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En direct du Festival de la Fiction TV 2016, Les Grands (OCS) Emballe

En direct du Festival de la Fiction TV 2016, Les Grands (OCS) Emballe

Note de l'auteur

Présentée au Festival de la Fiction TV 2016 de La Rochelle, Les Grands (OCS) entend montrer que l’adolescence n’est plus un territoire impossible à conquérir. En dix épisodes, cette série s’avère être une réussite au-delà des espérances.

les-grands-boogieLa fiction tv adolescente a toujours figuré en France une terre sauvage qu’elle n’a pas réussi à investir ou à apprivoiser ses sujets. Pour une Seconde B, les séries labellisées AB Production (Premiers Baisers, Hélène et les garçons, Le Miel et les abeilles…) ont inondé un marché jusqu’à le pourrir de l’intérieur et plonger le genre dans un sommeil gestationnel. En attendant, les États-Unis, l’Angleterre ou l’Australie nous auront offert de magnifiques spécimens dans des styles différents.

L’adolescence est une source de fantasme. On s’y projette autant que l’on attend d’elle un reflet de notre société et de son évolution. La confrontation de la nostalgie et de l’actualité. C’est aussi un formidable terreau dramaturgique où la comédie se mélange au drame, les tourments de l’âme à l’évanescence naïve, la poésie au pragmatisme. Seulement, c’est aussi un art délicat qui réclame une approche prudente au risque de sombrer dans la caricature. Un genre aux confluents des genres (comédie, drame) parce que la jeunesse est intense, entière, volatile. Elle souffre autant qu’elle exalte, pleure autant qu’elle rit, jouit autant qu’elle intériorise.

les-grands-teamIl y a dans le titre Les Grands, l’idée d’une hiérarchie et d’une génération. C’est annoncer l’idée du fonctionnement d’un collège et promettre un passage de relais. C’est la troisième, la dernière année avant le saut dans le vide (le lycée) et d’éventuelles séparations. Un moment important où l’on peut savourer sa position supérieure tout en angoissant de recommencer en bas de l’échelle la rentrée prochaine. Derrière son titre, Benjamin Parent et Joris Morio (les créateurs) annoncent de belles intentions. Capter l’adolescence dans ce qu’elle a de plus riche à un carrefour de son existence. Un programme qui manquait dans le paysage français et qui symbolise par son format d’une vingtaine de minutes qu’OCS entend, depuis quelques années maintenant, mettre un coup de pied dans la fourmilière nationale.

Les Grands, ce sont Avril, Hugo, Boogie, Ilyès puis MJ, la nouvelle et rebelle de la rentrée. À travers eux, la série va fendre l’adolescence, la découpant en fonction des sujets abordés ou des influences. On retrouve les artefacts des plus grandes : My So Called Life (Angela 15 ans) dans la relation Avril/MJ ; Degrassi (Les Années collège) dans le style de Boogie emprunté à Joey Jeremiah, le chapeau, les chemises bariolées ; Skins pour l’aspect générationnel et ses adultes démissionnaires ; Heartbreak High (Hartley, Cœurs à vif) pour son soap minimaliste. La série évoque mais ne reproduit pas. Elle a l’intelligence de se placer en retrait de ses aînés, observant leurs qualités respectives pour mieux apprendre. Elle ne fonctionne pas dans l’idée d’une nostalgie intouchable mais trouve sa voie (voix) dans l’appropriation, parvenant même à se distinguer dans l’utilisation de la musique comme source de séquences oniriques, ces moments où la série se laisse aller à ne rien raconter, sinon une fugue de l’esprit.

grdsDans le rapport entre fuite et prise avec la réalité, Les Grands trouve un joli équilibre. L’adolescence devient le lieu des échappées, des évasions dans un univers (le collège, seul décors de la série) qui sait vous remettre les pieds sur terre. Dans une logique un peu didactique, les auteurs n’esquivent pas un côté faits de société où un grand sujet est exploité par épisode (le harcèlement, le suicide, l’homosexualité, le sexe…), mais l’ensemble est traité avec suffisamment de justesse pour éviter toutes charges lourdes. On perd un peu en fluidité (le premier épisode est trop décousu, des arcs narratifs sont avortés) mais on gagne des espaces de respiration.

Figure de reconquête, Les Grands dessine une jeunesse d’aujourd’hui, qu’elle croque d’une écriture fine et sans caricature. L’adolescence y apparaît sans angélisme mais dans toute sa complexité, son caractère aérien et ses paradoxes. Si la contraction du temps (10 épisodes pour une année scolaire) paraît un peu forcée, les ellipses entretiennent l’idée du côté insaisissable d’une jeunesse fugueuse mais pas irresponsable. C’est dans cette approche respectueuse que la série tire sa réussite.

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