
L’Ombre et la Lumière dans The X Files
Notre dossier La Série par l’Image cherche à mettre l’image ou la réalisation dans les séries au premier plan. Nous essayons également de voir comment l’image, seule, peut avoir une fonction, un rôle. Dans The X Files, la réalisation participe à la qualité indéniable de la série, instaurant l’ambiance nécessaire pour apprécier les enquêtes du célèbre duo Mulder & Scully. Mais la réalisation va montrer également d’autres intentions, jusque dans le développement de l’histoire.
« De la lumière ne naît pas forcément la vérité. »
(Christophe Petit in Génération Séries #HS2)
Pour atteindre son ambition, X-Files devait se doter d’une réalisation irréprochable. Le soin apporté à cette dernière permet à la série d’entrer au panthéon des plus grandes et d’élever l’art de la série tv à une autre dimension. Une dimension visuelle, formelle qui exerce fascination et interrogation auprès du public.
X-Files, c’est un duo d’enquêteurs du FBI, des extra-terrestres, des mystères, un complot gouvernemental, du fantastique, des monstres ; un cocktail dont on peine à mesurer aujourd’hui l’extrême fragilité. Réussir à intégrer autant d’éléments différents tout en conservant une unité, voilà le travail que devait supporter la réalisation. Elle devait participer au spectacle, souligner le mystère, révéler l’horreur, créer la tension comme la complicité jusqu’à offrir une résonance à l’esprit de la série. Tout le travail esthétique devient symbole d’une ligne de conduite.
« La vérité est ailleurs » (The Truth Is Out There) comme « ne faites confiance à personne » (Trust No One) sont les deux mantras de la série. La réalisation va dès lors s’accorder à ces deux paradigmes pour jouer sur divers degrés de perception. S’il est un autre gimmick de la série, il est visuel celui-là : les longs balayages de faisceaux lumineux. Les deux sont liés. Les deux agissent à un niveau allégorique. Bien sûr, cette esthétique est motivée aussi bien par des besoins contractuels (gérer les coûts de production en minimisant l’exposition) que celui d’entretenir une filiation avec le cinéma de série B, les bandes horrifiques qui ont nourri l’imaginaire de Chris Carter. Mais la pénombre omniprésente contrastée par des phénomènes d’intense luminosité nourrit une dimension symbolique.
La lumière dans X-Files révèle mais n’apporte pas souvent la vérité. Elle débusque ce qui se tapit dans l’ombre mais la découverte entraîne de nouveaux mystères. L’exposition ne permet pas de comprendre, elle plonge les enquêteurs vers une perplexité plus grande. Ce qui reste dans l’ombre, au contraire, œuvre pour éclaircir les événements, conduire les deux agents sur la bonne voie. Dans X-Files, il y a souvent inversion des rapports comme la série a joué avec la notion subjective de la vérité. Cette perturbation participe à créer un effet mêlant suspens, appréhension, peur chez un spectateur totalement immergé mais dans l’expectative la plus totale. Ce soin tout particulier appliqué à la gestion de l’espace (masquer des pans entiers de décors, créer une forme de claustrophobie par le rétrécissement du champ de vision, multiplier les sources potentielles de danger) conduit la série vers une exigence visuelle permanente.
Faire parler les images quand les mots sont incapables d’exprimer l’insondable. C’est finalement l’objet du travail formel de la série. Avec ce petit côté retors parce que la série s’anime dans une atmosphère de faux-semblants. Il y a presque un côté Lovecraftien dans la réalisation de X-Files. Une menace sourde et indescriptible, bien antérieure au duo Mulder & Scully. Qu’elle prenne la forme d’une agence gouvernementale secrète ou d’un mutant. La série va alors travailler l’aplat. Une surface lisse et monochrome. Noir ou blanc. Où la lumière semble effacer ce qui se trouve à l’écran, faire disparaître ; et le noir absorbe, contient. Et toute la grammaire visuelle de la série de se trouver résumer dans cette opposition.
X-Files a travaillé la matière visuelle pour créer une identité remarquable. En empruntant un style cinématographique d’abord, puis à un niveau plus symbolique comme reflet des thématiques de la série où les notions de perception, de faux-semblants et de vérité s’exercent. Ce petit big bang formel a donné naissance à l’une des séries les mieux réalisées, les mieux esthétisées. Et pour rappel, X-Files est une série des années 90, diffusée sur le network FOX.
Je trouve les articles concernant X-Files extrêmement intéressant et exhaustifs. J’ai notamment apprécié l’analyse approfondie des 20 épisodes sélectionnés par vos soins. Je serai très heureux d’en lire de nouvelles (par exemple pour Compressions, Quand vient la nuit, Peur Bleue,…).