L’incandescence adolescente dans Friday Night Lights

L’incandescence adolescente dans Friday Night Lights

Notre dossier La Série par l’Image cherche à mettre l’image ou la réalisation dans les séries au premier plan. Nous essayons également de voir comment l’image, seule, peut avoir une fonction, un rôle. Dans Friday Night Lights, la réalisation a donné son identité à la série. En accordant beaucoup de liberté aux acteurs dans leurs déplacements, elle a souligné combien l’adolescence était synonyme d’hésitation et de construction.

Adviennent alors les interstices, les regards, les accidents qui font entrer l’air dans le plan.
(Clélia Cohen in Les Inrocks2, 120 Séries Indispensables)

©NBC

@NBC

Il faut voir Friday Night Lights (FNL) avant de l’écouter. Couper le son et l’observer. Regarder sa puissance tellurique organiser le théâtre de l’adolescence et de ses émois. L’image devient aérienne quand elle capture l’émotion et vissée au sol quand elle aborde les destins sociaux. Elle illustre les enjeux, souligne les tempêtes, révèle la fragilité des sentiments, exhorte le plaisir brut des célébrations. Et elle montre le Texas, en délaissant son chromo hideux jaunâtre. Les couleurs gagnent une belle saturation, veillée par un soleil qui s’invite à l’écran et illumine le cadre. Cette lumière ardente expose aussi bien un horizon en forme de promesse, qu’elle éblouit ses sujets, un peu prisonniers de leur microcosme. La réalisation figure aussi bien la beauté éthérée de la passion, qu’elle plaque ses tragédies adolescentes. Elle s’élève entre les regards et s’écrase dans la mêlée.

Capter, intercepter, voler. La caméra utilise la conjugaison du football américain pour se construire et imposer son style. Un style qui refuse l’espace étriqué des marquages au sol au profit du mouvement dans le plan. Se dessinent une autonomie salvatrice aux déplacements naturels et un comportement affranchi de règles trop strictes et directives. La caméra ne pousse pas, elle épouse ; ne s’impose pas mais suit et enveloppe ; supporte avec fragilité l’action. Dans la violence d’un match de football ou l’intensité d’une discussion, tout est filmé avec une déférence similaire, parce qu’à Dillon, Texas, la ville vit au rythme des matchs du vendredi soir. Sur le terrain comme à l’extérieur, les batailles sont aussi brutales, les replis salutaires, la grâce euphorique.

@NBC

©NBC

Dans ces jeux de forces parfois contraires, s’impose la lecture juste et délicate de l’adolescence. Dans ses soubresauts, ses hésitations, ses impulsions ou son apathie. La caméra aime ainsi se placer à hauteur des yeux, suivant des regards pleins de promesses. Gorgé par une foi innocente, le cadre sait s’élargir pour figurer un espace dévoilé comme une échappatoire avant d’enfermer, par un mouvement panoptique, les personnages dans une prison à horizon ouvert. La réalisation use ainsi de paradoxes, laissant énormément de liberté dans son cadre pour une jeunesse brûlante tout en révélant la difficulté de transcender une fatalité sociale.

Visuellement, FNL impose une identité forte sans recourir à quelques effets de style trop artificiels. Pleine d’hésitation, d’approximation, la série exprime une vision proche du documentaire dans sa façon d’observer. Elle illustre avec douceur et délicatesse la vie d’une petite ville du Texas, qu’elle affiche sans dirigisme ostentatoire. Elle gagne un rare degré d’authenticité, de celle qui exalte les émotions et joue sur une immersion gracieuse et enchanteresse. L’image dans FNL est intense et lumineuse. Elle oppose la rugosité d’une ville (et sa mentalité parfois conservatrice) à une adolescence crépusculaire. Et si le soir, les lumières de la ville sont artificielles, le jour, elle embrase de son énergie incandescente la vie de ses sujets enflammés.

Partager