
L’Année en Cinéma de Douglas MacDouglas
A force de regarder des dizaines de bandes annonces pour La Semaine en Trailer, il fallait bien voir quelques films aussi. Et ma foi, en 2014, il m’a même été donné la chance d’en visionner quelques bons. Voire même très bons. Voire même plus que bons. Ici, vous ne trouverez point de classement numéroté – laissons cela aux sportifs et aux bancs de l’école – mais quelques superlatifs, qui si vous vous vous baladez de temps à autres sur Mars devraient vous dire quelque chose.
Douglas MacDouglas
Le plus de coeur
LE VENT SE LEVE d’Hayao Miyazaki
« Les avions sont des rêves merveilleux. Et les ingénieurs transforment les rêves en réalité. ». Avec son film testament de départ en retraite, Miyazaki offre aux spectateurs une oeuvre folle, ambitieuse et poignante, un film d’une tristesse et d’une noirceur absolue qui parvient cependant à déborder de beauté, d’espoir et de vie. Déroutant à de nombreux égards et abordant des thèmes bien plus matures que dans ses précédents films, il est surement un des plus personnels du réalisateur qui ouvre totalement son coeur sur la pellicule. On le quitte la gorge serrée mais lui ne nous quitte pas et continue de nous habiter.
Le plus de fougue
WHIPLASH de Damien Chazelle
« Are you rushing or are you dragging?« . Classique instantané, WHIPLASH est une vraie claque. Visuellement ébouriffant, mettant en scène un des plus beaux duels que le cinéma a produit depuis longtemps, il a en plus le mérite de poser de vraies questions sur l’art et plus généralement sur la réussite, l’ambition et la hiérarchie. Si certains y voient un hymne à la compétition et à la réussite du plus fort, je préfère y voir au contraire un discours sur la liberté créative, balancée à la tronche d’un chef d’orchestre avec un fuck you silencieux et un solo de batterie plein de fougue qui s’affranchit des partitions et des conventions. Bluffant.
Le plus gros n’importe quoi
JACKY AU ROYAUME DES FILLES de Riad Sattouf
« Chevalin malin, chevalin coquin, chevalin chagrin, chevalin je te donne mon destin, chevalin ne m’oublie pas dans tes pensins. » . Plein de mauvais gout, sérieusement limite et oscillant constamment entre le rire jaune, l’incrédulité et le grand n’importe quoi le plus total le second film de Riad Sattouf est comme une boule puante dans le salon feutré du cinéma français: avec JACKY on se bouche le nez mais on ne peut pas s’empêcher de rire. Aussi virulent politiquement qu’il est drôle et absurde, le film est une vraie bouffée d’air frais au regard d’une année 2014 assez moisie en matière de discours idéologiques. A conseiller à tous ceux qui ont lu LE SUICIDE FRANCAIS et qui ont trouvé ça pertinent.
Le plus captivant
BOYHOOD de Richard Linklater
« It’s always right now, you know?« . 12 ans, 3 heures de film et pourtant, impossible de détourner son regard ou de regarder sa tocante. Dans BOYHOOD il ne se passe rien, sauf la vie elle-même. Et le spectacle est saisissant. Faisant obligatoirement echo avec le spectateur, le film est au delà de la performance d’une justesse rare dans la manière qu’il a de retranscrire les émotions. On aurait presque envie d’une suite, mais on se dit qu’on a déjà parcouru un très beau chemin.
Le plus intelligent
NIGHT CALL de Dan Gilroy
« If it bleeds, it leads.« . Un personnage fou. Une mise en scène à la fois sobre et envolée héritée de Michael Mann. Un film rageux qui s’en prend tant aux médias avides d’hémoglobines qu’aux Rastignac qui sont prêts à leur fournir. Et surement une des scènes de l’année qui parle le mieux du cinéma, lorsque le personnage de Jake Gyllenhaal se saisit d’une caméra qui brille dans la nuit et qu’il comprend le pouvoir de la mise en scène. Après ce premier essai plus que transformé on se demande ce que le réalisateur Dan Gilroy nous réserve pour la suite.
Le plus grand enfant
LA GRANDE AVENTURE LEGO de Phil Lord et Chris Miller
« SPACESHIP!« . On pouvait s’attendre au pire on assiste au mieux. Visuellement bluffant et réalisé avec un vrai talent de metteur en scène, le film du duo Miller et Lord réussit a faire un vrai film d’enfants qui ne prend pas son public pour une masse de vaches à lait et qui arrive à distiller une gentille irrévérence au milieu d’un gros spot de pub. Coloré, survolté, décalé, LA GRANDE AVENTURE LEGO rappelle autant les meilleures productions Nickelodeon que le LSD.
Le plus à contre courant
GODZILLA de Gareth Edwards
« I deserve answers!« . Comme le personnage de Cranston à qui on cache la vérité, le spectateur se fait mener en bateau. Il croit voir un blockbuster de gros monstres en CGI, on lui montre un écran de fumée. Il s’attend à du PACIFIC RIM, on lui montre des ombres chinoises. Jeu de chat et de souris radioactive, le GODZILLA de Gareth Edwards déjoue les attentes de son public de manière audacieuse pour mieux le servir quand viennent l’affrontement colossal des bestioles et les scènes de destruction tant attendues. Les personnages sont certes creux mais le parti prix est gonflé.
Le plus nerveux
DEALER de Jean-Luc Herbulot
« Qui vit part la farine périt par le sucre.« Je vous en ai déjà parlé ici et ils en ont parlé là. Que rajouter? Que j’espère toujours qu’il va sortir en salles pour que le public français et martien puisse gouter à la sauce DEALER de Jean-Luc Herbulot et Dan Bronchinson. Parce que les polars hexagonaux sans Gilles Lelouche, Roschdy Zem et Jean Dujardin ça commence à se faire rare. Parce que les dialogues y sont exquis. Et parce qu’il envoie du lourd avec un budget léger.
Le plus dommage qu’il ne sorte pas en France
THE INFINITE MAN de Hugh Sullivan
« What if I could?« . Vu au Festival de Fantasia, ce film est un joyau d’inventivité maîtrisé de bout en bout. Enfant d’ETERNAL SUNSHINE et d’ UN JOUR SANS FIN, sans temps morts, soutenu par des dialogues rythmés, une mise en scène et un montage relevant de la mécanique de précision, THE INFINITE MAN est une révélation. Ouais, je suis hyperbolique et très (trop) enthousiaste, et alors?
Le plus « on s’en reparle pour le top de 2015 »
BIRDMAN d’Alejandro González Inárritu
« It smells like balls.« . On va vous en reparler à coup sur d’ici deux mois au moment de sa sortie française. Je n’en dis pas plus. Mais c’est un chef-d’oeuvre.
Le Vent se Lève en a déçu plus d’un, peut-être parce que trop déroutant, pas assez ouvertement anti-guerre ou tout simplement trop différent des précédents Miyazaki… Je l’ai très beau, le côté « dernier film » ajoutant à l’émotion.
Pour Birdman, je ne peux que plussoyer 😀
Je trouve qu’il y a en plus une sacrée audace de sa part de balancer un film aussi atypique pour son dernier. Tu sens que le type avait vraiment envie de montrer tout ce qu’il savait faire et qu’il était capable de se renouveler d’une manière assez spectaculaire. Concernant le côté anti guerre, il le fait de manière moins appuyée disons. A mon sens il choisit de ne pas la montrer afin de mieux la dénoncer et de se concentrer sur ce qui compte vraiment (l’amour, les rêves et tous ces trucs tous roses 😀 ). Enfin ouais, grand film quoi.
Et Birdman hehe… on se comprend entre camarades du grand nord!
Je salive d’avance en attendant le Top de ce cher Dr. No…
J’ai tout lu mais je n’ai rien vu de cette sélection.
En revanche, je serais ravie d’échanger avec vous sur cette sélection…
Bien à vous.
Laurence Sagot, lectrice très attentive