Les Nouveaux Mutants: bouffis contre les vampires

Les Nouveaux Mutants: bouffis contre les vampires

Note de l'auteur

Après une mystérieuse attaque qui l’aura laissée inconsciente, Danielle Moonstar se réveille sur un lit d’hôpital, enfermée dans un étrange centre où les mutants sont étudiés et analysés pour savoir si leurs pouvoirs sont dangereux pour la société. Elle rencontrera d’autres jeunes mutants eux aussi enfermés, et ensemble ils chercheront à découvrir la vérité qui se cache derrière cet étrange hôpital.

Dire que Les Nouveaux Mutants a eu un développement chaotique est un joyeux euphémisme. Après un tournage qui remonte à l’année 2017, le film aura subi coup sur coup l’échec de X-Men Apocalypse, lui valant des réécritures en cours de tournage et un changement de ton suite au succès de la bande-annonce misant sur les effets horrifiques du film. Des reshoots sont prévus pour accentuer cet aspect, qui n’arriveront finalement jamais. Les couacs s’enchaîneront encore longtemps: d’abord programmé pour avril 2018, le film est repoussé pour le mois de février 2019, avant de disparaître dans les cartons de déménagement lors du rachat de la 20th Century Fox par Disney. Avril 2020 devient alors la nouvelle fenêtre de lancement (soit deux ans après la date initiale) avant qu’un certain Covid s’en mêle, pour finalement lâcher ce spin-off X-Men en ce mois d’août 2020, en face du rouleau compresseur Tenet. Une tentative désespérée de tirer son épingle du jeu, ou une simple volonté de se débarrasser rapidement d’un projet gênant ?

Evacuons les fausses idées tout de suite: non, Les Nouveaux Mutants n’est pas le film horrifique vendu dans le tout premier trailer. Il s’apparenterait plutôt à un coming of age movie, où une tripotée d’adolescents vont devoir résoudre leurs angoisses et leurs peurs, ici symbolisées par des pouvoirs qu’ils ont du mal à contrôler. Jusque-là, une thématique proche de ce que véhiculait le comics original crée par Chris Claremont. Le film se permet même de récupérer un antagoniste apparu dans un des arcs du duo Claremont/Sienkiewicz. Mais si l’appartenance à la saga X-Men sera évoqué pendant le film lors de quelques allusions plus ou moins directes, l’affiliation avec l’oeuvre original s’arrête là, et Les Nouveaux Mutants embrasse alors le teenage movie dans tout ce qu’il y a de plus convenu.

En une heure trente, jamais Les Nouveaux Mutants ne parvient à développer le mal-être de ces adolescents coupés du monde. Chaque personnage possède bien sa petite séquence mais tout est réduit au strict minimum sans jamais rien développer, ni faire preuve d’une mise en scène flamboyante. On sent que les coupes ont été nombreuses, dont le fameux plan spectral du premier trailer qui aura rappelé de merveilleux souvenirs aux aficionados des Griffes de la Nuit. Au lieu d’évoquer et d’approfondir le trouble et les angoisses adolescentes, propre au comics original, le film préfère surjouer le caractère de chacun (Illyana devient une garce en plus d’être gentiment cintrée, Roberto prône le rôle du beau gosse du groupe…) afin de tirer leur portrait au plus vite sans aucune subtilité. Cette précipitation cache l’envie des producteurs de courir vers le segment final, plus propice à l’action et au super-héroïsme que le grand public connaît bien. L’héroïne principale, Dani Moonstar, ne dépassera jamais son étiquette de point de vue du spectateur et sera seulement le moteur des enjeux principaux. Seule l’impertinence parfois lourdingue d’Illyana (Anya Taylor-Joy) mais au moins colorée d’un accent russe délicieusement ridicule, quelques idées parsemées ici et là et la présence d’une jolie histoire d’amour naissante sauvera le film du naufrage total en le rendant légèrement attachant.

C’est d’ailleurs ça qui empêche Les Nouveaux Mutants d’être totalement désagréable à regarder: une sincère passion envers ses personnages et le genre que Josh Boone tente de filmer. Sorti des oripeaux du grand studio voulant à tout prix son film différent-mais-quand-même-pas-trop, on débusque un design de monstre qui fait sourire ou une satisfaction presque honteuse à voir Illyana/Magik balancer une bonne punchline ringarde, épée à la main, digne d’un épisode de Buffy contre les Vampires. Une série qui sera invitée littéralement à travers l’écran de télé, jusqu’à y prédire volontairement les futurs événements du film. Les Nouveaux Mutants arrivera, en quelques occasions, à montrer ce dont il aurait été capable s’il avait été fait dans d’autres conditions, peut-être avec quelqu’un suffisamment fort pour imposer ses idées aux producteurs. C’est ce qui rend ce film malade un petit peu attachant.

Si Les Nouveaux Mutants finira son destin cinématographique comme le grand sacrifié de la saga X-Men des studios Fox, il restera comme un bien beau gâchis complètement lâché par son studio, qui n’aura jamais eu confiance en son réalisateur, préférant abandonner ses efforts, jusqu’à commettre une erreur d’orthographe sur le co-créateur du comics original, Bob McLeod. Il arrive pourtant à surprendre à de rares instants par son aspect série B ou l’effort salué sur un léger progressisme (léger, car pour la diversité dans le casting, on reviendra). Les Nouveaux Mutants rejoint ces tentatives louables mais ratées de se démarquer du tout venant super-héroïque, et on le retiendra bien plus pour son développement chaotique que pour ses qualités cinématographiques.

Les Nouveaux Mutants

Réalisé par Josh Boone
Avec Anya Taylor-Joy, Maisie Williams, Charlie Heaton, Alice Braga, Blu Hunt et Henry Zaga
Sortie le 26 août 2020

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