
La salsa du démon (Crypt of the NecroDancer)
Boogie Nights
Lancée en juillet 2014 en early access sur Steam, Crypt of the NecroDancer est la nouvelle pépite indé de ce printemps 2015. Développé par Brace Yourself Games et édité par Klei Entertainment (Mark of the Ninja, Don’t Starve), ce petit rogue-like propose un curieux mélange de jeu de rythme et de RPG. Risqué et couillu sur le papier, le jeu rafraîchit la scène indé avec un dédain insolent, sous les lumières lugubres du dancefloor.
Le principe est simple: vous dirigez la petite Cadence, à la recherche de son papa aventurier qui s’est un peu trop aventuré dans une crypte maudite et qui n’en est pas revenu. Cadence va donc partir à sa recherche et descendre les étages pour trouver une trace de son paternel et vaincre la malédiction de la famille. Le principe est on ne peut plus simple: vous enchaînez les niveaux en récoltant or et diamants qui serviront à acheter soit des équipements sur votre partie actuelle (avec votre or), soit débloquer des équipements permanents ou des améliorations comme un réceptacle de cœur supplémentaire (avec les diamants). Évidemment, comme chaque saleté de rogue-like qui se respecte, une mort signifie la remise à zéro de votre équipement, en conservant toutefois vos diamants durement acquis. Tout cela paraît simple, mais le coeur du gameplay réside dans la musique du jeu. Toutes les actions de votre personnage s’effectuent uniquement avec les touches directionnelles, et le but du jeu est d’avancer et de frapper les ennemis en se basant sur le tempo de la musique.
En effet, Cadence s’est faite ensorceler par un démon: elle ne peut qu’avancer, frapper, creuser ou faire n’importe quelle action seulement en suivant le rythme du morceau, le tout dans quatre directions seulement, suivant le quadrillage du niveau. Plus on avance dans le jeu, plus le rythme devient rapide, et il devient difficile d’anticiper les mouvements des ennemis. La persévérance ou l’agilité ne serviront à rien ici, mais plutôt votre capacité à anticiper les mouvements des ennemis et trouver le bon emplacement pour frapper là où ça fait mal. Il faudra prévoir les attaques et les déplacements adverses en fonction du tempo et des patterns des ennemis. Par exemple, la zone 2 propose des squelettes qui se déplacent avec un bouclier tous les deux temps, et s’avançant sur vous pour attaquer. Il faudra alors se déplacer intelligemment pour se placer sur le côté du squelette avant qu’il se déplace sur vous et pouvoir l’attaquer en tapant dans la direction de l’ennemi. Tout ça paraît complexe sur le papier, les premières fois sont difficiles, mais on prend vite le pli et au fur et à mesure qu’on comprend le pattern des monstres, le jeu s’apprivoise et les vies perdues deviennent surtout des erreurs d’inattentions. On se surprend à jouer avec les ennemis pour les surprendre et enchaîner les kills en tapant du pied au rythme de la musique. Plein de bonus à la con sont disposés dans le niveau, histoire de pimenter un peu les choses, comme des boutons qui accélèrent ou ralentissent le tempo, quelques pièges bien vicelards (saletés de haies-mordeuses) et autres saloperies. Fort heureusement, ne pas suivre le tempo ne sera pas synonyme d’échec mais vous perdrez votre précieux multiplicateur de pièces durement acquis.
Dancer in the Dark
L’intérêt du jeu est d’explorer au maximum les zones, d’apprendre les patterns des ennemis et d’arriver au boss de la zone pour débloquer la suivante. Heureusement, le jeu sauvegarde votre progression et vous pourrez repartir directement à la zone fraîchement débloquée sans passer par les précédentes, même si un mode de jeu bien ardu demande au joueur d’enchaîner tout le jeu en une traite. Outre les achats et déblocages d’équipements, le retour au lobby permettra également de s’entraîner contre les ennemis et les boss (après avoir libéré les maîtres des lieux pendant le jeu, emprisonnés dans des cages), fort utile lorsqu’on galère sur l’élimination d’un mob qui nous envoie ad patres en trois mouvements. On pourra aussi changer de personnage, à débloquer en finissant les zones, ce qui ajoute ou enlève du challenge, suivant votre choix. Le barde peut se déplacer sans se préoccuper du tempo de la musique, ce qui correspond à un mode facile, mais les vrais velus utiliseront la grand-mère de Cadence, Aria, qui meurt à une simple erreur de tempo de votre part. Radical. Le jeu est en plus personnalisable à votre bon vouloir: libre à vous de brancher votre tapis de danse DDR qui traîne au fond de placard ou, mieux, de sélectionner vos propres morceaux MP3, à remplacer dans les niveaux que vous voulez. Le jeu se charge d’analyser la musique pour créer le tempo qui va avec. Autant dire qu’il faut bien choisir sa musique, mais traverser un niveau rempli de squelettes au rythme d’un Cindy Lauper vaut tout l’or du monde.
Crypt of the NecroDancer surprend par sa lisibilité sans faille et son principe complètement casse-gueule. Mais contre toute attente, les développeurs réussissent leur pari avec brio. Il faut dire que la bande-son est absolument éclatante, composée par Danny Baranowsky, déjà compositeur sur Super Meat Boy, Canabalt ou autre Binding of Isaac. Le Bandcamp de l’auteur propose l’OST complète du jeu, rien que ça, ainsi que les arrangements rocks présents aussi dans le jeu. Évidemment, la possibilité de personnaliser les morceaux est bienvenue, mais les musiques originales sont tellement excellentes qu’on se laisser porter avec délice. Attention toutefois, j’ai eu des retours de gens qui ont beaucoup de mal avec le jeu, l’appréhension du titre va surtout dépendre de votre capacité à garder un rythme en tête tout en analysant la situation en même temps. Le temps d’adaptation va dépendre des personnes, et peut aller du dégoût total au respect absolu. Mais le titre ne manque pas de charme: le style pixel art fait des merveilles et les mobs sont superbes, surtout les boss de chaque zone, vrais petits délires qui peuvent vite vous dézinguer si vous ne jouez pas avec prudence.
Crypt of the NecroDancer est un vrai bon jeu et une excellente surprise. Bien pensé, sans aucun bug à noter, même le concept du rogue-like fonctionne à merveille en proposant des niveaux très différents avec une multitude d’objets à débloquer. Le jeu est varié, fun, et le concept du titre basé sur la musique est porté à bout de bras et vous laissera des souvenirs indélébiles, mention spéciale à la dernière zone qui met clairement les bouchées doubles et représente un petit challenge pour les joueurs les plus persévérants. Nanti d’un concept fort et superbement exécuté, Crypt of the NecroDancer n’a pas à rougir de ses confrères et rejoint sans problème le panthéon des meilleurs jeux indé de l’année.
Crypt of the Necrodancer
Développeur: Brace Yourself Games
Éditeur: Klei Entertainment
Prix: 15 euros
Crypt of the Necrodancer – Trailer de lancement par Gamekult