
Le Sixième Sommeil : au royaume de la nuit, l’explorateur est roi
Après la mort, le monde des fourmis ou des micro-humains, Bernard Werber part à la découverte du sommeil.
L’histoire : Jacques Klein est né dans une famille de pionnier, entre un père marin et une mère passionnée par le sommeil, qui lui apprend tout petit à rêver. Mais un jour, là voilà qui disparaît, alors que dans son rêve, un homme qui prétend être lui dans 20 ans vient le mettre en garde…
Mon avis : Cela fait longtemps que l’on sait Bernard Weber attiré par le sommeil. Depuis son Encyclopédie du savoir relatif et absolu en 1993, où il consacre déjà une longue entrée au « peuple du rêve » (et qui m’a lancée, jeune ado, dans la quête du rêve lucide, et dans l’écriture de mes nuits). Cette fois-ci, il leur consacre un livre, en forme de découverte des différentes phases du sommeil, cinq connues pour le moment scientifiquement. Mi-polar, mi-écolo, doux rêveur assurément, cet ouvrage est un appel à l’écoute des songes. Mais il faut avouer que les différentes facettes du sommeil, et l’apprentissage du monde du rêve, ressemblent en partie à la découverte du monde de la mort de ses Thanatonautes. Il relie d’ailleurs sommeil et rêve d’un même conte, celle de l’histoire d’Hypnos.
Oui, mais voilà. Lire Weber, d’une certaine façon, c’est retrouver un plaid qu’on aime bien. Il y a un rythme, une patte que l’auteur des Fourmis utilise un certain arc narratif et un message positif que l’on peut ressentir dans chacun de ses livres. Proche du Livre du voyage par son usage de la Noosphère (ou l’endroit où tous les esprits se rencontrent), et le fait qu’il faut apprendre à se battre contre soi-même, il reste quand même un bon livre de départ pour celui qui ne le connaît pas (c’est encore possible, ça ?). Retour à l’humain donc, retour aussi à un monde du rêve et de la découverte, qui réunit tout ce qui fait la plume de Bernard Werber. Ni exceptionnel, ni mauvais, un cru tout à fait correct et divertissant, qui continue la recherche de l’auteur sur les mystères de l’homme.
Sans oublier qu’il mêle comme d’habitude réalité et fiction, depuis un détective qui se nomme Franck Thilliez, à un passage par le cirque du Soleil, en passant par la Malaisie, et une clinique du sommeil. Difficile alors de savoir ce qui est du registre de la réalité, et de la fiction.
Si vous aimez : La Pentalogie du ciel plus que Le Papillon des étoiles. Si vous ne connaissez pas Werber, très bon premier ouvrage si vous vous intéressez à la science des rêves.
Autour du livre : Bernard Werber a pensé à cet ouvrage alors qu’il souffrait lui-même d’insomnie. Oh sweet irony.
Extrait : « – Mais après cette période d’exaltation, les recherches liées au monde du sommeil stagnent, les découvertes ralentissent, la mode onirologique passe et on assiste à un abandon progressif de l’engouement pour l’exploration du continent des rêves. Cependant, le temps n’est pas le seul en cause : là où l’acharnement scientifique dans une seule direction mène à une impasse, la géographie peut parfois aider à débloquer les choses. Et je voudrais attirer votre attention sur une découverte faite par l’ethnologue anglais Kilton Stewart en 1930 en Malaisie. Là-bas, en pleine forêt, que dis-je ? En pleine jungle, il rencontre par hasard une tribu, les Senoï, qui ne vivent que pour et par le rêve. Ils maitrisent parfaitement le rêve lucide et arrivent ainsi à trouver un équilibre politique, social et psychologique. Selon Stewart, cette société des Senoïs est totalement exempte de toute forme d’angoisse, de dépression ou de pulsions suicidaires. Toutes ces tendances sont parfaitement régulées par un sommeil volontairement dompté. »
Sortie : le 1er octobre, éditions Albin Michel, 396 pages, 22 euros.