
Le Top Cinéma 2015 de Douglas MacDouglas
Citizenfour de Laura Poitras
« From now, know that every border you cross, every purchase you make, every call you dial, every cell phone tower you pass, friend you keep, article you write, site you visit, subject line you type, and packet you route, is in the hands of a system whose reach is unlimited but whose safeguards are not. »
Et si le film le plus fou, le plus terrifiant, le plus anxiogène, le plus noir et le plus important de cette année était finalement un documentaire ? C’est l’implacable constat qu’on ne peut s’empêcher de faire à la fin de Citizenfour, soit le récit vu de l’intérieur de « l’affaire Edward Snowden », chronique hallucinante aux allures de préquelle du 1984 d’Orwell. Non content d’être un documentaire édifiant, Citizenfour est aussi un thriller haletant porté par un personnage complètement fou – Snowden – qui envoie spectaculairement aux chiottes sa petite vie parfaite de rouage de la NSA pour défendre une certaine idée de la liberté. Un film à voir et que l’Histoire devrait retenir comme un moment charnière où tout est parti en couille.
Mad Max: Fury Road de George Miller
« My world id fire, and blood. »
Ben ouais Mad Max, c’est un peu l’évidence de l’année (bon, pas vraiment selon le Top de la rédac mais bref…). Parce que plus qu’un bidule écolo, féministe, postmoderne toussa toussa et mis en scène autant à la pince à épiler qu’au tractopelle, le film de George Miller rappelle à quel point le cinéma peut être un grand spectacle qui nous en colle plein les mirettes, un truc brut de décoffrage qui nous laisse bouche bée et qui nous refait tomber dans une sorte d’innocence crasse. Un peu comme si on avait refilmé le train de La Ciotat sous nitroglycérine en écoutant du punk hardcore dans le désert.
Sicario de Denis Villeneuve
« In the end, you will understand. »
« Toi qui entre ici pendejo, abandonne tout espoir », c’est ce qui pourrait servir de tagline à Sicario, polar nerveux de chez nerveux mettant en scène l’Homme (qui est ici une femme) contre la machine. Un truc porté par l’énergie du désespoir et de l’hémoglobine où l’on sait que tout finira mal, un peu à la Friedkin dans To Live and Die in L.A. Ici, Villeneuve montre encore une fois son immense talent de metteur en scène pointilleux et réalise un morceau de bravoure ultra rythmé qui sait jouer avec les temps morts, qui surprend et qui prend à contre-pied le spectateur pour mieux le désarçonner. Et puis merde, Emily Blunt et Benicio del Toro y envoient sévèrement du pâté quoi.
Me, Earl and the Dying Girl d’Alfonso Gomez-Rejon
« That sucks quite a bit. »
Changement de registre avec un teen-movie complètement frais, complètement drôle, totalement tragique et ultra réussi. Un truc qui parle de l’amour, de la mort, de l’amitié, de la peur de grandir, de la peur de ne pas grandir et qui approche avec naïveté LA grande question de « mais bordel, qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? » avec douceur et humour. C’est surement un sursaut de mon petit cœur en pain d’épice qui m’aura poussé à le glisser dans ce top mais bon, on ne se refait pas.
The Wolfpack de Crystal Moselle
« One particular year, me never got out at all. »
Salut ! Bienvenue dans le monde dingo de The Wolfpack ! Ici, découvrez six frangins enfermés dans un appartement de New York par leur père frapadingue et leur mère complètement à l’ouest, à l’est, au nord et au sud. Pénétrez dans un univers cramé de la tête où six gamins n’ont comme porte de sortie sur l’univers qu’une série de films sur DVDs dont ils reproduisent fidèlement les scripts. Et accessoirement, un documentaire complètement fou, un cousin américain hypnotisant de Strip Tease et une lettre d’amour au cinéma authentique parce que complètement sincère.
It Follows de David Robert Mitchell
« Wherever you are, it’s walking. Straight for you. »
Gus Van Sant qui fait un film d’horreur ? Ah ben ça existe déjà mon capitaine et ça s’appelle It Follows du bon David Robert Mitchell. Révélation de l’année, ce film composé avec un soin d’orfèvre, enveloppé par une bande-son oppressante mais jamais trop présente joue avec le cadre et la profondeur de champ pour laisser la peur et la tension envahir tout l’écran et les personnages qui s’y trouvent. Loin d’être neuneus mais au contraire soudés face à la menace, ceux-ci s’unissent non pas pour triompher mais pour ne plus être seuls. Une belle image de l’adolescence, terrifiante et intemporelle.
Birdman d’Alejandro González Iñárritu
« How did we end up here? This place is horrible. Smells like balls. »
Ouais, bon, pas une surprise mais le gros winner des Oscars les a tout de même bien mérités ses ptits bonzohommes en plaqué or. Acteurs au poil avec Michael Keaton en grande renaissance, réalisation de main de maître, séquences baroques à la folie furieuse et discours méta sur le monde du cinéma. Qui qui dit mieux ?
Victoria de Sebastian Schipper
« We have to do something. Please, can you help us? »
Claque de l’année, Victoria à l’instar de Birdman ne se résume pas à sa « simple » contrainte technique et à son plan séquence intégral de plus de 2h. Car s’il réussit avec brio à nous trimballer avec l’héroïne dans les rues de Berlin, Sebastian Schipper parvient surtout à encapsuler tout un monde de cinéma en un seul et même récit, sans temps mort. Comédie romantique, comédie dramatique, drame, polar, thriller… le tout se fond sans mal et forme une montagne russe émotionnelle d’une puissance rare. On lui pardonne même un dernier acte un peu long tant il est exécuté avec brio.
The Lobster de Yórgos Lánthimos
Film taré de derrière les fagots bien comme on les aime, The Lobster c’est un monde étrange, cruel et tendre qui ressemble bien plus qu’on ne pourrait le croire à notre vie de petits mortels. Entre la télé-réalité et Hunger Games, le film de Lánthimos dépeint un univers aux règles absurdes et autoritaires où l’amour comme seule porte de sortie semble régi par des contraintes aussi débiles que destructrices. Une fable qui fait rire jaune, bancale mais géniale.
The Big Short d’Adam McKay
« You just bet against the American economy. People will lose their homes, people will lose their jobs…. Stop dancing. »
Un peu dur de s’y retrouver dans ce Big Short ! ABS, RMBS, CMBS, CDO : WTF ??? Avec son jargon boursier incessant et son rythme envolé, le film d’Adam McKay et son casting de stars au sourire bright signe un brûlot d’une violence incomparable et à l’humour ultra acide contre le système bancaire américain. Si The Wolf of Wall Street nous montrait les excès, si Margin Call nous montrait les rouages, The Big Short parvient à faire les deux à la fois tout en remettant au cœur du débat la question la plus importante : celle de l’humain. Brillant et glacial.
Mentions très honorables : Les Cowboys, Twinsters, Inherent Vice, Hacker, Predestination, Crazy Amy, The Voices, Goodnight Mommy, Going Clear ou encore Kurt Cobain: Montage of Heck.
Me, Earl and the Dying Girl est passé trop inaperçu… Content que tu en cause ici ! C’est peut-être très calibré Sundance, mais perso ça m’a beaucoup plu 🙂