
Les meilleures B.O. des pires films (4/10) : The Sicilian de David Mansfield
« Les cinéphiles mélomanes le savent mieux que tout le monde : l’avantage des pires nanars, c’est qu’ils peuvent, parfois, offrir paradoxalement des compositions d’un souffle et d’une force inversement proportionnels à leur crasse médiocrité artistique. Sheppard a sélectionné 10 B.O. du genre dont la beauté fait d’autant plus amèrement regretter la pauvreté des films qu’elles accompagnent. Deux semaines durant, du lundi au vendredi, Sheppard rendra ainsi un vibrant hommage à l’un de ces trésors discographiques, à redécouvrir séance tenante à défaut de réhabiliter les purges correspondantes. Bonne lecture et bonne écoute ! »
The Sicilian de David Mansfield
En 1987, Michael Cimino était un réalisateur sans casserole. En quatre films, le gars avait réussi à marquer le cinéma d’une empreinte indélébile. Pensez que quand on aligne The Deer Hunter, Heaven’s Gate et Year of the Dragon, fatalement on est en droit de se dire que le prochain va être du même tonneau. Il faut dire qu’à l’époque, le nom même de Christophe Lambert n’était pas encore automatiquement associé à un nanar d’outre espace. C’était les années 80 quoi, on était complètement insouciant et naïf.
« Taile Don Massino maye annsseur iz no » ou « Tell Don Masino, my answer is no » dans le texte. Voilà tout ce dont je me souviens de The Sicilian, ou plutôt de ce fou rire monstrueux que je me suis tapé avec mon frangin en écoutant le pitoyable Lambert sortir cette réplique avec le plus grand sérieux du monde. Ce regard intense et tout colère, et ce formidable accent franchouille doublé d’un ton complètement à côté de la plaque, avaient finalement réussi à transformer un ennui profond en un immense éclat de rire. Instant nanar chéri qui nous permit d’assister à la fin de cette catastrophe cinématographique avec le sourire aux lèvres, complètement déconnectés du final tragique de Salvatore Giuliano. Inutile de vous dire que cette réplique est devenue une super private joke et rien qu’en y repensant, j’en rigole encore.
Quelques semaines plus tard, je tombe sur la B.O. de David Mansfield. La curiosité l’emportant sur le rire initial de revoir la tronche de Christophe Lambert, les cheveux gominés dans son manteau marron, je pose délicatement le disque dans le bouzin et là, bonheur ! En quelques notes, Mansfield avait réussi à balayer le souvenir pitoyable de The Sicilian et à lui redonner le souffle et la puissance que ce film aurait dû avoir.
Un morceau en particulier est resté collé à mon oreille pendant presque toute l’année, On The Stairs (c’est le 5ème je crois), un bijou de simplicité et d’émotion en moins de 2 minutes. Là où Michael Cimino était resté coincé dans une réalisation molle et une plastique surannée, David Mansfield lui s’était totalement imprégné du roman de Mario Puzzo pour livrer une fresque musicale grandiose et totalement libre de l’influence évidente de Nino Rota (The Godfather).
En à peine 7 ans de carrière et 4 bandes originales (dont Heaven’s Gate et The Year of the Dragon), David Mansfield venait de laisser son réalisateur fétiche sur le carreau. Mais son envolée ne sera que de courte durée, car la chute de Cimino entraînera aussi un peu la sienne. Celui qui aurait pu avoir, qui aurait dû avoir la carrière d’un grand, ne revint jamais sur le devant de la scène. Il arrive parfois que certaines musiques ne survivent pas à leur film, et ce malgré toute leur qualité. Celle de The Sicilian est malheureusement un peu tombée dans l’oubli.