Les mémoires de Final Fantasy VII

Les mémoires de Final Fantasy VII

En dehors du camembert et des baguettes fraîches que nous envient nos voisins étrangers, la France perce depuis quelques années dans la bibliographie vidéoludique. Grâce à des éditeurs comme Pix’N Love, Omake Books et Third Editions, on a à notre disposition beaucoup d’ouvrages sur une gamme de jeux très vaste, allant de Diablo à Dark Souls en passant par la saga des Halo. La série des Final Fantasy est très bien représentée avec des ouvrages couvrant presque l’intégralité de la série. Mais quand débarque un nouvel ouvrage s’intéressant aux coulisses de Final Fantasy VII, on sentait la redite venir.

Si Les Mémoires de Final Fantasy VII se détache parmi la pléiade de bouquins chez Third Editions, c’est simplement parce que le livre original nous vient des USA. Nommé 500 Years Later: An Oral History of Final Fantasy VII, le livre est signé Matt Leone, journaliste sur le site Polygon. Reprenant la maquette de l’édition originale, la version française est ni plus ni moins qu’une transposition, avec belle traduction à l’appui. Mais si ces Mémoires de FFVII se distingue du livre maison de Third (La Légende Final Fantasy VII), c’est avant tout par sa forme et son approche originale. Plutôt que de raconter la création du titre par la lorgnette du journaliste, Matt Leone décide de laisser la parole aux différents intervenants de l’époque qui ont eu un rôle plus ou moins prépondérant sur la création de cet épisode. Que ce soit Hironobu Sakaguchi (créateur historique de la saga), Yoshinori Kitase (réalisateur du jeu) ou encore Hiroshi Kawai (programmeur des personnages), chacun y va de son opinion personnel, de sa petite anecdote sur le Square de l’époque ou de quelques imbroglios entre les continents. Toutes les strates de productions sont présentes, allant même jusqu’à récolter les anecdotes de certains pontes de Squaresoft USA à l’époque pour découvrir les dessous du lancement américain. C’est très personnel, parvenant à retranscrire la flamme vivace de l’époque et de partager leurs sentiments face à ce monstre en devenir.

Cette plongée dans le passé permet de se remémorer à quel point Squaresoft était au sommet de sa forme (on est en 1995). Le lancement de la Playstation force Sony à aller toquer à la porte des plus gros studios de l’époque, avec compromis à la clé pour jouer sur les exclusivités. Square, resté loyal à Nintendo depuis lors, ira développer une démo technique sur la Playstation pour voir ce que la machine a sous le capot et signera finalement chez Sony. Cette « trahison » causera la légende d’un Nintendo très rancunier au point de ne plus jamais accepter de jeux Square sur leurs machines avant longtemps. On découvre une époque tellement faste pour Square qu’il pouvait se permettre des dépenses faramineuses pour du matériel de pointe sur des jeux de plus en plus gourmands. Cet appétit technologique causera le plus gros gouffre financier avec le film Final Fantasy, long métrage entièrement en CGI mais un véritable accident industriel qui accélèrera la fusion avec Enix et qui donnera ce qu’on connaît aujourd’hui, Square-Enix.

Des anecdotes croustillantes, le livre en regorge. On pourra évoquer le développement de la version PC du titre et ses multiples soucis, notamment le code du jeu perdu chez Square mais récupéré auprès du boss d’Eidos lui-même quelques années après, la création éphémère de Square EA pour distribuer plus facilement les jeux dans leurs pays respectifs ou encore des conditions de travail étonnantes pour les traducteurs européens du jeu, forcés de transcrire tout un scénario avec de simples feuilles de scripts, avant de tester le résultat directement dans les bureaux japonais en seulement deux semaines. Si vous vous souvenez de la traduction française parfois approximative de Final Fantasy VII, vous savez maintenant pourquoi.

Le livre ne s’épanche pas sur des points particuliers du développement mais jongle joyeusement entre les intervenants, avec renvois d’ascenseur et réponses interposés, permettant de mesurer l’aura particulière de Sakaguchi au sein de son entreprise. Et le livre ne se limite pas à la période du jeu, puisqu’il pousse jusqu’à la sortie de l’épisode X. Le succès critique et public du septième opus est telle que chaque nouvel épisode sortira avec le secret espoir de faire aussi bien, voire mieux. La maquette atypique et ludique de l’ouvrage est vraiment agréable, reprenant page par page ce qui avait déjà été fait sur l’édition américaine (sauf pour la couverture, inédite chez nous), avec en prime un petit bonus caché – je ne vous en dis pas plus.

Bref, Les Mémoires de Final Fantasy VII, c’est du bel ouvrage, très complémentaire du livre maison de Third Editions, et permettant d’avoir un point de vue bien plus intimiste qu’un making-of à la trame plus classique. Parcourir ces anecdotes, ces doutes, ces infos croustillantes tout en sachant ce qu’est devenue la saga, c’est un vrai petit bonheur pour tous ceux qui s’intéressent à la licence, voire même au milieu du jeu vidéo en général pour découvrir l’envers du décor d’un des plus grand succès de ces dernières années et comment ce titre a révolutionné la vision du RPG japonais en Occident.

Les Mémoires de Final Fantasy VII
Auteur : Matt Leone
Éditeur : Third Editions
Prix : 30 euros

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