du mâle. Là aussi, on reste dans le refus catégorique de se creuser la tête et on va direct au plus bas dénominateur commun du film de frousse, la bonne femme qui a peur et qui crie. Seulement, André ne peut pas non plus complètement se débarrasser de son mâle, car il va en avoir besoin pour son final grotesque sur fond de cellule familiale recomposée.

Ainsi, le mâle disparaît et réapparaît de manière pratique dans le seul but de laisser la femme seule face au fantôme, parce que c’est historiquement plus flippant comme ça et que faire autrement signifierait qu’on s’intéresse un minimum aux personnages. Cet inintérêt flagrant provoque de fait la quasi inutilité du mâle. En gros, au bout de 40 minutes, le gars ne sert plus à rien et se transforme en boulet. C’est à se demander pourquoi André l’a créé alors qu’il lui aurait été beaucoup plus simple de tout mettre dans un seul personnage, celui de la femme, ce qui aurait été du coup bien plus intéressant. Mais pour cela, il eut fallu un peu de réflexion.

Là encore, j’aurais pu être magnanime et pardonner cette énième commodité, si par ailleurs André avait fait évoluer le personnage jouer par Jessica Chastain de manière quelque peu originale. Aber nein ! Là aussi il s’agit de détruire systématiquement tout ce que le personnage a d’intéressant pour la réduire à une « sucker mom » en devenir. C’est un peu comme si la Gloria de John Cassavetes se transformait sous nos yeux en Desperate Housewife. Si je cites Gloria, c’est pour vous montrer qu’il y avait moyen de rendre le personnage et sa relation avec les deux fillettes nettement plus fortes, plutôt que de jouer sur la sempiternelle fibre maternelle agrémentée d’une image de la famille qui semble sortir tout droit d’un discours de Sarah Palin.

Ainsi après une heure trente d’un film qui lorsqu’il n’est pas en mode commode, se met en mode rallonge, André nous balance sans vergogne l’une des fins les plus indigestes de cette année. D’un côté nous avons la résolution incroyablement minable du pourquoi du comment de la fantômette en CGI, qui sur le coup m’a plus fait penser à Bip Bip et le Coyote qu’à une horrible tragédie (le coup de la branche… seriously, dude…). De l’autre, l’insupportable connerie de la cellule familiale enfin au complet avec monsieur qui resurgit de l’oubli, car il est impensable qu’une famille n’ait pas de père, même si c’est pour rester dans les vapes les ¾ du temps. Une cellule familiale recomposée comme il se doit dans les règles du cliché absolu, à grand coup de larmes, d’embrassades et de violons.

Et ce n’est pas le coup du papillon bleu (ceux qui ont vu le film comprendront) qui va changer quoique ce soit à cette impression d’énorme foutage de gueule. Au contraire, ce papillon là est le symbole d’un cinéma d’épouvante pasteurisé, aseptisé dans le but formel de plaire au plus grand nombre, qui efface le moindre bout de peur pour le remplacer par du rêve de pacotille et le moindre début de critique sociétale pour le remplacer par des poncifs nauséabonds. Un cinéma fantastoc normalisé jusqu’à la moelle, grand prix d’un festival qui semble avoir perdu sa raison d’être et qui ne sait plus reconnaître les siens.

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