La Mère parfaite : un thriller (très) loin de l’être

La Mère parfaite : un thriller (très) loin de l’être

Note de l'auteur

Sans tension, sans réelle ambition, sans enjeu : ce premier roman d’Aimee Molloy est d’une platitude triste et totale. Les intentions sont trop évidentes et les ficelles, trop épaisses. Sans compter qu’on y trouve plus de coquilles que sur une plage à marée basse.

mère parfaite couvLe livre : Winnie a rejoint les Mères de mai, un groupe de jeunes mamans de Brooklyn qui ont eu leur enfant en mai et qui se soutiennent mutuellement. Une nuit de 4 Juillet où, pour la première fois, elles s’offrent une soirée alcoolisée, tout bascule : Midas, le bébé de Winnie, disparaît de chez elle. Quelques Mères de mai se lancent alors dans une enquête personnelle pour retrouver le petit.

Mon avis : Rien ne fonctionne vraiment dans ce premier roman d’Aimee Molloy. L’aspect choral du récit n’est pas totalement maîtrisé. La dimension hétérogène de la narration n’est certes pas un mauvais choix, mais c’est aussi la faiblesse de ce livre. Molloy brasse trop large, elle veut trop en faire (erreur de débutante ?) mais ne tient pas assez serrées les rênes de son récit.

Enlèvement d’un bébé, une mère bizarre en voix subjective, des amies qui enquêtent et en subissent les conséquences, des révélations et faux semblants en pagaille, un engrenage de petites vengeances… On perd le fil et on se demande quel livre l’auteure a voulu écrire. Il n’y a rien de mal à courir plusieurs lièvres à la fois, mais cela demande un art qui échappe encore à Molloy.

La dimension policière passe résolument au second plan. Pourquoi pas ? Mais il devient difficile de parler de « roman noir ». L’aspect social est le plus creusé par l’auteure : des femmes, jeunes mamans, qui se débattent avec leurs problèmes d’argent, de couple, la complexité de concilier vie de parent et vie professionnelle, l’épuisement provoqué par de mauvaises nuits, l’entraide nécessaire mais pas forcément évidente… À nouveau, pourquoi pas ?

Problème : l’enquête paraît complètement délaissée. Et pourtant, Molloy y revient sans cesse, lorgnant du côté d’un mystère quasi fantastique (avec cet entrelacs de passages en voix subjective sans qu’on sache, jusqu’à la toute fin, qui parle réellement). Ce côté binaire produit un résultat qui n’est satisfaisant ni dans un sens ni dans l’autre.

Il ne faut pas complètement jeter le livre avec l’eau du bain, néanmoins. Quelques idées sont bonnes : le « compte à rebours inversé » des e-mails envoyés automatiquement, chaque jour, aux Mères de mai sur l’évolution de leur bébé (qui soulignent en creux les jours qui passent depuis la disparition de Midas). Le parallèle entre maternité et crime (qui aurait mérité d’être mieux exploité). Le fait que toute l’histoire passe par le regard des mamans, qui font chacune leur petit bout d’enquête tout en se débattant avec les soucis du quotidien.

Aimee Molloy (c) Nina Subin

Tout ceci manque singulièrement de tension – péché mortel pour un roman noir – et de rythme. On ne craint pas pour le bébé, on ne tremble ni ne vibre pour ces mères qui prennent parfois de grands risques. On s’énerve même parfois devant le catalogue de « problèmes de jeunes mamans » qu’Aimee Molloy semble parcourir trop consciencieusement. Comme si elle s’était composé un jeu de cartes pour son roman et qu’elle tentait d’abattre chacun de ses atouts jusqu’à ce qu’il n’en reste plus.

Et ce n’est pas le twist final qui rattrapera la sauce. Croyez-moi sur parole. Il tombe de nulle part, manque de vraisemblance et n’a vraiment aucun intérêt. À nouveau, l’intention de l’auteure est trop évidente. Et à ce point du récit, on s’en fiche comme de sa première couche-culotte.

Mais le pire est peut-être dans l’accumulation de coquilles dans le texte. La relecture, on le sait, devient apparemment un luxe que les éditeurs n’estiment plus pouvoir se payer en ces temps de crise. De là à publier des livres à ce point alourdis d’erreurs… Petit florilège : « pour la troisième [fois] ce matin » (il manque « fois », 121) ; « a pu tenté » (140) ; « Teb sa cale » (au lieu de « se », 147) ; « dimanches matins » (au lieu de « matin », 150) ; « il m’a laissé parler » (au lieu de « laissée », 151) ; « il a bu un coup et fumer » (157) ; « sa femme s’est faite interviewer » (au lieu de « fait », 168) ; « pour s’occuper son fils » (« de son fils », 184). Et mon préféré : « J’y ai déjà survécue » (294), un simple accord de participe passé avec « avoir », sans piège.

L’extrait : « Ce que les gens comme eux ne saisissent pas, c’est à quel point il est difficile d’assister à ce genre de scène pour des personnes comme moi. Pour des personnes qui n’ont pas ce qu’ils ont. Par exemple, Joshua et moi, nous sommes allés au drive nous chercher à manger. Je regardais par la vitre et j’ai vu une maman dans la voiture d’à côté. Assise au volant, elle regardait devant elle mais son bras était tendu vers la banquette arrière et elle tenait la main d’une petite fille sanglée dans son siège auto. C’était si simple et beau. Elle ne pouvait pas se douter qu’elle me brisait le cœur. Dans la ville, on sent le rythme des enfants. Les éclats de voix et les rires tôt le matin, les petits corps rassemblés, qui courent à travers les jets d’eau dans les jardins loin de la rue, qui se disputent à la balançoire sur l’aire de jeux. Puis, l’accalmie à midi, quand ils rentrent chez eux, se lavent les mains, déjeunent, et dorment comme des bienheureux, ronflant légèrement la bouche ouverte, avant de se réveiller à nouveau quelques heures plus tard pour repartir de plus belle. »

La Mère parfaite
Écrit par
Aimee Molloy
Édité par Les Escales

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