
Le Bal des remakes (épisode 3/15) : Le Convoi de la peur, Le Jour où la Terre s’arrêta, Flash Gordon
Chaque jour du 28 août au 18 septembre (sauf les week-ends… enfin bon sauf aujourd’hui, hem…), un rédacteur du Daily Mars revient rapido sur un remake qu’il a particulièrement apprécié et un autre remake de sinistre mémoire. En bonus : le remake qu’on aimerait voir produit, parce que l’original était fort sympathique mais pas forcément irréprochable. Précision : en gros escrocs que nous sommes, nous avons toléré une petite dose de flou artistique par rapport à la notion même de remake, tout en tâchant de garder une cohérence générale. Au programme du jour (ouais ça devait être hier, je suis à la bourre, je sais !) : Le Convoi de la peur, Le Jour où la Terre s’arrêta et Flash Gordon.
LE REMAKE DU BIEN : Le Convoi de la peur, de William Friedkin (1977) *
Amoureux transi du cinéma de Clouzot, William Friedkin avait demandé lui-même à son idole, rencontrée à Paris le soir de la sortie française de L’Exorciste, l’autorisation de remaker Le Salaire de la peur. Auréolé des triomphes de French Connection et de L’Exorciste, Friedkin attaque la préproduction du Convoi de la peur (Sorcerer en V.O) en 1975, sur la base d’un scénario signé Walon Green (La Horde Sauvage) d’après le même roman de Georges Arnaud qui avait inspiré le classique de Clouzot. Le cinéaste contacta d’abord Steve McQueen pour le rôle principal. Ce dernier refusera la proposition, de peur de laisser trop longtemps seule sa chérie Ali Mcgraw pendant le tournage en République Dominicaine. Friedkin se rabat alors sur Roy Scheider, qu’il avait déjà dirigé dans French Connection et qui venait de connaître un gros succès avec Jaws….
Débuté dans un climat d’hostilité réciproque entre Friedkin et les patrons du studio Paramount, Sorcerer (titre à plusieurs sens, inspiré d’un morceau de Miles Davis) était au départ pensé comme un petit budget (2,5 millions de dollars), prélude à un gros projet de Friedkin sur Le Triangle des Bermudes. Mais en cours de route, Billy père une durite et veut faire de Sorcerer son Apocalypse Now à lui. Tourné entre Israel, la France, le New Jersey et la République Dominicaine, le film cumulera plusieurs galères de production liées au tournage en pleine jungle, sur fond de crise de nerfs permanente du réalisateur en plein délire d’auteur. L’enveloppe explosera à plus de 22 millions de dollars de l’époque et lorsqu’il montre le film aux cadres de Paramount et Universal (qui a rejoint l’aventure entre temps), le résultat sera proprement haï par les pontes des deux studios.
Le Convoi de la peur, sorti quelques semaines après La Guerre des étoiles, sera pulvérisé par l’onde de choc du film de Lucas et retiré de l’affiche au bout d’une semaine. Pour Friedkin, qui avait mis toutes ses tripes dans cette odyssée il est vrai assez opaque au premier contact, l’humiliation sera dévastatrice. Trépané par la critique à sa sortie, ignoré par le public, Le Convoi de la peur est au réalisateur ce qu’un The Thing sera, sept ans plus tard, à John Carpenter : un coup d’arrêt brutal et sans retour à une carrière en pleine ascension. Surtout, ce naufrage dispendieux contribuera à l’affaiblissement du pouvoir (relatif) des « auteurs » au sein des grands studios, tendance scellée trois ans plus tard par le flop encore plus cataclysmique de La Porte du Paradis, de Michael Cimino. Friedkin oubliera cet abyssal échec dans les bras de Jeanne Moreau, qu’il épousa à Paris en février 1978. Mais comme le cinéma n’a jamais dit son dernier mot, Le Convoi de la peur, au fil des ans, gagna peu à peu ses galons de classique maudit auprès de nouvelles générations de spectateurs.
Arrivé patiemment à maturité dans les consciences et au terme d’une longue et complexe bataille de droits, l’honneur du film vient enfin d’être lavé avec une projection en copie restaurée, avant-hier, à la dernière Mostra de Venise. Le jour même des 78 ans de William Friedkin, qui a insisté personnellement auprès des organisateurs pour que seul ce titre-là de sa filmo soit montré au public et aucun autre. Trente six ans plus tard, on sent la blessure toujours vive chez le cinéaste et le besoin de revanche plus ardent que jamais de Friedkin pour cette oeuvre impénétrable et fascinante, la préférée de son auteur. Une re-sortie du film en salles puis en blu-ray (chez Warner, qui a financé la restauration), dans un montage plus long, sont attendues pour octobre. William Friedkin a reçu dans la foulée un Lion d’Or pour sa carrière : un retour de flamme émouvant au regard de l’ignorance cruelle dans laquelle fut maintenu ce franc-tireur précieux et attachant depuis tant d’années. Quant au Convoi de la peur, magnifique cauchemar éveillé, hanté par la partition surnaturelle de Tangerine Dream, on n’en peut plus d’attendre sa redécouverte dans un écrin enfin à la hauteur de son génie.
LE REMAKE DU MAL : Le Jour où la Terre s’arrêta, de Scott Derrickson (2008)
Ho je sais très bien ce que vous pensez : je vous ai assez bassiné comme ça avec ma tartine sur Le Convoi de la peur, il est temps que ça cesse ! Je suis bien d’accord avec vous mais cette mini série d’articles sur les remakes me donnant l’occasion de vomir ma bile sur l’un des pires gaspillages d’argent de ma vie, je ne vais pas me priver, garçon ! Et je ferai vite, parce que l’étron de Scott Derrickson n’en mérite vraiment pas davantage. Quinze dollars, que j’ai payé, bordel, pour m’infliger cette sous-bouse en Imax dans un cinoche de Manhattan ! Quinze dollars, que j’ai lâché inconsciemment, espérant retrouver un brin du frisson de jeunesse qui m’avait chatouillé l’échine devant l’original des fifties ! Bernique ! D’une lenteur apathique insupportable, sans la moindre espèce de suspense, truffé de placement de produit gonflant et, surtout, plombé par l’interprétation légumineuse de Keanu Reeves, Le Jour où la Terre s’arrêta n’est qu’un triste navet aux promesses d’apocalypse vites piétinées. Même pas assez nul pour en rire de bon coeur. Allez, suivant !
LE REMAKE DU POURQUOI PAS : Flash Gordon, de Mike Hodges (1980)
J’avais environ neuf ans lors de la sortie de l’incroyable nanar flashy de Mike Hodges. Coup de foudre total pour chaque parcelle du film : son générique (Queen, Flash-aahaaa… toussa…), ses costards rococo, son Sam Jones bovin, son Max Von Sidow en Ming de carnaval, ses effets spéciaux tout pourris aux transparences de compétition, son bestiaire invraisemblable, ses dialogues inoubliables (“Non ! Pas les vers perforants !…”), son Ornella Muti de feu… tout quoi !
Il faut voir ce film absolument avant ses 10 ans, obligé, pour en conserver un souvenir ému et lui vouer une bienveillance éternelle pour la farandole de visions bariolées qu’il vous incruste à jamais dans le cortex. Volontairement ou pas, Mike Hodges et son équipe technique de bracass’ ont rendu quelque part un hommage vibrant à l’esprit pulp/serial avec ce réjouissant festival de carton pâte et kitscherie. Tel quel, ne nous aveuglons pas : le film est effroyablement ringard et n’a en tout cas certainement pas épuisé le concept. Un Flash Gordon moderne et gorgé des technologies actuelles, engagé dans la bonne direction artistique et a priori plutôt dans la comédie, pourrait certainement me donner envie de retomber en enfance. Mais y aura pas Freddie Mercury au générique, aïe….
* La plupart des informations concernant la production et la sortie du Convoi de la peur ont été piochées dans le livre Le Nouvel Hollywood, de Peter Biskind (Le cherche midi).
Il faut avoir lu la BD d’Alex Raymond pour se rendre compte combien le Flash Gordon de Hodges est une immonde purge, un truc où tout le sens de l’aventure ultime est systématiquement détourné au profit d’un côté kitch dégueulasse et hors sujet, proprement insultant pour les fans de la BD dont je fais parti.
Si je peux me permettre une analogie, tu prends la déception que tu as eu pour Iron Man 3, tu la multiplie par 234131121 et tu t’approches de la catastrophe que j’ai vécu en ce jour maudit de 1980, du haut de mes 10 ans.
Plus que jamais, Flash Gordon mérite un remake qui soit à la hauteur de l’ambition d’Alex Raymond et qui efface de la surface de la terre cette pourriture insoutenable pour les yeux et les oreilles.
Très belle tartine sur Le Convoi de la peur!
J’ai lu quelque part que Friedkin a beaucoup regretté de n’avoir pas écrit de rôle pour Ali McGraw, ce qui était la condition de McQueen pour accepter de tourner en restant auprès de sa meuf. Friedkin lui aurait répondu « désolé c’est impossible, c’est un film de mecs! » Et il l’a regretté parce que d’après lui un gros plan du visage de McQueen valait tous les paysages du monde.
Du coup après le défection de McQueen, tous les autres acteurs prévus ont lâché l’affaire. Notamment Lino Ventura, qui a été remplacé par Bruno Cremer.
Avec les stars envisagées au départ, le film aurait peut-être été un succès. Mais c’est son côté « film malade » qui en fait tout le charme aujourd’hui.
Hâte de le revoir en salles!
Il faudrait faire une serie d’articles sur ces realisateurs qui se sont fait bouffer par Star-Wars: Carpenter, Freikin, Milius, Cimino…
En voila deja 4 qui ont le droit d’avoir une dent contre Lucas/Speilberg et la bien-pensance d’hollywwod
La chute de Cimino n’a pas grand chose à voir avec le duo Lucas/Speilberg. Heaven’s Gate était déjà un échec avant même d’être sorti compte tenu des dépassements de budgets et des difficultés financières que traversaient déjà United Artists. D’autant que Cimino a ensuite réaliser Year of The Dragon qui fut aussi un flop mais principalement dû aux protestations de la population asiatique.
Mouais je pense quand même que le phénomène Star Wars a planté le décor pour les mentalités et les gpûts du public pour les années qui suivirent. Le rajeunissement du public en salles et l’envie de voir des films d’évasion étaient bien là au moment de la sortie de la Porte du paradis et ca n’a certainement pas aidé la carrière du film, qui était quand même à total contre courant de ce que le public avait envie de voir à ce moment là.
Bon après, dire que Spielberg et Lucas sont les fossoyeurs du « Nouvel Hollywood », je pense que c’est aussi erroné et caricatural que de prétendre l’exact opposé. La réalité est forcément bien plus complexe.