
Les Indestructibles 2 : une famille à Parr
Après avoir joyeusement gambadé sur des tournages live, le génialissime Brad Bird revient à son premier amour : l’animation. Celui qui nous aura concocté des petits chefs-d’œuvre, comme Le Géant de fer ou le premier Indestructibles, revient dans le giron de Pixar pour réaliser une énième suite d’une franchise bien connue. Mais voilà : n’est pas Brad Bird qui veut.
Cette séquelle se déroule tout juste après la fin du premier épisode, lorsque le Démolisseur attaque la ville et que la famille Parr décide de s’en occuper. Suite à ce sauvetage en bonne et due forme, la loi anti super-héros est alors remise au centre de l’actualité. Mais Helen, alias Elastigirl, va profiter d’un mystérieux bienfaiteur pour tenter de retourner l’opinion publique, tandis que son costaud de mari reste à la maison pour s’occuper des tâches familiales. Comme chacune des suites des films Pixar, la formule est identique : on prend l’histoire du premier épisode et on intervertit les personnages principaux. Woody se fait kidnapper à la place de Buzz dans Toy Story 2, Bob devient le centre de l’histoire dans Monsters University et Dory possède même son nom dans le titre pour la suite du Monde de Nemo. Une idée qui peut paraître simplette, mais qui permet d’opter pour une toute nouvelle dynamique sans trahir les codes de la franchise. Une idée à plusieurs objectifs: on surprend le public en donnant plus de lumière à un personnage trop en retrait auparavant, et on transpose un effet miroir sur les personnages tout en approfondissant les thématiques du précédent opus. Dans Les Indestructibles 2, c’est Elastigirl qui est au centre du film, à travers une histoire qui – disons-le – ne brille pas par son originalité, surtout si vous connaissez le premier épisode sur le bout des doigts.
Mais cela n’empêche pas Brad Bird d’aborder des thèmes rafraîchissants sur la place de l’homme et la femme dans la société, sur cette dichotomie entre les deux sexes mais sans jamais victimiser l’autre, Helen faisant preuve de piques savoureuses et drôles sur son mari. On aurait apprécié une seconde lecture plus subtile, mais les scènes de dialogues sur le concept de l’héroïsme entre Helen et Evelyn, nouveau personnage de cet épisode, font mouche. Des moments de respirations bienvenues, histoire de bien mettre en avant une réalisation somptueuse. Que ce soit dans les purs moments de comédie ou simplement sur les scènes d’actions d’une lisibilité renversante, Brad Bird n’a rien perdu de sa fougue et de son génie pour le montage et le découpage, de sa capacité à singer les compositions d’images de comics de la plus belle des manières. Le film est constamment inventif, ne se contentant pas de jouer sur les codes des super-héros de façon ludique, mais bien à réinventer le film familial pour le rendre super-héroïque. Les Indestructibles 2 regorge d’idées visuelles folles, gardant cette patte artistique art-déco rappelant immédiatement du Jack Kirby, fourmillant de couleurs franches sans jamais tomber dans la vulgarité. Tout est clair, lisible, jouissif, et la séquence de l’aérotrain fiche des frissons rien que d’y penser. On sentait déjà sur ses précédents films, dont le sous-estimé Tomorrowland en tête, que Brad Bird est un faiseur de miracles, et il prouve avec cette suite qu’il est encore possible de faire rêver dans le domaine du super-héros.
Du côté de Bob, on pouvait craindre une partie comédie ne sachant pas compenser les énergiques séquences de madame. Que nenni : l’humour et l’écriture des personnages sont fantastiques, Bob jouissant de mimiques incroyables, retranscrivant parfaitement l’état de fatigue d’un père au foyer, trop fier pour s’avouer vaincu. Toute la logique du foyer américain typique est ici explosé et mis à mal par l’énergie de cette famille pas comme les autres, sans dénaturer le propos. Jack Jack, le dernier né de la fratrie et qui n’avait pas eu les honneurs d’une mise en avant dans le premier film, trouve ici un écrin sacrément réjouissant, devenant désormais le bébé le plus cool de l’animation. On ne s’ennuie jamais devant cette suite, qui enchaîne les moments de bravoure, traitant intelligemment du rapport homme/femme avec une bienveillance bien reposante en ces temps qui courent, et bercée par la délicieuse musique jazzy de Michael Giacchino, toujours aussi inspiré.
Somptueux, énergique, brillant et hilarant, difficile d’en vouloir à Pixar d’avoir lancé la production de cette suite tant Brad Bird réussit à créer un nouvel épisode tout aussi bon que son grand frère, la technique remise au goût du jour. Réalisé avec une maestria insolente, Les Indestructibles 2 parvient même à prouver qu’après dix ans à bouffer du Marvel jusqu’à plus soif, il existe encore une oasis de fraîcheur dans laquelle on plonge avec délectation pour y retrouver la famille Parr. Des suites de cet acabit, on en veut à la pelle !
Retrouvez l’interview de Brad Bird sur le Daily Mars
Les Indestructibles 2
Réalisé par Brad Bird
Avec (en VO) Holly Hunter, Craig T. Nelson, Samuel L. Jackson, Sarah Vowell…
Sortie le 4 juillet 2018