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Le Monde un petit peu retrouvé (critique de Jurassic World, de Colin Trevorrow)

Le Monde un petit peu retrouvé (critique de Jurassic World, de Colin Trevorrow)

Note de l'auteur

JURASSIC-WORLD-Affiche-France-MosasaurusQuatrième volet de la franchise créée par Steven Spielberg en 1993, Jurassic World connecte directement son intrigue à celle du premier volet. Un « retour aux fondamentaux » évidemment opportuniste mais au final et contre toute attente, malgré son formatage, le film divertit sans trop insulter notre intelligence. En soi une gageure.

Je me souviens de mon état en sortant de Terminator Renaissance. En colère, avec une grosse envie de retrouver McG et les tocards de scénaristes auteurs de cette bouse dégueulasse pour les passer à la chignole. Du prologue débilos (le “baiser de la mort” en prison à Helena Bonham Carter) à la fin super mièvre en passant par des emprunts opportunistes à tous les succès récents de la SF à gros calibre, cet épuisant capharnaüm racoleur foulait au pied la belle mythologie créée par James Cameron. Même le 3e Terminator, malgré ses faiblesses évidentes, parvenait à conserver un je-ne-sais-quoi d’attachant grâce au savoir-faire de Jonathan Mostow et une indicible mélancolie de l’apocalypse inévitable (et inévitée). Terminator Renaissance, lui, résonnait comme le triomphe du calcul le plus cynique d’un studio sur la manne “geek”, en ramenant la violence et la fureur des précédents à un spectacle tout public sans âme sous son rutilant capot. Colère, donc.

Je m’attendais sincèrement à sortir à peu près dans le même état pour Jurassic World. Voire pire encore : consterné certes, mais aussi totalement indifférent devant la purge annoncée, eu égard au culte tout relatif que je voue à cette franchise et même au premier volet. Vous savez quoi ? J’ai trouvé ça pas mal, voilà. Je n’ai eu à aucun moment l’impression d’être floué autant que pour Terminator Renaissance ou d’avoir assisté à un spectacle aussi con que prévu. Si l’on accepte son statut de produit marketing intégralement pensé pour cibler à la fois les fans du premier opus et le grand public (les deux se confondent un peu sur ce coup-là…), Jurassic World remplit honnêtement son cahier des charges.

Soit un “retour aux sources” multipliant les doudous nostalgeos de Jurassic Park, dont le fantôme ne cesse de planer à quasi chaque scène, via moult répliques, références permanentes au père fondateur John Hammond (métaphore de Spielberg, on suppose ?) ou encore d’une scène de retour sur les ruines du précédent parc où jadis le cri du T-Rex rugissant nous colla les miquettes. Certes, cette promesse de « retour au vrai » hurlée grossièrement au spectateur (exactement comme dans les trailers de la catastrophe Terminator Genisys à venir) n’a d’autre raison que mercantile. Et il est étonnant de voir les thuriféraires du premier film s’horrifier à ce point des orientations de Jurassic World : Steven Spielberg, toujours producteur de la franchise, a validé chaque ligne du scénario, un script d’ailleurs repatouillé dans tous les sens pendant plusieurs années pour répondre aux souhaits du patron.

Le commis à la réal’ Colin Trevorrow, jeune yes-man parmi tant d’autres, ne fait qu’appliquer les consignes de son employeur/recruteur et au générique de fin, une évidence : Jurassic World est un blockbuster de meilleure tenue que Le Monde perdu et de Jurassic Park 3. Moins prétentieux que le second volet, bien mieux emballé que le 3e, il se permet même quelques idées de mise en scène (un gros plan trompeur sur la patte d’un animal plus petit que prévu, un clin d’œil hilarant à Jaws, un raptor intrigué par un hologramme de dinosaure…) et un axe de scénario métacritique plutôt bien tenu sur la course au spectaculaire gangrénant Hollywood. OK, démago, mais ça se tient ! Résonant comme une confession de la part de ses instigateurs, ce Jurassic World abat la carte de la mise en abîme filoute mais efficace avec sa thématique d’une difficulté toujours plus grande à épater des foules désormais blasées par les dinosaures. Comme les boss de studios américains inféodés à de méga-groupes cotés à Wall Street, les généticiens inconscients du Jurassic World ont bricolé leur “super blockbuster” à eux, l’Indominus Rex, über-monstre de synthèse qui va finir par échapper à tout contrôle et causer leur perte. On notera au passage le recyclage du thème de l’apprenti sorcier génétique par les coscénaristes Amanda Silver et Rick Jaffa, précédemment auteurs du script du reboot de La Planète des singes.

A priori consternante au vu du trailer, l’intrigue faisant des raptors des créatures domesticables par l’homme se voit de son côté trahie en cours de route (et ça c’est bien), tandis que les deux insupportables mioches photocopiant ceux du premier Jurassic Park trustent à eux seuls 80% des invraisemblances du scénario (et ça c’est con, mais prévisible). Les personnages, avouons-le, relèvent eux aussi de la synthèse de consommation courante et Owen Grady, Claire Dearing ou Simon Masrani pourront courir longtemps dans la jungle avant de rattraper la longévité affective de John Hammond, Alan Grant, Ian Malcolm ou Ellie Sattler. On s’étonne également, en fin de film, de ce que vont devenir certains échantillons d’ADN envolés vers une destination inconnue… probablement militaire… Paresse des scénaristes ou piste posée là en cas de suite ? Forcément un peu des deux. Mais voilà, je me répète : au final, Jurassic World reste un blockbuster rondement mené, loin d’être intégralement idiot et extrêmement généreux dans son spectacle. Quand on attendait un étron mou et qu’on se retrouve avec un seau de popcorn tout à fait comestible, faut-il vraiment faire la fine bouche ?

Jurassic World, de Colin Trevorrow. Scénario : Rick Jaffa, Amanda Silver, Colin Trevorrow, Derek Connolly, d’après des personnages créés par Michael Crichton. Durée : 2h04. En salles le 10 juin.

 

La critique super mordante et pas contente de notre Jane McClane, c’est par ici !

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