
« La Théorie de la tartine » : roman d’Internet
L’histoire : Nous sommes en 2006. La bulle Internet a explosé, mais il reste encore des territoires à conquérir, des modes de communication et de travail à inventer sur le Net. Christophe cherche à faire un site d’information payant, et tombe sur Marianne, une jeune femme dont la vidéo de sexe est tombée sur YouPorn, mise en ligne par un ex mécontent. Ils demandent de l’aide à Paul, un adolescent qui passe son temps derrière l’écran, pour retirer le film du site. Et là…
Mon avis : La Théorie de la Tartine, c’est cette loi qui veut que la tartine beurrée tombera toujours du côté du beurre. Et donc que, comme la Loi de Murphy, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. « Tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera forcément mal ». Et donc, voilà trois individus qui se retrouvent liés par Internet, deviennent amis, vivent ensemble cette dernière décennie du web.
Si l’histoire en elle-même est très sympathique, il s’agit avant tout d’un roman générationnel. Un flash sur ce début de siècle, avec les espoirs et les déceptions liées au Web. Les trois personnages principaux forment un triptyque d’un être à différent âges de sa vie (19, 25 et 30 ans) qui se posent la question de l’usage d’Internet et qui croit en sa magie. Paul l’exécute, vit par le Web, Christophe pense que l’information citoyenne passe par ce canal, Marianne est une thésarde et l’étudie. Par leurs intéractions, entre eux et avec leurs proches, Titiou Lecoq ne fait pas seulement un roman drôle et léger, mais questionne aussi la place de l’individu aujourd’hui, ses espérances, son futur et le rôle de la famille.
Au milieu du roman, on se retrouve neuf ans plus tard. Les personnages n’ont pas tellement changés, certains ont des enfants… Tous passent encore leurs temps à croire au web. Et pourtant, l’état s’en mêle, les sites d’informations pullulent et courent après le lecteur… Titiou Lecoq pose un bilan, temporaire, de cette démocratisation du web. En cela, La Théorie de la Tartine est bien un roman-fenêtre sur notre monde.
Témoignage poétique d’une espérance qu’a su donner Internet, et de ses corollaires, il en reste un roman aussi juste très agréable à lire. C’est le témoignage d’une époque, c’est un roman qui parlera peut-être plus à ceux qui l’ont vécue. Et qui restera un roman nostalgique de quand on pensait que tout pouvait se faire.
Si vous aimez : les margaritas et les bonbons Haribo acidulés.
Autour du livre : Titiou Lecoq est née en 1980, et est journaliste indépendante pour le site Slate.fr, ainsi que pour son site « Girls and geeks ». Son roman n’est donc pas très éloigné (du tout) de la réalité qu’elle a vécue.
Extrait : « Il replia le canapé-lit, remit la housse en velours marron maculée de tâches irrécupérables et s’installa avec son ordi, pendant que Marianne faisait manger Lucas dans la cuisine. Il sourit un peu en pensant à la galère qu’elle allait vivre à tenter de convaincre son fils de s’alimenter d’autre chose que de gâteaux.
Il avait reçu un nouveau, énième mail de Louis qui lui ordonnait, dans des termes qui ne laissaient plus de place au louvoiement, de publier maintenant son article sur youporn, parce que le site était de nouveau en ligne.
Christophe alla tout de suite vérifier. YouPorn fonctionnait effectivement et la vidéo de Marianne était accessible. Quand il vit l’image de présentation de la vidéo – les fesses de Marianne prise en levrette – il se sentit à la fois dégoûté et fasciné. Il savait que désormais, il était incapable de la regarder.
Il ne savait pas s’il devait prévenir Marianne tout de suite.
Il ne savait pas quoi répondre à Louis.
Il ne savait même plus dans quel ordre s’occuper de ses problèmes.
Il contacta Paul sur IRC pour lui dire que le site était réparé. »
Sortie : le 26 mars, éditions Au Diable Vauvert, 440 pages, 22 €.
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