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La séance du père Sheppard : DERSOU OUZALA, d’Akira Kurosawa (1975) PART II

La séance du père Sheppard : DERSOU OUZALA, d’Akira Kurosawa (1975) PART II

Previously on the Séance of the Père Sheppard:
Mr President, we’ve got a situation! (…) We have to evacuate the building! (…) Everybody, go, go go! (…) Hahahahaha, we meet again! (…) You?!!… But that’s impossible!
… Et pendant ce temps-là, une maman et son rejeton retournent vers leur siège pour assister à la seconde partie de Dersou Ouzala (bon sang quel cliffganger de ouf malade !).

Bon, je vous ai laissé une quinzaine pour que vous puissiez voir le film. Nous allons donc pouvoir attaquer la deuxième partie de cette séance en toute quiétude. Si vous voulez bien ouvrir votre livre au chapitre 17, page 115…

 Cette seconde partie représente en quelque sorte la « renaissance » du réalisateur Kurosawa. L’auteur laisse éclater une palette de couleurs impressionnantes qui s’oppose totalement avec la quasi monochromie du 1er acte. Mais c’est aussi le moment où Dersou va commencer à perdre le contrôle de son univers. Kurosawa parsème son récit d’éléments négatif comme la vieillesse ou le progrès qui vient ronger la forêt. La mort aussi, qui rôde toujours, mais cette fois-ci sous les traits quasi mystiques du tigre Amba. Là aussi, certains éléments font directement écho avec la vie de l’auteur qui comme son personnage commençait à avoir de sérieux problèmes de vue. Et pourtant, le film reste picturalement étincelant. Cette opposition montre à quel point Dersou Ouzala est véritablement un film sur la mort, sur la peur qu’elle inspire mais aussi sur l’acceptation qu’il faut en faire, comme étant partie prenante de toute vie. C’est le chemin que va parcourir le chasseur, et c’est aussi d’une certaine manière celui que va parcourir Arseniev.

En faisant de l’apprentissage de la mort le thème sous-jacent de son film, Kurosawa signe probablement l’une des plus belles odes à la vie de l’histoire du cinéma. Mais il signe aussi l’un de ses films les plus personnels, abordant des thèmes qu’il ne retrouvera que vers la fin de sa carrière. Dersou Ouzala est aussi un film qui va aussi marquer le début d’une ère de collaborations avec des producteurs étrangers dont Georges Lucas, Francis Ford Coppola et Steven Spielberg. Une ère qui mettra non seulement l’auteur à l’abri du besoin, mais qui donnera naissance à 3 films parmi les plus importants de sa carrière, Kagemusha, Ran et Rêves.


Comme presque toutes les œuvres véritablement charnière de la carrière d’un artiste, Dersou Ouzala reste un peu ignoré de la filmographie de son auteur. On ne lui accorde pas les mêmes honneurs que d’autres de ses films pourtant, à mon humble avis, moins réussis. En ce qui me concerne, Dersou Ouzala fera à tout jamais parti de ma vie de cinéphile. C’est le premier film qui m’a fait pleurer. C’est le premier film qui, à 6 ans, m’a fait découvrir tout un tas de sentiments et d’impressions dont j’ignorais l’existence. Certaines images sont restées gravées en moi pendant plus de 20 ans, jusqu’à ce que je le revois enfin.

C’est la raison pour laquelle je voudrais dédier cette séance à ma maman, d’abord, même si elle n’avait foutrement aucune idée de ce à quoi elle s’engageait en entrant dans la salle. Par extension, je dédie aussi cette séance à tous ceux et celles qui, en connaissance de cause ou totalement par hasard, font découvrir des œuvres à d’autres personnes dont le fond culturel ou l’âge ne semblent pas correspondre avec les thèmes véhiculés par ces œuvres. On ne sait jamais jusqu’à quel point ces personnes seront marquées par cette découverte et ceux qui doutent encore que l’art puisse changer la vie de quelqu’un, n’ont manifestement jamais vécu une telle expérience.

Cette séance a été écrite en compagnie de Christian Fennesz et de Ryuichi Sakamoto, avec leurs magnifiques collaborations sur les albums Cendre et Flumina.

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