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La série bouscule-t-elle les stéréotypes ? Une étude de cas sur la femme-flic (en direct de Séries Mania)

La série bouscule-t-elle les stéréotypes ? Une étude de cas sur la femme-flic (en direct de Séries Mania)

« la série bouscule-t-elle les stéréotypes ? » conférence de Mathieu Arbogast et Carole Desbarat

engrenages-tt-width-604-height-433-bgcolor-000000Cette conférence portant sur le personnage de flic comme porteuse de stéréotypes genrés dans les séries télévisées était, plus qu’un dialogue, la succession du point des deux intervenants, Mathieu Arbogast et Carole Desbarat. On peut donc d’emblé noter que cette présentation dichotomique était quelque peu regrettable, bien que chacun ait eu ainsi l’occasion d’exposer sa propre perspective. Cette conférence était donc sous le signe du clivage : d’un côté les extraits, de l’autre les références littéraires ; d’un côté le point de vue sémiologique, de l’autre l’analyse historienne.

Mathieu Arbogast — quels stéréotypes ?

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Le point de départ de Mathieu Arbogast était un article de Pierre Langlais, où ce dernier constatait que malgré certaines transgressions, la femme-flic restait davantage femme que flic. En citant des séries comme Cagney & Lacey, Chapeau melon et bottes de cuir ou Police Woman, puis Braquo ou New York 911 pour les plus récentes, Mathieu Arbogast s’est alors interrogé sur les stéréotypes associés au personnage du policier au féminin. Il note alors une féminité souvent exacerbée, une incompatibilité soulignée entre vie privée et vie professionnelle, et surtout une sensibilité prenant toujours le dessus sur l’exercice du métier : pensons à Lily Rush de Cold Case, qui certes n’hésite pas à tuer celui qui la menace, mais qui ensuite à besoin d’être consolée… C’est par le concept de « male gaze« , empruntée à la théoricienne Laura Mulvey[1], que l’on peut, nous dit-il, mieux comprendre comment et pourquoi la femme est représentée à la télévision, quel que soit son rôle : car elle reste toujours vu par les hommes.

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L’aspect le plus critiquable de sa démonstration réside semble-t-il dans l’hypothèse que le personnage de femme-flic aurait deux fonctions : celle de répondre à une demande de parité du public, et celle de renouveler les formes narratives du polar déjà largement épuisée. Mais vraiment, c’est seulement pour ça que les femmes-flics sont-là ?

La conclusion de son intervention sera la même que celle d’Iris Brey donnée la veille : il faut que davantage de femmes soient à l’écriture et à la production, pour que de véritables mutations dans ces représentations opèrent, et pour que davantage de transgressions aient lieu.

Carole Desbarat — quel féminisme pour les personnages de femme-flic ?

tk3-ep311-312-next-on-no-logo-590x250L’intervention de Carole Desbarat est en contraste avec la précédente, certes parce que le point de vue féminin succède au point de vue masculin (ce qui dans le contexte d’une telle conférence mérite tout de même d’être souligné), mais aussi parce que la question qu’elle pose fait finalement suite à la précédente : comment les séries télévisées, grâce aux personnages de femmes-flics, déconstruisent les stéréotypes d’une féminité enfermée dans le patriarcat?

À l’appui de nombreuses références théoriques, du XVIIe au XXe siècle (Roland Barthes, Guy Debord, Georges Vigarello, mais aussi Margaret Fuller et François Poulain de la Barre[2]), Carole Desbarat s’est demandé ce que l’évolution des personnages de femme-flic, et les transgressions de plus en plus nombreuses que l’on peut observer, font au féminisme et à la condition des femmes. Elle parle alors d’Engrenages, qui ose montrer le sang des menstruations à l’écran, de The Fall où le personnage de Stella Gisbon (Gillian Anderson) fait son métier sans talon aiguille et sans réussir chaque mission, ou encore de Sarah Lünd dans The Killing, qui porte la même tenue d’épisode en épisode. À chaque fois, on observe que les transgressions vis-à-vis des stéréotypes soulevés par Mathieu Arbogast sont nombreuses, et que ces séries sont susceptibles de changer la condition féminine.

La conclusion de cette conférence sera celle d’une citation de François Giroux, et qui mettra sans doute tout le monde d’accord : l’égalité des sexes sera atteinte le jour où une femme incompétente se verra confiée un poste de haute responsabilité.

[1] Laura Mulvey élabore le concept de « male gaze », qu’elle associe à la notion feudienne de pulsion scopique, dans son ouvrage Visual Pleasure and Narrative Cinema (1975).

[2] Margaret Fuller, Des femmes en Amérique (1845) ; Georges Vigarello, Histoire de la beauté, le corps et l’art d’embellir (2014) ; François Poulain de la Barre, De l’égalité des sexes (1673).

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