• Home »
  • SÉRIES »
  • Les séries trop courtes : Sports Night, définitivement sorkinienne
Les séries trop courtes : Sports Night, définitivement sorkinienne

Les séries trop courtes : Sports Night, définitivement sorkinienne

Casey McCall et Dan Rydell sont les deux animateurs d’une émission d’information sportive : Sports Night. Leur rédacteur en chef est le vétéran Isaac Jaffe, leur productrice est Dana Whitacker. Voici leurs histoires. (tung-tung)

L’équipe de Sports Night, devant un match de basket. Ou de baseball. Ou de volley. Mais pas de curling.

Faites entrer l’accusé: Aaron Sorkin. Coupable d’avoir, et de depuis plus de 10 ans, dupliqué un show passé assez inaperçu dans tout ses succès télévisuels suivants. Ses méthodes, on les connaît : un ancrage dans l’actualité via le monde des médias, ou le monde de la politique. Un casting élargi, pour multiplier les points de vue et enrichir son propos. Des personnages pour la plupart idéalistes et talentueux. Des dialogues brillants et surabondants, servis par une méthode de réalisation dynamisante : le « walk and talk » (1).

Felicity Huffman, avant le désespoir

Voir Sports Night, c’est comprendre la méthode Sorkin, du moins pour la télé. C’est saisir sa voix si spécifique. C’est se prendre sa brillance de plein fouet, et les défauts inhérents à cette brillance. The West Wing, Studio 60, The Newsroom sont toutes des variations sur le même thèmes, utilisant les mêmes artifices. Mais on ne va pas le blâmer non plus.

Sinon dans cette logique, Woody Allen n’est pas un génie, c’est un auto-plagieur.

Malgré tout, il est dommage que dans le flot d’éloges (pour la grande majorité mérités) qui s’abat sur Sorkin à chaque fois qu’il pond une ligne de dialogue, on a tendance à oublier ce petit bijou fondateur qu’est sa première œuvre en tant que créateur-showrunneur: la aussi mésestimée que courte Sports Night.

Sports Night raconte donc les aventures de l’équipe qui s’occupe d’une émission d’info sportive en direct, diffusée à 23h, sur une chaîne du câble américaine. On suit les interactions entre les personnages, leurs histoires d’amour. On suit la vie de l’émission, entre les coups qu’il faut réussir, les difficultés d’audiences… Il est aussi capital d’aimer le sport pour aimer Sports Night que de comprendre les tactiques de football américain pour aimer Friday Night Lights.

Josh Charles, simplement excellent

Sports Night est avant tout une série de personnages. Et quelle belle galerie… le show rappelle à quel point Josh Charles était solide, bien avant The Good Wife. Que Peter Krause était émouvant avant Six Feet Under. Que Felicity Huffman était talentueuse et drôle bien avant Desperate Housewives.

Sports Night, hélas, part avec un désavantage flagrant sur The West Wing, qui est un drama capable de moment comiques. Le format de Sports Night était très avant-gardiste pour un grand network comme ABC, puisqu’il s’agissait certes d’une comédie, mais qui lorgnait du côté de la dramédie. Une quasi-dramédie de 26′. Aujourd’hui, on ne se poserait plus la question, mais à l’époque, il fut décidé de coller des rires enregistrés sur l’œuvre.

26′ = sitcom = rires enregistrés. Tant pis si la série était tournée avec une seule caméra, et pas en public. Tant pis si la tonalité de la série ne se prêtait ABSOLUMENT pas à l’utilisation des rires en boites. Quelqu’un à ABC était persuadé que c’était le bon choix. Un choix ahurissant de bêtise, tant c’est inadapté. Si Sports Night est souvent très drôle, elle n’est pas une machine à gags. Et de plus, n’étant pas tournée en direct, tout les rires sont rajoutés, donc sonnent faux.

Un choix ennuyeux, qui pollue le visionnage des premiers épisodes, et qui ont certainement repoussé beaucoup de personnes pourtant faits pour aimer une telle série (et qui porte The West Wing aux nues). On retrouve dans Sports Night un Sorkin dans sa plus simple expression. S’il dit beaucoup de choses sur le sport, la maladie, la drogue, la pornographie, le cadre plus souple et moins intense d’une émission de télé sur le sport lui permet plus de légèreté.

Maladroit, gauche, attachant, Joshua Malina est Jeremy Goodwin

Sports Night est rempli de moments forts, attachants. Dans le pilote, il y a le monologue de Casey (Peter Krause) à son fils, qu’il ne voit plus trop à cause de son divorce. Il lui explique son amour du sport en regardant courir Ntozake Nelson, coureur africain en passe à 41 ans de battre un record du monde après s’être remis d’une grave blessure aux jambes qui manquèrent de le laisser infirme. Par ce monologue, Sorkin pose les enjeux de sa série, affirme que certains événements sportifs dépassent le sport.

Joshua Malina (presque aussi connu pour ses rôles à la télé que pour son compte twitter), aura son heure de gloire en menaçant un type qui fait quatre fois son poids et qui harcèle sexuellement sa (pas encore) petite amie, Nathalie Hurley. Au début amusé, le type se fige quand Malina lui dit que s’il est incapable de le massacrer, qu’il trouverait quelqu’un, et qu’il le paierait pour le faire. Au-delà des mots qu’il prononce, c’est l’assurance avec laquelle il les dit qui bloque la brute et la fait taire.

Il y a aussi l’arrivée de William H. Macy (monsieur Felicity Huffman à la ville) en saison 2, pour booster les audiences du show. Abrasif, il est mis de côté par le groupe, mais dans un monologue plein de bon sens et intelligent, il retourne l’équipe, se la met dans la poche, prouvant qu’il est là pour sauver le show, et pas le saboter. Il y a aussi Felicity Huffman, formidable presque tout le temps (sauf durant une storyline balourde de la saison 2 dont la seule justification est de retarder la formation de son couple avec Casey).

« Monsieur » Robert Guillaume

Et il y a Robert Guillaume (Soap). Pétillant, paternaliste, imposant… L’âme bienveillante de la série. Durant quelques épisodes, Guillaume du s’arrêter de tourner à cause d’une attaque cérébrale qui l’a laissé partiellement diminué. Le personnage reviendra dans la série, incluant son accident dans le récit.

La série offre une belle brochette de guests, avec les superbes et talentueuses Paula Marshall et Teri Polo, mais aussi Ted McGinley, Brenda Strong (en némesis de Felicity Huffman, quelques années avant de jouer sa copine morte dans Desperate) et donc, Bill Macy.

Sports Night a été diffusé en France, sur Série Club au début des années 2000. Elle existe en DVD, en import. Que voulez-vous qu’on vous dise d’autre ? Que c’est bien beau de vénérer The West Wing, de pleurnicher sur Studio 60 ou râler sur The Newsroom. Allez donc rire et vous émouvoir devant Sports Night. Ça n’est pas si court que ça au final (45 épisodes), certes, mais ça vaut toujours le coup de dire du bien d’une bonne série.

SPORTS NIGHT

45 épisodes diffusés entre septembre 1998 et mai 2000 sur ABC

Créée et Showrunnée par Aaron Sorkin

Avec : Josh Charles (Dan Rydell), Peter Krause (Casey McCall), Felicity Huffman (Dana Whitaker), Joshua Malina (Jeremy Goodwin) Sabrina Lloyd (Natalie Hurley), Robert Guillaume (Isaac Jaffe)

(1) : Essayez dans la vie de passer votre journée à discuter avec des gens en marchant, c’est crevant.

Partager