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Le Bal des Remakes (Episode 7/15): L’invasion des profanateurs, Body Snatchers, Dr. Mabuse

Le Bal des Remakes (Episode 7/15): L’invasion des profanateurs, Body Snatchers, Dr. Mabuse

Chaque jour, du 28 août au 18 septembre (sauf les week-ends), un rédacteur du Daily Mars revient rapido sur un remake qu’il a particulièrement apprécié et un autre remake de sinistre mémoire. En bonus : le remake qu’on aimerait voir produit, parce que l’original était fort sympathique mais pas forcément irréprochable. Précision : en gros escrocs que nous sommes, nous avons toléré une petite dose de flou artistique par rapport à la notion même de remake, tout en tâchant de garder une cohérence générale.

 

LE REMAKE DU BIEN : L’invasion des profanateurs, de Philip Kaufman (Invasion of the Body Snatchers, 1978)

Si l’on accepte que l’exercice du remake consiste à « mettre à jour » les éléments d’une histoire déjà connue, L’invasion des profanateurs de Philip Kaufman peut apparaître comme le parfait exemple du remake réussi. Car si le film de Don Siegel, sorti en 1956, offrait une image typique de l’Amérique de la fin des années cinquante, le remake de 1978 frappe tout d’abord par sa volonté de réalisme. C’est un film fantastique tourné comme un drame social, et c’est ce qui le rend encore plus terrifiant que son auguste prédécesseur.

La ville, les décors, les personnages, les dialogues, tout est fait pour plonger le spectateur dans un environnement ultra familier. Certaines scènes pourraient même faire penser à du Woody Allen et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Kaufman s’aide de l’un des grands spécialistes du cinéma urbain, le directeur photo Michael Chapman (Taxi Driver). Tous les deux vont faire sombrer cet univers normal dans l’horreur au fur et à mesure que la nuit s’approche. Là aussi, on reconnaît tout le talent de Chapman dans le traitement des scènes nocturnes.

C’est aussi toujours avec ce souci de réalisme que Kaufman fait appel au pianiste de jazz Denny Zeitlin pour composer la musique de son long-métrage. Zeitlin passera quatre semaines à travailler 20 heures par jour sur sa partition. Comme le film, la musique suit méticuleusement la lente et terrible progression des protagonistes d’un monde « normal » vers un monde de plus en plus dénué de sentiments, où la mélodie fait place au bruit.

Le bruit et finalement, le cri. Probablement l’un des plus tétanisants de l’histoire du cinéma et qui marque à jamais quiconque ayant vu le film de Kaufman. Ce cri d’alerte poussé par les profanateurs, devenu le véritable symbole sonore du remake glaçant de terreur de Philip Kaufman.

 

LE REMAKE DU MAL : Body Snatchers d’Abel Ferrara (1993)

Alors comment ? Comment après avoir produit la formidable version de 1978, Robert H. Solo (aucun lien de parenté avec un célèbre contrebandier intergalactique) a-t-il pu rater à ce point la « mise à jour » de 1993 ?

Car en guise de mise à jour, c’est carrément un retour en arrière que nous offre Abel Ferrara. Une sorte de pseudo film teenage sur fond de base militaire, dont la ringardise absolue confine au nanar invraisemblable dans les dernières minutes. Son point culminant étant cet incroyable combat tout mou entre l’héroïne et son frangin horriblement joufflu. Même le cri des profanateurs, pourtant si terrifiant dans la version de 1978, fait ici office de pâle imitation, voire de gag lorsqu’il est poussé par l’immonde bambin.

Depuis, le thème des profanateurs a fait l’objet de nombreux remakes plus ou moins avoué. Il semble que depuis Ferrara, plus on fait de variation, plus on sombre dans le super minable. En 2007, Oliver Hirschbiegel nous donnait une version maternelle avec Invasion. Une idée pas idiote mais dont le développement l’était tout à fait. Puis l’année d’après, Sean Ellis ajoutait la prétention arty-branchouille au pitoyable avec The Broken. Il ne manquait plus qu’une version comique, mais c’est apparemment fait avec The World’s End d’Edgar Wright.

Tout ça pour dire, cher lecteur, que s’il te vient à l’idée de faire un remake, évite de prendre le roman de Jack Finney. Déjà parce que celui-ci a déjà été adapté en long, en large et en travers, mais aussi parce qu’il semble que les deux premières versions soient tout bonnement indétrônables.

 

LE REMAKE DU POURQUOI PAS : Doctor Mabuse – Der Spieler & Inferno, de Fritz Lang (1922)

En ces temps où les grands manipulateurs envahissent les écrans (surtout les petits), il serait peut-être pas mal de remettre au goût du jour les aventures du premier maître de la manipulation au cinéma, père de tous les super vilains et dominateurs du monde en tout genre, j’ai nommé le maléfique Docteur Mabuse.

Compte tenu de la durée du film (4h30 pour la version de 1922, et pas loin de 8h au total, si l’on compte les suites de 1933 et de 1960), ce remake aurait sans doute plus sa place à la télévision. Bien sûr, il ne s’agit pas de refaire exactement la même chose, mais il paraît en revanche difficile de compresser l’histoire, sachant que Fritz Lang va déjà directement au principal et ce pour des raisons techniques évidentes. Au contraire, dès lors que l’on se met à imaginer ce qu’une version « dialoguée » pourrait apporter de plus au récit, on voit parfaitement comment cette dernière pourrait étoffer certaines arches narratives. Et pour le coup, l’adaptation en série devient flagrante.

Il faut aussi se rendre compte que Dr Mabuse a presque un siècle et que l’intérêt d’un tel remake réside principalement dans une version du personnage totalement adaptée à notre époque. Le piège le plus difficile à éviter étant celui de la référence à d’autres génies du mal. Mabuse ne doit pas apparaître comme une copie de Hannibal dans la série éponyme ou de Francis Underwood  dans House of Cards, puisqu’à bien des niveaux, il en est l’expression première. Il faudrait redonner au Herr Doktor toute son originalité en évitant de tomber dans les clichés qu’il a lui-même inspirés.

Difficile tâche que je préfèrerais ne jamais voir accomplie plutôt que d’assister à son massacre. Mais fait correctement, avec une volonté de réalisme et de modernisme, on a là potentiellement une sacrée putain de série.


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