
L’Étrange Festival 2013 : Jour 2
Au programme de ce deuxième jour d’Étrange Festival bien chargé : Northwest et son casseur embourbé, Confession of Murder et son détective obnubilé, The taking et ses satanistes débraillés puis V/H/S 2 et ses cauchemars enchevêtrés. Allons-y.
Malgré leurs points communs superficiels forçant inévitablement le parallèle, comparer Northwest à la trilogie Pusher de Nicolas Winding Refn serait une erreur d’appréciation. Car même si ces deux films partagent bien une toile de fond commune – le monde de la petite criminalité Danoise – les deux métrages sont on ne peut plus éloignés dans leur traitement de ce milieu. Ainsi, si Pusher présente principalement des personnages colorés, excessifs et finalement assez peu réalistes, le film de Michael Noer propose une vision à hauteur d’homme sobre quasi documentaire et dépouillée de tout artifice.
A 18 ans, Casper est déjà un véritable travailleur de la pègre chevronné. Casseur talentueux oeuvrant pour le compte d’un caïd de bas étage, il ne récolte que quelques miettes à l’issue de chaque cambriolage, jusqu’au jour de sa rencontre avec Bjørn, un proxénète paternel le prenant rapidement sous son aile. Grisé par l’appât du gain, gravissant trop brutalement les échelons, le jeune homme se trouve rapidement piégé dans un engrenage de violence auquel il n’est pas préparé.
Filmés caméra à l’épaule dans un environnement terne et glacial de la banlieue de Copenhague, les prolétaires du crime de Northwest sont loin d’évoluer dans un monde de fiction idéalisé comme Frank et Tonny, les héros du triptyque de Winding Refn. Pas d’agressivité exacerbée, de velléités “scarfaciennes” ou de folie des grandeurs pour Casper et ses compagnons de galère, juste un instinct de survie naturel les poussant logiquement à prendre des décisions pas toujours très fines, mais systématiquement plausibles et compréhensibles.
Dénué de tout artifice, refusant l’esbroufe et le spectaculaire, Northwest débute comme un drame social à hauteur d’homme pour se transformer petit à petit en un polar sec et violent à mesure que notre héros s’embourbe inexorablement dans les méandres de la criminalité de bas étage Danoise. Peu de péripéties donc dans ce polar lent et glacial mais une véritable empathie pour une jeunesse totalement paumée essayant de se frayer un chemin dans une société désincarnée entièrement régie par l’argent. Northwest peut fatalement rebuter par sa volonté de fuir la fiction et sa sobriété formelle, mais le spectateur patient saura être séduit par ces personnages profondément humains dont les motivations et les actes nous renvoient l’image d’un monde implacable poussant une population fragilisée dans ses derniers retranchements. Un beau polar froid, épuré et modeste.
Si Northwest joue remarquablement la carte de la retenue, le polar coréen hystérique Confession of Murder réalisé par Byeong-gil Jeong ne se refuse aucun excès. Dés la première scène, le ton est donné. Une course-poursuite étourdissante, extrêmement bien filmée et montée, laisse présager d’un film assumant totalement sa démesure aussi bien scénaristiques que plastiques. Véritable note d’intention, cette scène remarquable en forme d’intro pétaradante à la James Bond nous propulse instantanément dans le monde totalement outrancier de Confession of Murder.
La vie du détective Choi Hyeong Gu est liée au parcours funeste d’un tueur en série masqué ayant fait des ravages durant les années 90. Lorsque le délai de prescription de quinze ans applicable à ses crimes expire, ce dernier décide d’écrire un livre relatant ses méfaits et révèle enfin son visage au grand jour.
Mêlant sans la moindre retenue, et pour notre plus grand plaisir, comédie, mélodrame, thriller et action débridée, ce film est un cocktail détonant parfaitement équilibré même si parfois peu plausible lorsqu’on y regarde de plus près. On pense irrémédiablement au chef-d’oeuvre Memories of Murder de Bong Joon-ho notamment, devant la belle dynamique comique animant l’équipe de flics bras cassés entourant notre héros taciturne toujours mal embouché, ou à la série des Police Story partageant avec ce film un goût certain pour les cascades surréalistes.
Confession of Murder est donc l’agrégation de plusieurs genres harmonieusement rassemblés en un bibimbap cinématographique roboratif et délectable. Bien qu’il se perde parfois dans les méandres de son ambitieux scénario à tiroir truffé de twists plus ou moins audacieux, le métrage de Byeong-gil Jeong n’en est pas moins un exercice généreux et plutôt cohérent, toujours à la recherche d’une scène décalée ou originale prompte à déstabiliser le spectateur. Un film fondamentalement fun donc, à ne surtout pas prendre au premier degré sous peine d’être déstabilisé par tant de liberté dans la contorsion et l’accommodation des genres.
Avant la projection, on nous présente The taking comme un poème cinématographique, un trip expérimental horrifique presque dénué de dialogues, une expérience. Dés les premières images de ce film mettant en scène un homme et une femme capturés au fin fond des bois par une communauté de satanistes, le doute s’installe. L’impression de se trouver devant un court métrage rallongé grâce à une surenchère d’effets assez laids et superficiels se fait de plus en plus criante. Et même si l’imagerie développée dans les scènes les plus “narratives” est parfois intrigante, l’accumulation de fanfreluches stylistiques ne fait qu’alourdir et au final appauvrir l’affaire.
Plus monotone que réellement particulier ou hermétique, The Taking tente donc de palier son déficit de scénario par un habillage redondant, mais son manque de structure n’en est pas moins évident. Jamais sauvé par le jeu peu inspiré de ses acteurs, le film de Lydelle Jackson & Cezil Reed fatigue rapidement le spectateur, incapable de s’identifier à qui que ce soit ou de s’impliquer dans le déroulement de l’histoire. Dommage, car quelques belles idées aurait pu être mieux exploitées avec plus de simplicité et plus d’humilité dans un court de 15 minutes dépouillé de gimmicks lassants et allant droit au but.
Après le succès populaire du premier V/H/S, cette anthologie ‘Found footage’ dont les différents courts horrifiques sont traditionnellement liés par une trame commune, le producteur Brad Miska (le fondateur du site BloodyDisgusting) revient à la charge avec une deuxième itération logiquement titrée V/H/S 2. Quatre sketchs réalisés cette fois-ci par Adam Wingard (You’re next), Eduardo Sanchez (Le Projet Blair Witch), Gareth Evans (The Raid) et Jason Eisener (Hobo with a shotgun) composent cet omnibus tandis que la trame de fond assez superficielle de cette suite est gérée par Simon Barrett. Comme à l’accoutumé, ce genre de florilège propose du bon et du moins bon mais l’expérience globale reste tout de même satisfaisante grâce à une accumulation d’idées parfois assez originales.
Le premier segment, Phase I Clinical Trials, s’intéresse à un homme s’étant fait greffer un oeil robotisé à la suite d’un accident. En arrivant chez lui, il comprend rapidement que cet implant lui permet en fait de percevoir les esprits qui occupent sa maison. Utilisant et détournant les ficelles traditionnelles du films de maison hantée, ce court balisé surprend rarement mais fonctionne bien grâce à une utilisation intelligence des ‘jump scares’ et une belle montée en tension jusqu’au final. Pas inoubliable donc mais un entrée en matière assez traditionnelle, bien conçue et plaisante.
A Ride in the Park d’Eduardo Sanchez suit le parcours d’un cycliste équipé d’une caméra GoPro transformé en zombie à la suite d’une attaque. Entièrement tournée en caméra subjective, cette vignette gore et amusante propose une vision détournée des codes du film de zombie et parvient même à nous déstabiliser lors de l’attaque d’une famille en pleine partie de campagne. Une approche originale qui aurait certainement gagné à sortir du décor unique des bois ou à multiplier les points de vue. Reste un segment s’amusant réellement avec les contraintes du format pour livrer une vision réellement nouvelle.
Safe Haven de Gareth Evans est de très loin le meilleur court de ce V/H/S 2. Cette histoire de secte apocalyptique Indonésienne dirigée par un gourou cinglé installe un malaise perceptible dés les premières minutes avant d’amorcer une rapide montée en puissance ahurissante de violence se terminant en apothéose dans un climax totalement barré du meilleur mauvais goût. Une vraie belle surprise donc, qui à elle seule vaut amplement le prix du billet. Difficile d’en raconter plus sans déflorer les différents twists de ce court ambitieux mais espérons seulement qu’Evans ait, après la sortie de The Raid 2: Berandal, la bonne idée de faire de concept génial un long métrage. Une micro mandale dans les dents.
Après une montée trop haute, la descente est brutale. Avec Slumber Party Alien Abduction, le pourtant compétant Jason Eisener se prend les pieds dans le tapis. Concept régressif, réalisation crado, photographie saturée au néon, cette histoire d’enlèvement d’une famille par un groupe d’Aliens en plastique ne trouve jamais le ton juste. Les enfants sont insupportables, l’approche esthétique d’Eisener indigeste, l’idée de base trop simpliste. Rien à sauver dans ce triste final laissant un goût amer en bouche. Dommage, ce V/H/S 2 méritait une conclusion plus forte et certainement pas un brouillon mal dégrossi.
l’Étrange festival, jusqu’au 15 septembre au Forum des Images de Paris – Plus d’infos sur le site de l’Étrange festival.