FEFFS 2013, part 1

FEFFS 2013, part 1

Le FEFFS. Derrière ce doux acronyme se cache le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, sixième édition. Du 13 au 22 septembre, la métropole alsacienne – dont le quartier pittoresque, avec ses maisons à colombages et géraniums, ressemble étrangement aux coupe-gorges d’Hostel – découvre une quarantaine de films en provenance des quatre coins du monde.

We Are What We Are de Jim Mickle, le remake de Ne nous jugez pas du mexicain Jorge Michel Grau, a inauguré cette sixième édition. L’excellent Gilles Da Costa vous ayant déjà dit tout le bien qu’on pouvait en penser dans son compte-rendu du récent Etrange Festival, je ne m’attarderai pas davantage sur cette fable gastronomique à l’atmosphère prégnante et à la direction artistique irréprochable. Passons donc directement au plat de résistance : la compétition internationale.

For Those in Peril, de Paul Wright.

Des marins pêcheurs disparaissent en mer. Le petit village de la côte écossaise dont ils sont issus, bourgade austère où la ferveur religieuse dissimule bon nombre de croyances païennes, est frappé par le malheur. C’est Aaron, le frère de l’un des marins disparus, qui a le plus de mal à encaisser le choc. Fou de douleur, ivre de légendes, il se croit capable de plonger au cœur des abysses et, tel Jonas, sortir son frère du ventre d’une baleine qui n’existe que dans son imagination… ou pas ? L’auto persuasion progressive d’Aaron et l’hostilité des habitants qui lui reprochent de porter malheur constituent l’essentiel de For Those in Peril. Si le montage mélancolique parvient à nous arracher à la réalité et nous entrainer dans les tourments d’Aaron, le film a du mal à prendre le large. Lorsque, seul contre tous, Aaron tente finalement l’aventure, c’est en guise de conclusion, voire de twist. C’est un peu dommage, même si ce final justifie totalement la présence de For Those in Peril dans une compétition fantastique.

CAR INVASION

Annoncé comme un home invasion dans une voiture (avouez que c’est plutôt vendeur !) In Fear est un petit film anglais astucieux qui gère suffisamment bien son manque de moyens pour tenir le coup malgré ses incohérences et ses fausses pistes injustifiées. Mais bon sang que s’est-il passé dans ce fameux bar au tout début du film ? On s’en fout ? Ah ok. Admettons. Un couple dans voiture perdu dans une forêt, on a connu postulat plus original. Pourtant, il a beau ne pas se passer grand-chose durant une exposition qui prend vraiment tout son temps, le ciel bas, la lumière glaçante, l’humidité pénétrante installent un climat épais qui met bien mal à l’aise. Tout ça pour une histoire de hitcher sadique ? Eh oui, tout ça pour ça.

Uma História de Amor e Fúria, de Luiz Bolognesi

Reparti du dernier Festival d’animation d’Annecy avec le Grand Prix, Uma História de Amor e Fúria retrace l’histoire du Brésil à travers le destin d’un personnage immortel parti à la recherche des différentes réincarnations du grand amour de sa vie. Avec en guise de fil rouge la lutte contre les oppressions successives, des conquistadors d’hier aux marchands de vie de demain en passant par les dictateurs militaires d’il n’y a pas si longtemps. Le tout en animation, donc. Malgré sa brièveté, le film décourage de prime abord par sa manière de nous faire la lecture de son petit précis d’Histoire illustrée du Brésil, mais finit par se racheter grâce à une vision du Rio de Janeiro fin de siècle (le 21e) assez bluffante.

TICS, HIC ET IQUES…

Second film de Shane Carruth, Upstream Color était attendu avec impatience par tous ceux qui comme moi avaient adoré Primer. Le cinéaste poursuit dans une veine scientifico-contemplative avec une ambition visionnaire qui impressionne et laisse sceptique à la fois. Peut-être que Carruth, à la fois scénariste et réalisateur, monteur, opérateur caméra, compositeur et acteur de ses films atteint un tel niveau de maîtrise de son propos que cette histoire d’empoisonnement d’un couple par absorption de larves transgéniques finissant par fragmenter leur mémoire et leur identité en les rapprochant du règne animal (si si) n’est décodable que de lui seul. Elliptique, métaphorique, allégorique… j’ai plein de mots en ique à vous proposer pour essayer de vous faire croire que j’y ai compris quelque chose, mais ça ne marcherait pas. Ah si, j’en ai un autre : hermétique ?

Cheap Thrills, de E. L. Katz

Parallèlement à ce début de compétition en demi-teinte, la section “Crossover” propose des films qui ont quelque chose à voir avec le genre, mais pas complètement non plus. Et là, deux découvertes de taille : Cheap Thrills de E. L. Katz et Proxy de Zack Parker.

Que seriez-vous prêts à faire pour de l’argent ? A question simple, réponse simple : ça dépend combien tu mises, mec ! Comédie noire qui dérape de manière totalement incontrôlable, Cheap Thrills tire sa force de son déroulement en temps réel dès la fin de l’exposition. Dans un bar, une espèce de psychopathe bourré de fric propose un pari à deux losers fauchés. Les défis s’enchainent et ce qui a commencé comme un petit jeu inoffensif prend vite une tournure crapuleuse pour finir dans une apothéose que je vous laisse découvrir si jamais ce premier film américain a l’heur de sortir en salles ou en DTV. Car si son discours sous-jacent sur le pouvoir et la valeur de l’argent n’est pas très fin, l’ensemble est d’une efficacité redoutable.

PROCURATION

Proxy, de Zack Parker

Mais le premier vrai choc de cette sixième édition du FEFFS, on le doit à un réalisateur américain dont c’est déjà le quatrième long métrage, tous inédits en France. Dans Proxy, Zack Parker suit le parcours de trois femmes dont les trajectoires vont se télescoper autour de la question du désir et du rejet d’enfant. Je perçois d’ici vos ricanements, petits sceptiques que vous êtes ! Détrompez-vous, s’il est bien question de névroses et de troubles du comportement, on est loin de Bergman. Proxy est un chiller inspiré, un thriller psychologique glaçant à l’interprétation irréprochable et à la mise en scène parfaitement maitrisée. Du grand art.

Dans notre prochain épisode du FEFFS 6e édition, nous parlerons catcheurs mexicains, Peter Cushing et coloscopie. D’ici-là, je vais m’envoyer quelques bonnes vieilles péloches de la rétro Monkey Business : le King Kong bigger than life de John Guillermin (mon préféré, Guillermin est un grand !), les sublimes Monkey Shines de Romero et Link de Richard Franklin (à revoir en boucle), et l’inénarrable King Kong Lives de.. De qui déjà ? Guillermin ? Ah…

 

 

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