
L’Étrange Festival 2013 : Jour 3
Suite de notre couverture quotidienne de cet Etrange Festival 2013 avec aujourd’hui Blood-C – The last dark, 9 mois ferme et Frankenstein’s Army. Let’s get it on !
Collaboration du Studio I.G et du collectif de mangakas Clamp, Blood-C – The last dark se présente comme une suite indirecte de la seconde série animée adaptée des aventures de la lolita guerrière Saya Kisaragi. Inspirée des romans écrits après la sortie du premier OAV Blood en 2000 par Mamoru Oshii, ce reboot revisite en 2011 les origines de la tueuse de vampires nippone et impose un univers encore plus sombre et fouillé que celui exploré dans le film original, la première série, puis la piteuse adaptation live signée Chris Nahon en 2009.
Débarquant à Tokyo bien décidée à en finir avec son ennemi juré Fumito Nanahara, Saya rencontre un groupe de Hackers enquêtant sur les agissements suspects d’une organisation toute puissante cherchant à museler la jeunesse japonaise.
Blood-C – The last dark commence donc directement là où la série Blood-C s’arrête, et c’est bien l’un des gros problèmes de ce film pourtant séduisant sur le papier. Ressemblant plus à une deuxième saison compressée en deux heures qu’un véritable film convenablement structuré, cette réalisation de Naoyoshi Shiotani ne prend jamais le temps de véritablement installer son univers ou d’introduire de manière satisfaisante les enjeux de l’histoire. La scène d’introduction, techniquement époustouflante comme tout le reste du film d’ailleurs, projette directement le spectateur dans cet univers complexe sans ambages, parachuté en plein milieu d’une guerre secrète dont il ne connaît ni les tenants ou les aboutissants.
Ce film s’adresse donc en premier lieu aux véritables fans, qui sauront eux combler les trous de cette narration gruyère s’appuyant considérablement sur le passif de la franchise. Reste pour les nouveaux venus une direction artistique somptueuse que ce soit dans le character design, le choix des couleurs ou la combinaison dessin/image de synthèse plutôt convaincante. Impossible également de ne pas être séduit par le découpage et la réalisation époustouflante des combats sanglants toujours aussi dantesques dans cette franchise. Même s’ils sont au final relativement peu nombreux et dénués d’impact dramatique, apparaissant plus comme des bulles d’action que comme de véritables tournants narratifs, leur dynamisme et leur inventivité ne peut que surprendre dans un film globalement assez monotone.
Car, soyons honnètes, Blood-C – The last dark n’est pas passionnant. Prenant beaucoup trop de temps pour développer une intrigue finalement assez simpliste et peu intéressante, ce film bavard exploite bien trop de clichés usés du cinéma d’animation japonais pour réellement surprendre. De plus, ses personnages archétypaux vus et revus ailleurs traversent le film comme des coquilles vides et on parvient difficilement à se soucier de leur sort tant leurs personnalités et leurs réactions sont artificiels. Méchant aussi charismatique qu’un phasme neurasthénique, twists téléphonés à des kilomètres, tension dramatique nulle, aucune implication dans l’histoire n’est envisageable. Dommage, car le savoir-faire technique de Production I.G méritait d’être mis en valeur par un scénario autrement plus rigoureux et condensé se reposant moins sur le passé pour offrir une expérience satisfaisante.
Cinquième long métrage d’Albert Dupontel présenté en avant-première sous sa forme finale, 9 mois ferme est une réussite incontestable. Imposant dés son premier plan une réalisation sophistiquée grâce à un plan séquence tortueux, le film se place d’emblée bien au dessus de la mêlée des “comédies” françaises à haute teneur télévisuelle.
Peu intéressée par les hommes et plutôt centrée sur sa carrière de juge, Ariane Felder apprend à son grand étonnement qu’elle est enceinte. N’ayant aucun souvenir de la relation qui aurait pu engendrer cette grossesse, elle découvre que le géniteur de son futur enfant est en fait un dangereux psychopathe mis en examen pour une agression d’une barbarie insupportable.
A vrai dire, Dupontel ne joue même pas dans la même catégorie que ses cousins trublions appartenant à la grande famille dégénérée du cinéma français. Son univers unique, croisement improbable entre l’esprit débridé de Terry Gilliam, ruptures de ton inspirées des frères Coen et fulgurances gores cartoonesques dignes d’un Sam Raimi des premières heures (toutes proportions gardées), propose un cocktail détonnant mais cohérent servit par un scénario au cordeau et un montage précis.
Mais avant tout, 9 mois ferme, au-delà de ses morceaux de bravoure stylistiques, fonctionne extrêmement bien entant que comédie. Drôle, très drôle, le film propose une galerie de personnages colorés très bien campés par des comédiens prenant apparemment autant de plaisir à interpréter leurs alter egos que nous à les regarder évoluer dans cette histoire totalement barrée. Mention spéciale à Sandrine Kiberlain, particulièrement impressionnante dans son rôle de femme quelque peu psychorigide forcée de s’ouvrir au monde, et qui porte le film sur ses épaules de bout en bout grâce à une composition tour à tour touchante et hilarante. L’actrice et Albert Dupontel forment d’ailleurs un duo convaincant dont la belle dynamique représente incontestablement le moteur comique du film. Toujours juste, l’acteur-réalisateur incarne un personnage attendrissant mais plutôt sobre laissant naturellement la part belle aux éclats de voix et aux excentricités de l’Ariane de Kiberlain, toujours au centre de l’histoire.
Très belle surprise donc que ce film audacieux ne reculant devant aucune outrance pour embarquer le spectateur dans l’histoire de cette rencontre entre deux personnalités totalement opposées. Exploitant un postulat finalement assez proche de la comédie romantique pour le détourner et en faire un film coup de boule, Dupontel impose une fois de plus son ton unique et rafraîchissant prouvant qu’il existe bien une vie après la mort pour le cinéma de genre français. Espérons sincèrement que l’entreprise parvienne à rassembler les foules dans les salles lors de sa sortie sous peine de voir ce genre de voix étouffée sous la masse des franchises comiques foireuses et d’aberrations télévisuelles ayant plus leur place en prime time sur les grandes chaînes que dans les salles.
Terminons ce troisième jour par Frankenstein’s Army réalisé par Richard Raaphorst. Partant d’une idée de base fondamentalement Z (des soldats russes découvrent à la fin de la seconde guerre mondiale le laboratoire d’un savant fou travaillant sur des hybrides mécaniques en recyclant des morceaux de cadavres provenant de soldats tombés au combat), ce film n’assume jamais vraiment son potentiel nawak. Trop premier degré pour être considéré comme un nanar pur et dur, trop cheap et foutraque pour être pris au sérieux, Frankenstein’s Army se débat dans des limbes du film sans identité. On y trouve pourtant de belles idées comiques involontaires, comme ce choix judicieux de vouloir faire parler les soldats russes en anglais avec un accent russe approximatif. Quelle joie d’entendre à la fin des années 40 dans la bouche des soldats de Staline des “Vat ze Fok” ou des “Rholi Shiète”. Dommage que cette direction purement Z ne soit jamais assumée.
Car Frankenstein’s Army ne peut décemment pas être considéré comme un film effrayant. Ne parvenant jamais à exploiter convenablement ses monstres steampunk pourtant pas mal foutus afin de créer un quelconque sentiment de crainte à cause d’une mise en scène plombée par une approche “found footage” inutile, le film se contente d’exposer son univers dérangé sans impliquer le spectateur. Alors propulsé dans ce train fantôme caricatural et bancal, simple témoin détaché des mésaventures des soldats confrontés à ces monstres grimaçant, difficile de se sentir impliqué dans cette aventure cousue de fil blanc. Pourtant les bases étaient là et l’univers visuel installé en dépit d’un aspect clairement bricolé ne demandait qu’à être convenablement exploré grâce un scénario à la fois moins austère, plus rigoureux, valorisé par une véritable mise en scène.
l’Étrange festival, jusqu’au 15 septembre au Forum des Images de Paris – Plus d’infos sur le site de l’Étrange festival.