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Le poisson mouillé (Babylon Berlin s1 / Sky / Canal Plus)

Le poisson mouillé (Babylon Berlin s1 / Sky / Canal Plus)

Yann Kerjan août 27, 2018 SÉRIES

Note de l'auteur

Alors que la rentrée se profile à l’horizon, Canal Plus ne tergiverse pas et sert, dès ce soir, un gros poisson à ses abonnés. Rien moins que la plus importante production européenne non-anglophone* à ce jour ! Voici donc le début d’une saga policière et historique ébouriffante. Willkommen in Babylon Berlin !

L’inspecteur Gereon Rath débarque à Berlin en provenance de Cologne. Mais pas n’importe quelle Berlin, celle de l’entre-deux-guerres (en 1929 pour être exacte), encore marquée par la guerre passée et secouée par la crise économique et les prémices qui provoqueront le conflit suivant. Rath découvre alors une ville profondément contradictoire, partagée entre extrême pauvreté, révolutionnaires prêts à tout, fêtes baroques et autres rancœurs galopantes. Brinquebalé dans ce dédale, notre inspecteur tente de démêler les fils de plusieurs affaires…

Dans le jargon local, on appelle un poisson mouillé une affaire non élucidée. Loin de vouloir le noyer, c’est justement le titre du premier roman consacré au commissaire Rath (dans une série qui en compte 8) et signé par le journaliste allemand Volker Kutscher, historien de formation.
Marqué par les récits mêlant pègre et policiers — il cite volontiers M le maudit de Fritz Lang et Les Sentiers de la perdition de Sam Mendes — Kutscher voulait spécifiquement décrire le Berlin de la République de Weimar.

C’est là un premier choix fort pour l’œuvre et, par ricochet, pour cette série. Babylon Berlin se positionne avant l’émergence nazie. Il n’y est pas question (du moins dans cette saison 1) du parti national-socialiste mais plutôt des soubresauts communistes, et notamment de la répression policière du 1er mai 29.
Il n’y a rien d’exceptionnel à esquiver de prime abord le régime d’Hitler. Dans un registre assez proche, le romancier Philip Kerr dressait d’ailleurs une belle série de polars dans le même contexte berlinois mais au cœur des années 30 avec son personnage fétiche : Bernie Gunther.
Simplement, en faisant le choix de choisir cet “angle mort”, cet amont temporel souvent ignoré des récits, Babylon Berlin s’arroge un univers et un milieu fascinant, que l’on soit historicophile ou pas.

Et Kutscher de confier qu’il est ravi de l’adaptation. Il n’y a pourtant pas participé. C’est un trio composé de Henk Handloegten, Achim von Borries et Tom Tykwer qui s’est partagé écriture et réalisation. On connaît surtout le dernier, collaborateur des Wachowski sur Cloud Atlas et Sense8.
Leur travail ici est tout simplement sublime. Il est vrai qu’ils peuvent s’appuyer sur des décors, des costumes ainsi que de nombreux objets tous plus somptueux les uns que les autres (l’opulence du budget transpire un peu partout). Mais la facture formelle de la série en tant que telle est en tout point brillante. Les plans sont sublimes, bien aidés en cela par une photographie parfaite. Et les séquences ouvrant sur des pièces remplies de figurants exerçant des ballets virevoltants impressionneront même le sériephile le plus blasé.

Le mouvement symbolise justement la grande maestria de la série. Les épisodes donnent l’impression de voir les personnages évoluer au milieu d’un flot ordonné ou désordonné en fonctions des situations. On se surprend à être le témoin de cette reconstitution et à mesurer, en quelque sorte, le pouls de chaque recoin de la ville.
On pourrait alors regretter le jeu de Volker Bruch (Rath) qui ne parvient pas toujours à exprimer le trouble de son personnage et réagit souvent à contre temps. Heureusement, la série ne repose pas uniquement sur ses épaules. Liv Lisa Fries offre un contrepoint féminin nécessaire et parfaitement maîtrisée par l’actrice que l’on a pu voir aussi dans NSU German History X et plus récemment Counterpart.

Avec Babylon Berlin, Canal+ s’empare d’une belle prise ! Un polar historique soigné dont on verra une seconde saison (8 épisodes), ainsi qu’une troisième (10 épisodes) déjà prévue.

* : Avec un budget de 40 millions d’euros pour ses deux premières saisons, tournées simultanément, Babylon Berlin est la série européenne de langue non anglaise la plus chère.

BABYLON BERLIN (SKY) Saison 1 en 8 épisodes.
Diffusée sur Canal Plus dès le 27 août (2 éps/soirée),
et disponible en intégralité sur CANAL+ À LA DEMANDE dès la première soirée.
Série créée, écrite et réalisée par Henk Handloegten, Achim von Borries et Tom Tykwer.
D’après les romans de Volker Kutscher.
Avec Volker Bruch, Liv Lisa Fries, Peter Kurth, Matthias Brandt, Leonie Benesch, Lars Eidinger, Anton von Lucke, Severija Janusauskaitè et Ivan Shvedof.
Musique originale de Tom Tykwer & Johnny Klime.