
L’Étrange Festival 2013 : Jour 7 ( Rewind this, Blue ruin, The station)
Au programme de ce septième jour d’Étrange Festival 2013 : Rewind this, Blue ruin et The station. Soit du bon, du très bon et du vraiment beaucoup moins bon. Allons-y !
REWIND THIS, DE JOSH JOHNSON
Quoi de plus approprié, lorsqu’on s’apprête à visionner un documentaire sur l’histoire de la VHS, que de commencer cette séance par une introduction hilarante de Christophe Lemaire, accompagné de Nicolas Boukhrief et François Cognard, deux des membres fondateurs du légendaire Starfix présents dans la salle ? Recevant, à l’occasion de son anniversaire, une copie VHS du Dracula de 1973 réalisé par Dan Curtis dans lequel le comte était incarné par Jack Palance (si, si), et quelques couplets chantés par le public du festival, le critique prend après cette courte célébration quelques minutes pour rendre hommage à notre chère cassette vidéo aujourd’hui disparue et qui fut pour bon nombre d’entre nous à l’origine de notre cinéphilie déviante. Une parfaite entrée en matière donc, avant d’embarquer dans le trip nostalgique et réjouissant qu’est Rewind this.
En s’appuyant sur les témoignages de collectionneurs, de producteurs et de réalisateurs tels que Mamoru Oshii ou Jason Eisener, ce documentaire rigoureux retrace le glorieux et bref règne de la VHS, de sa création à son dernier souffle. La vraie bonne idée de Rewind this est de laisser la parole à ces passionnés, ces connaisseurs portant un regard rétrospectif tendre et érudit sur le format. Passant en revu tous les détails qui faisaient le charme de la VHS, comme sa taille disproportionnée, son prix à la vente exorbitant ou ses jaquettes souvent plus élaborées que les films qu’elles étaient censées représenter, ils nous invitent à un voyage dans le temps, à une époque où le videoclub était le paradis des cinéphages affamés.
Mais ce film méticuleux examine aussi ce que représentait stratégiquement ce nouveau format émergeant dans les années 80 pour une industrie à la dérive et des studios comme la Fox cherchant une nouvelle poule aux oeufs d’or. Car l’avènement de la VHS marquait à l’époque un réel tournant dans l’histoire du medium, celui du déplacement du cinéma des salles aux salons. En découle économiquement une véritable révolution dans la manière de produire, vendre et consommer les films. C’est le début du marketing tout puissant, l’ouverture des marchés et le développement des franchises à produits dérivés. Une nouvelle ère.
Conscient du passé mais regardant vers l’avenir, Rewind this parvient donc intelligemment, tout en restant distrayant, à comprendre ce que signifiait l’apparition de la VHS pour notre société de consommation et ce qui découle de sa mort. Mais au-delà de ces considérations économiques et sociales, ce documentaire est surtout un film drôle et très bien rythmé. Présentant plusieurs publicités d’époque improbables et des extraits de programmes involontairement hilarants alors vendus exclusivement en vidéo (mention spéciale à l’énorme Bubba Until It Hurts), Rewind this est plus une célébration d’un temps révolu qu’un Requiem.
Il démontre de plus que la passion initiée par la boite noire chez toute une génération de cinéphiles (dont votre serviteur fait partie) est toujours présente et bien vivace. Elle s’est simplement adaptée, transformée pour s’adapter à de nouveaux formats. Car, comme le souligne Rewind this en filigrane, au-delà de nos beaux souvenirs, la cinéphilie est finalement bien plus une question de contenu que de contenant.
BLUE RUIN, DE JEREMY SAULNIER
La vie de Dwight s’est arrêtée après qu’une tragédie ait frappé sa famille de plein fouet quelques années plus tôt. Aujourd’hui vagabond, habitant dans une vieille voiture en bord de mer et se nourrissant de restes glanés dans les poubelles aux alentours, il est bientôt contraint de reprendre le contrôle de son existence lorsqu’il apprend la sortie de prison de l’homme responsable de son malheur.
Blue Ruin est un neo-noir rude et tendu présentant avec beaucoup de retenue l’odyssée vengeresse d’un homme agissant avant tout à l’instinct. Mais c’est aussi l’histoire d’un fils détruit, annihilé, partant à la reconquête de son humanité pour paradoxalement se transformer en machine à tuer. Dénué de tout artifice autant dans sa mise en scène que dans sa manière de dérouler calmement cette marche funeste, le film de Jeremy Saulnier nous embarque dans une aventure où nous ne pouvons qu’éprouver de la compassion pour Dwight en dépit des actes atroces qu’il commet.
S’engage alors une vraie réflexion sur la loi du talion et sur les répercussions néfastes de l’auto défense. Car l’intrigue de Blue ruin, soigneusement structurée, nous entraîne dans une histoire régit par un effet domino implacable. Une trajectoire dramatique débouchant fatalement vers une issue qu’on imagine tragique. En effet, notre héros n’a pas le temps de réellement de réfléchir, de prendre toute la mesure de ses actes. Il fonctionne comme une mécanique détraquée guidée par une rage contenue animant ce corps sans âme depuis le trauma originel qui a bouleversé sa vie.
Produit en partie grâce à l’argent des utilisateurs de la plateforme de financement Kickstarter, ce film sombre et modeste fascine par la maîtrise et l’originalité de son ton. Tout y est parfaitement juste, de l’interprétation extraordinaire de crédibilité, au scénario simple et maîtrisé jusqu’à la réalisation parfaite. Jeremy Saulnier impose donc avec ce film un fascinant univers crépusculaire ou la violence très réaliste n’est jamais iconisée et utilise un personnage présenté avec beaucoup de pudeur pour livrer une vraie réflexion sur la nature et les conséquences de la vengeance. Remarquable.
THE STATION, DE MARVIN KREN
Une équipe de scientifiques travaillant dans un centre d’analyse situé au cœur des Alpes découvre que la curieuse infection bactériologique d’un glacier provoque chez les animaux des mutations monstrueuses. Entre volonté d’approfondir cette miraculeuse découverte et peur de se retrouver nez à nez avec ces aberrations de la nature, ils se trouvent finalement confrontés à un phénomène qui leur échappe totalement.
Plus qu’un hommage à The Thing de Carpenter, The Station se sert du film de Big John comme d’une enveloppe décharnée dont on aurait vidé toute la substance avant de la porter comme un imperméable. Tout est là : le décor glacé, les scientifiques, l’organisme cellulaire vorace, l’anti-héros hirsut et irritable, la musique minimaliste citant le boulot de Morricone, la montée en puissance, la paranoïa. Seulement voilà, il ne suffit pas de se parer des oripeaux superficielles d’un chef-d’oeuvre pour en être un soi-même, loin de là. Car le film de Marvin Kren ne dispose ni de la vision du maître, ni de personnages étoffés, ni des FX de Rob Bottin et surtout pas de la photographie de Dean Cundey.
De plus, son scénario rachitique d’une platitude affolante réduit l’aventure de ses scientifiques profondément antipathiques à un mauvais survival horror vidéoludique. Un tel doit aller chercher un téléphone à la base, l’autre enquêter dans une grotte pleine de monstres, encore un autre rejoindre un point X à pieds sans armes, un dernier doit trouver un médicament Y pour soigner Z. Insupportable. De plus, et il est bon d’insister sur un point, vraiment. Lorsqu’on réalise un film de monstres et que le spectateur en vient à se ranger du coté des créatures dés la vingtième minute du métrage, espérant que tous les personnages périssent dans d’atroces souffrances, ce n’est pas bon signe.
Enfin, sincèrement désolé de retourner le couteau dans la plaie purulente, mais quand on nous annonce avant projection que le réalisateur préfère les FX traditionnels en plateau à l’image de synthèse pour plus de véracité, je me gausse. Encore faudrait-il que le design des créatures soit soigné, crédible et que le directeur photo du film parvienne à les filmer convenablement. Car en l’état, on a parfois l’impression de se retrouver dans une production Trauma (hello Poultrygeist: Night of the Chicken Dead ) tant certains monstres font peine à voir et ne parviennent qu’à nous tirer des larmes de consternation. Et ne me lancez pas sur la fin, amusante dans l’absolue, mais qui n’a strictement rien à faire dans un film aussi premier degré que celui-là.
Bon après reste les montagnes, c’est beau les montagnes.
L’Étrange festival : jusqu’au 15 septembre au Forum des Images de Paris – Plus d’infos sur le site de l’Étrange festival.