
L’Étrange Festival 2013 : Jour 6 ( Ghost graduation, The resurrection of a bastard, Europa report)
Sixième jour d’Etrange Festival, 18 films vus et au moins encore autant à venir. La fatigue commence à poindre, les cernes sont bien visibles mais on ne lâche rien pour la bonne cause ! Au programme de cette journée donc : Ghost graduation, The resurrection of a bastard et Europa report.
GHOST GRADUATION, DE JAVIER LUIS CALDERA
Le sympathique Ghost Graduation s’inspire clairement des comédies fantastiques des années 80 et de l’univers de John Hughes pour conter cette histoire de fantômes lycéens figés dans leur adolescence. Souvent drôle, parfois maladroit mais toujours divertissant, il entraîne le spectateur dans une aventure nostalgique autant dans ses références visuelles que culturelles.
Modesto peut voir les morts et ce don lui gâche là vie depuis sa plus tendre enfance. Moqué à l’école, chahuté dans son emploi de professeur par ses propres élèves, il trouve enfin une utilité à ses visions lorsqu’il rencontre un groupe de jeunes fantômes coincés dans leur lycée après leur mort des suites d’un incendie.
La grande qualité de Ghost Graduation est sans nul doute la caractérisation de ses personnages. Extrêmement divers, chacun dotés d’une personnalité attachante, ils semblent tout à fait complémentaires et sont le moteur du film. Aidée par des dialogues rapides très bien écrits, cette galerie de protagonistes colorés évolue dans un univers situé entre Breakfast Club et Fantômes contre fantômes, un monde ultra-balisé donc, que le réalisateur Javier Ruiz Caldera explore et revisite avec plaisir.
Bien entendu, pour les vieux briscards ayant baigné dans les productions Amblin et les films fantastiques depuis des lustres, Ghost Graduation n’apportera rien de bien nouveau, ni dans le fond, ni dans la forme. Mais ce bel hommage est assez malin pour ne pas tomber dans les chausse-trappes de la redite évidente, proposant des idées fraîches et la réinterprétation d’un matériel de base bien connu. De plus, on peut reconnaître au film une belle audace dans son approche assez crue de certaines scènes. Ainsi, Ghost Graduation essaye avec succès de se distinguer de ses prédécesseurs en radicalisant sa voix et si le résultat n’est pas toujours de bon goût, il est souvent détonnant.
Mais même si on ne s’ennuie jamais dans cette aventure fantaisiste au rythme enlevé, forcé de constater que l’intrigue est cousue de fil blanc. Le spectateur se trouve donc plus captivé par les facéties des personnages que par une histoire traversant toutes les étapes logiques d’un scénario en pilote automatique du début à la fin malgré quelques éclats d’originalité bienvenus. Reste tout de même une impression finale globalement satisfaisante pour un film très plaisant qui ne manquera pas de réjouir les nostalgiques avertis et les nouveaux venus.
THE RESURRECTION OF A BASTARD, GUIDO VAN DRIEL
Guido Van Driel adapte sa propre bande dessinée pour ce premier long métrage contemplatif et mutique d’une beauté à couper le souffle. Offrant un mélange entre ultra violence et poésie picturale, The resurrection of a bastard fait se croiser plusieurs destins dans un néo-noir rural très proche de l’univers du magnifique Bullhead de Michaël R. Roskam.
Un criminel autrefois impitoyable semble avoir changé depuis un événement tragique. Un jeune immigré africain, fragile et sensible, est traumatisé par les cauchemars de son passé revenant le hanter. Un fermier prend les armes pour venger la mort d’un être cher disparu. Ces trois trajectoires dramatiques vont se croiser dans un univers champêtre ou règne une violence sous-jacente.
Frustration, c’est le mot qui vient en tête après avoir vu ce film plastiquement irréprochable et parfaitement interprété. Car même si l’univers présenté est séduisant, habité par des personnages complexes et admirablement photographié, The resurrection of a bastard ne parvient jamais vraiment à décoller. La faute à un scénario aux scènes éparses, dénué d’un réel fil conducteur impliquant vraiment le spectateur. Évoluant ainsi dans une histoire composée de vignettes semblant aléatoirement disséminées, difficile de s’attacher à qui que ce soit ou de se soucier de l’évolution d’une intrigue dont on a du mal à définir les contours avant le dernier quart d’heure du film.
Pourtant chaque scène est bien pensée, convenablement exécutée, mais l’ensemble manque cruellement de cohésion. The resurrection of a bastard impose ainsi au spectateur une certaine distance qui petit à petit en vient à rebuter toute bonne volonté. D’une froideur hallucinante, le film expose plus qu’il n’implique et ne parvient jamais à nous embarquer. Une déception, car on ne demande qu’à entrer dans cet univers et comprendre ces personnages torturés qu’on devine plus étoffés qu’on veut bien nous le montrer. Une démonstration de force visuelle trop hermétique et déshumanisée.
EUROPA REPORT, SEBASTIAN CORDERO
Europa report n’est pas exempt de défauts, loin de là. Explorant le terrain bien connu du huis clos spatial sans bénéficier des moyens de ses aînés, avec une approche scientifiquement plausible des plus austères de surcroît, ce film assez lent et bavard se laisse difficilement approcher. Et pourtant, il parvient à séduire précisément grâce à cette ascèse tonale et à cette économie de moyens, valorisant un scénario bien pensé exploitant brillamment les faiblesses de cette production sans le sous.
Une équipe internationale de six astronautes, envoyée en mission vers la quatrième lune de Jupiter, enquête sur une possible existence extraterrestre et tente de faire face aux différents problèmes rencontrés lors d’un voyage spatial au long cours. Europa Report est le journal de bord vidéo de cette aventure.
Tout dans ce film est question de mesure et de sobriété. Ménageant ses effets pour nous installer dans un monde crédible habité par de vrais êtres humains et non pas des “figures” de scientifiques caricaturales et esquissées, Europa Report laisse le temps à ses personnages d’évoluer afin que nous saisissions la portée purement humaine de cette histoire. Car même si le film de Sebastián Cordero utilise finalement les mêmes ficelles que tous les ”thrillers spatiaux” déjà existants, il le fait avec tellement de tact et de patience que cela rend son film plus tendu et réaliste. Nous nous trouvons donc face un autre found-footage, plausible cette fois-ci, chroniquant les déboires d’une équipe soudée au destin que savons dramatique dés le début du film.
Car Europa Report est aussi un film d’horreur. Pas un film d’horreur au sens traditionnel du terme, mais une oeuvre glaçante renvoyant le spectateur à ses peurs primales grâce à des scène sidérantes de maîtrise. Refusant de se complaire dans la surenchère d’effets, Cordero préfère ainsi jouer sur les silences et le réalisme le plus total pour nous captiver. Rien n’est dramatisé ou vulgarisé et les “événements” sont systématiquement montrés avec une distance terrifiante rendant encore plus prégnant le drame en train de se dérouler.
Ce film est également une belle aventure humaine sobre et ambitieuse qui passionnera sans aucun doute les amateurs de “Hard Science-Fiction” par son luxe de détails et son regard précis. Jolie odyssée filmée avec beaucoup de retenue mais non dénuée d’ambition, Europa Report propose une expérience immersive dans les tréfonds de l’espace et saura offrir aux spectateurs capables de dépasser un emballage trop familier, un voyage fascinant.
L’Étrange festival : jusqu’au 15 septembre au Forum des Images de Paris – Plus d’infos sur le site de l’Étrange festival.