
L’adolescence est une chrysalide (Life is Strange – Chrysalis)
Voici donc Life is Strange, le second jeu du petit studio français, DONTNOD Entertainment, qui avait fortement attiré mon attention avec Remember Me (dont je parle ici). Ce dernier avait reçu un accueil mitigé de la critique, mais il possédait des qualités indéniables dont la profondeur de son univers (hélas sous-exploité), un scénario original et un graphisme magnifique. On pouvait donc fonder de beaux espoirs sur leur prochain projet, et j’attendais pour ma part avec impatience ce Life is Strange. D’autant plus que le jeu avait su séduire l’éditeur SQUARE ENIX, dont le soutien n’a pas été de trop pour le studio, qui début 2014, rencontrait les plus grandes difficultés financières.
Life is Strange, c’est quoi ?
Life is Strange est, comme les jeux de TELLTALE GAMES dont je suis un fan inconditionnel, un jeu d’aventure découpé en plusieurs épisodes. Chrysalis, son premier épisode va nous permettre de faire connaissance avec l’héroïne de cette série, Maxine Caufield dite Max, une jeune adolescente âgée de 18 ans, sensible, passionnée, artiste et introvertie, qui vit avec émotion ses premiers pas dans une vie « d’adulte » loin de sa famille, alors qu’elle vient d’intégrer l’école de ses rêves.
Il y a cinq ans, Max a laissé derrière elle sa petite ville natale d’Arcadia Bay et Chloé, sa meilleure et très proche amie, pour partir s’installer avec sa famille à Seattle. Elle revient aujourd’hui dans la ville de son enfance pour étudier à la photographie au sein de la prestigieuse académie Blackwell. Nos premiers pas avec Maxine nous permettent de découvrir qu’elle essaye de s’acclimater à cette nouvelle existence avec plus ou moins d’aisance, car elle est timide et peu sûre d’elle, comme beaucoup d’adolescentes.
Mais sa vie va être profondément bouleversée, lorsque, assistant à un meurtre, elle découvre qu’elle possède l’étonnant pouvoir de remonter dans le temps ! Et le reste, c’est à vous de le découvrir…
Ce qui en fait un jeu particulier :
Je ne m’attarderai guère sur l’aspect technique du jeu, car j’avoue que ce n’est pas mon principal intérêt, surtout pour ce type de jeu, et que certaines personnes le font mieux que moi. On a reproché au jeu d’avoir une animation un peu faible et des expressions faciales pas très réussies ; ça ne m’a pas spécialement choqué. Par contre, graphiquement, les designers ont porté leurs efforts sur la palette de couleurs et les lumières, et la photo est donc magnifique. C’est logique puisque la photographie est au centre du jeu et de l’histoire et perso, j’ai trouvé ça très réussi et très à propos. Moi qui m’inquiétais du départ d’Aleksi Briclot, dont j’adore le travail, j’ai trouvé ça finalement différent – très différent même – mais très agréable.
Mais je vais surtout me focaliser sur la façon dont Life is Strange raconte son histoire car c’est ce que j’ai le plus aimé dans le jeu.
Life is Strange, c’est comme un jeu sur lequel se seraient posées les petites fées du cinéma indépendant américain dont il s’inspire fortement, et brillamment. On y retrouve les composantes d’un teenage movie assez classique : des adolescents en plein tumulte émotionnel, des personnalités qui se construisent parfois dramatiquement, des relations complexes et souvent violentes, et au milieu de toute une palette de personnages – certains très classiques comme le sportif orgueilleux, le richard dominateur, le garçon sensible violenté, … et d’autres qui sauront nous surprendre – une héroïne à la sensibilité exacerbée, douce et artiste.
Car dans Life is Strange, le joueur partage les aventures, mais aussi les pensées et les émois de Maxine. D’abord à travers les choix qu’il fait avec elle bien sûr, et surtout grâce à une voix off (absolument magnifique en anglais) très présente et au très beau journal intime de la jeune fille qui s’écrit au fur et à mesure de l’histoire.
Du coup, le jeu ne se résume pas à un scénario, il nous parle de sentiments, de regrets, de peines et de joies, et de photo aussi (et on sent que les auteurs connaissent bien cet art, ou se sont solidement documentés). Au final, on se retrouve à plonger dans la psyché de cette jeune fille, à partager avec elle ses interrogations et ses dilemmes, et c’est très réussi.
La mise en scène vient parfaire cette immersion, avec une fois encore une forte inspiration cinématographique qui se traduit dans des petits détails qui peuvent sembler insignifiants, mais qui donne au jeu une cohérence dans sa façon de dérouler son récit. Par exemple, lorsqu’au début du jeu, Max quitte la salle de cours pour arriver dans le couloir, nous sommes plongés avec elle dans un brouhaha fort désagréable, qui s’atténue lorsque Max met son casque sur ses oreilles avec une impression de soulagement, puis cède la place à la musique du générique qui démarre lorsqu’elle appuie sur Play. C’est juste superbe !
Puisqu’on parle de musique, la bande son est très agréable et elle aussi très teintée de cette touche indé omniprésente dans Life is Strange. C’est plutôt doux et folk, et cela s’accorde à merveille avec le récit.
Mais me direz-vous, et l’histoire fantastique ? Et le scénario tout ça ? Et bien pour le moment, c’est une question qui va rester un peu en suspens. Ce premier épisode introduit la découverte de son pouvoir par Maxine et pose des premiers jalons, ne révélant les enjeux de l’histoire que dans sa scène finale. Il nous amène également à faire de nombreux choix dont les conséquences ne nous seront connues que dans le ou les prochains épisodes, affichant un narquois « ce choix aura des conséquences dans le futur » sur des gestes parfois aussi anodins que d’ouvrir une fenêtre pour sauver un oiseau. Du coup, je me prends à espérer qu’ils sauront vraiment utiliser intelligemment toutes ces petites accroches et suis impatient de savoir quelles conséquences auront tous mes choix que résume une dernière page en fin de partie !
Finalement, pour moi, plus qu’un jeu d’aventure, ce Chrysalis (nom du premier épisode de Life is Strange) est un récit, une histoire de métamorphose : celle du passage à l’âge adulte, alors qu’on laisse derrière nous une part de notre enfance, et celle de Max en une héroïne dotée d’un étrange pouvoir sur le temps. C’est un récit intimiste et touchant, parce qu’il évoque des choses aussi simples et personnelles que les choix et les erreurs de notre jeunesse, les regrets, les amitiés perdues et celles retrouvées. C’est sans doute le jeu le plus intime que j’ai fait avec Gone Home, que j’avais déjà adoré.
Alors vivement mars pour la suite !
Pour la critique, plus technique et objective de Florian, c’est ici
Pour la critique de la BO par l’expert musical, Herr Professor, c’est ici
Life is Strange: Episode 1 (Chrysalis)
Développeur: Dontnod Entertainment
Editeur: Square-Enix
Classification: 16 ans ou plus
Prix épisode 1: 5 euros
Pack complet (5 épisodes): 20 euros